La place des femmes dans le secteur de la data et de la tech reste un enjeu important dans une industrie en constante évolution. Lors d’une conférence animée dans le cadre de Big Data & AI, Aurélie Le Cain, data & AI global director chez L-Acoustics, et Ilias Charki, global head data & analytics pour Louis Vuitton, ont abordé les défis de la mixité dans ce domaine encore largement dominé par les hommes. Leur intervention a mis en lumière les stéréotypes persistants et les actions concrètes pour encourager une plus grande diversité et présence féminine dans les équipes.
Les stéréotypes de genre : un obstacle dès le plus jeune âge
Les stéréotypes de genre imprègnent notre société dès l’enfance, influençant les choix d’orientation des jeunes filles, comme l’ont expliqué les intervenants. “Si vous allez dans un magasin de jouets, vous verrez que tout ce qui est lié à la tech se trouve dans d’autres rayons”, fait remarquer Aurélie Le Cain. Ce conditionnement sociétal est profondément enraciné et contribue à la faible représentation des femmes dans les métiers techniques, en particulier dans la data et l’intelligence artificielle.
Ilias Charki ajoute que ce phénomène ne s’arrête pas à l’enfance, mais continue tout au long de la carrière : “Plus on est proche des aspects d’infrastructure, de technologie et d’ingénierie, plus on trouve des hommes. Quand on arrive sur des couches applicatives de présentation, d’expérience utilisateur, on trouve plus de femmes.” Ce déséquilibre montre que les métiers perçus comme “techniques”, comme celui du développement web par exemple, restent associés à la masculinité, tandis que les femmes se concentrent souvent sur des fonctions analytiques ou relationnelles.
Comment attirer et retenir les talents féminins dans la data ?
Outre les stéréotypes, la difficulté d’attirer et de retenir les femmes dans ces métiers reste un défi. “Une femme sur deux quitte le secteur de la tech après huit ans, souvent à cause du plafond de verre ou parce qu’elle ne se sent pas valorisée”, explique Ilias Charki. Ce constat est alarmant pour une industrie qui peine déjà à recruter des femmes. Selon les chiffres cités lors de la conférence, seules 24 % des femmes travaillent dans le secteur numérique en France, et cette proportion chute encore plus dans les postes purement techniques.
Face à ce problème, Aurélie Le Cain met en avant l’importance d’un management inclusif pour renforcer la confiance des femmes dans leur parcours professionnel. “Il est crucial de valoriser nos collaboratrices, de les encourager à se mettre en avant. Le syndrome de l’imposteur peut être fréquent chez les femmes, mais il faut apprendre à se faire confiance, step by step.” Elle propose d’accompagner les femmes avec des programmes de mentorat et des actions concrètes pour améliorer la rétention des talents, comme l’ajustement des processus de recrutement pour inclure plus de femmes : “Dans les recrutements, il est important que les candidates voient des femmes lors des entretiens, pour qu’elles se projettent.”
De plus, la question des biais dans l’intelligence artificielle, domaine en pleine expansion, a également été soulevée par Ilias Charki. “Si les équipes qui entraînent les modèles IA sont principalement composées d’hommes, il y a un risque que ces systèmes reproduisent les stéréotypes de genre.” Ce point illustre l’importance de la diversité dans les équipes pour éviter la propagation des biais dans les technologies de demain.
Des initiatives pour changer la donne
Pour inverser la tendance, Aurélie Le Cain et Ilias Charki s’accordent sur l’importance de commencer à sensibiliser dès le plus jeune âge. “Si l’on veut voir des changements d’ici 10 à 20 ans, il faut agir dès l’école et en famille”, insiste-t-elle. Elle évoque parallèlement le groupement associatif ElleStime, dont elle est fondatrice, qui met en relation des femmes travaillant dans la tech avec des collégiennes, afin de briser les stéréotypes à la racine.
Enfin, la visibilité des rôles modèles féminins dans la tech est essentielle. Aurélie Le Cain encourage les entreprises à mettre en avant leurs collaboratrices lors d’événements internes et sur les réseaux sociaux : “Valoriser nos collaboratrices permet de montrer aux autres femmes que ces métiers sont faits pour elles.” Cette reconnaissance publique des talents féminins contribue à créer une dynamique positive dans les entreprises et à attirer de nouvelles recrues.
La mixité dans la data n’est pas seulement une question d’équité, mais aussi un levier de performance. Comme le rappelle Aurélie Le Cain, “des études montrent que les équipes mixtes sont plus performantes”. Déconstruire les stéréotypes et adopter des stratégies inclusives sont donc des impératifs pour permettre aux femmes de s’épanouir dans ce secteur d’avenir.