Les chiffres
- 238 drives piéton en France en 2024, dont 127 E. Leclerc
Sources : NielsenIQ et Galec
- 12,5% : le taux de pénétration du drive piéton en Île-de-France, contre 11,7% en France
Source : NielsenIQ
Au pays du drive, sa version piétonne peine à s’imposer en France. En ne considérant que les drives « solos » ou accolés, c’est-à-dire avec un point de retrait physique entièrement dédié à cette pratique, le circuit reste de taille très modeste : il ne représente que 5,75 % des ventes en drive. Et moins de 1 % du total des ventes des PGC-FLS, d’après NielsenIQ. De surcroît, « le drive piéton perd en termes de pénétration car il y a eu moins d’ouvertures entre P9 2023 et P9 2024. En revanche, ce modèle résiste bien mieux que le drive », note Jérôme Roy, senior analyst strategic du panéliste.
Un concept essentiellement urbain
Nombre de drives piéton par ville ou agglomération
Source : NielsenIQ
Des stratégies différentes
Derrière ces chiffres se cachent des réalités bien distinctes. Premier enseignement, sur ce segment de marché, E. Leclerc règne de plus en plus en maître. Parmi les 238 unités recensées par NielsenIQ, le Mouvement s’impose avec 127 drives piéton solos. Malgré quelques fermetures, les adhérents E. Leclerc adeptes du drive de la première heure massifient leurs entrepôts en conquérant des territoires plus urbains. Et ceux qui possèdent déjà un drive piéton dupliquent l’expérience.
« Nous avons trouvé la martingale économique, affirme Thomas Pocher, adhérent de Lille, détenteur notamment de sept drives piéton alimentés par son entrepôt de Fretin (59). Une commande en drive piéton me coûte entre 1 et 3 euros, en considérant les coûts d’approche et le prestataire qui fournit mes drives sur les derniers kilomètres à vélo. C’est toujours bien moins cher que la livraison à domicile. »
L’autre élément qui renforce la domination d’E. Leclerc est l’évolution des autres acteurs de la grande distribution, à rebours de sa stratégie. Ainsi, Auchan, qui annonçait vouloir créer 300 unités d’ici à fin 2021, en a gelé le développement un an plus tard. En 2023, plusieurs unités ont même baissé définitivement le rideau. Contactée, l’enseigne n’a pas souhaité commenter cette volte-face.
Enfin, Carrefour parie aussi sur le drive piéton, mais avec un modèle économique différent. Le groupe ne détient que huit points de retrait dédiés ou accolés, opérés par le prestataire Delipop. En revanche, il compte 650 points de retrait à l’accueil des magasins. Une façon de muscler son parc de magasins de proximité sans leur « coller » un drive piéton proche qui pourrait constituer une concurrence. « Tous nos formats sont porteurs et correspondent à des typologies de clients différents : les ultra-urbains qui veulent gagner du temps et récupérer leurs courses en dehors des horaires d’ouverture d’un magasin utilisent davantage les casiers Delipop, par exemple », illustre un porte-parole de l’enseigne.
La fréquence et le panier par occasion tirent la croissance
Taux de pénétration des drives piéton, fréquence d’achat et panier par occasion, en UC, et évolution sur un an, en pt ou %
Source : NielsenIQ, CAM à P8 2024, PGC-FLS
Pénétration
Fréquence d’achat
Panier par occasion
Des clients aisés vivant dans de petits foyers
- Les profils des consommateurs surreprésentés en drive piéton
- 35 à 64 ans Classe moyenne supérieure et aisée
- Foyers de 1 à 2 personnes
Source : NielsenIQ, CAM à P8 2024, PGC-FLS
Le frais incontournable
Top 5 des familles en unités par acheteur en drive piéton
Source : NielsenIQ, CAM à P8 2024, PGC-FLS
Tournée de l’épicier 2.0
« Pour l’heure, le circuit se démocratise surtout grâce à la fidélisation de ses acheteurs », indique Jérôme Roy, chez NielsenIQ. Comprendre : les clients de ce mode de retrait des courses en ligne consomment plus souvent par ce biais, plus de quatre fois par an en moyenne. Et ils remplissent de plus en plus leur panier, près de douze articles en moyenne par session de courses, « ce qui situe le drive piéton entre le commerce de proximité et le petit supermarché », analyse un observateur de ce circuit.
Si ces données sont encourageantes, l’urgence est au recrutement. Pour l’heure, ce circuit séduit surtout les urbains. Trois villes, Paris (47) Lille (21) et Bordeaux (17), concentrent plus de 35 % du parc. « Je dois sans cesse recruter », assure Thomas Pocher, qui cumule plus de 15 000 commandes sur ses sept drives piéton en septembre, avec un panier moyen à 43 euros. « Pour séduire des étudiants, je présente par exemple l’offre de remise immédiate “10balles” afin de déclencher un premier achat en drive piéton. »
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En milieu rural, la bataille est tout autre. « Lors des inondations dans le nord de la France, j’ai mis en place un système de drive piéton mobile dans plusieurs communes », relate Marc Debert, adhérent E. Leclerc à Attin (62), à la tête d’un hyper et d’un drive. Depuis, il a été autorisé par six mairies à s’installer sur la place de village sur des jours fixes. Les clients, qui ont réalisé et payé leurs courses en ligne, disposent d’un créneau d’une heure pour récupérer leurs courses. Cette épicerie mobile, qui reprend les bonnes recettes de la tournée de l’épicier, a le mérite d’être plus simple à gérer, les commandes étant passées au préalable.
Ce service, aussi en test chez d’autres adhérents, plaît dans le Pas-de-Calais, et un troisième créneau sera bientôt proposé dans les communes où le succès est le plus grand. « J’ai identifié des communes situées à 15 à 25 km de mon magasin pour ne pas cibler les clients déjà captifs. Aujourd’hui, ce drive relais mobile me permet avant tout d’occuper le terrain. J’atteins l’équilibre, mais ce n’est pas là que je gagne le plus d’argent », pointe-t-il. Avec 200 à 300 commandes par semaine, cette tournée 2.0 représente tout de même, au bout d’un an, 15 % de ses ventes en drive.
Cet article est issu de notre édition du 17 octobre 2024