En ce lundi matin, les chaises disposées en demi-cercle trouvent vite preneurs dans les locaux de la Protection civile à Saint-Herblain, près de Nantes (Loire-Atlantique). Une fois le groupe au complet, Sébastien Gaudin, le formateur, lance un tour de table. Mathya, 41 ans, ouvre le bal. « En faisant ma formation “premiers secours citoyen”, il y a quelques mois, j’ai découvert que l’association proposait aussi du secourisme canin », explique cette salariée en marketing digital. « Propriétaire depuis quatre ans et demi d’un chien prénommé Lucky, je me suis dit que ce serait utile pour prendre soin de lui et économiser des frais vétérinaires. » Au passage, elle a décidé d’embarquer son mari dans l’aventure. « 140 € pour nous deux, cela représente un petit investissement. Mais dans l’urgence, nous ne serons pas trop de deux têtes pensantes pour savoir comment réagir. »
Lancée en 2013, la formation n’a pas pour ambition de former des apprentis vétérinaires mais d’enseigner les premiers gestes de secours à prodiguer à son compagnon à quatre pattes en attendant de consulter. L’an dernier, 1 153 personnes l’ont suivie au niveau national. En majorité des femmes, souvent liées monde animalier : dog-sitters, assistantes vétérinaires, éducatrices canines… Élise, 32 ans, débute dans le métier. « Je sais que dans le cadre de mon activité, je vais me trouver confrontée à des situations compliquées, témoigne-t-elle. Je préfère donc prévenir plutôt que guérir. »
Savoir observer
Impeccable dans son uniforme bleu et orange, Sébastien attrape une peluche et commence son exposé. « À quoi voit-on qu’un chien ne va pas bien ? » interroge-t-il. « Il gémit », répond une stagiaire. « Il est amorphe », renchérit une autre. Des signes qu’on ne peut repérer que si l’on connaît bien son animal. « Il faut donc bien l’observer au quotidien, le palper régulièrement, sentir son odeur générale, contrôler la couleur de ses muqueuses pour déterminer un comportement de référence », conseille Sébastien.
Premier exercice pratique : la prise de pouls. Le secouriste couche son compagnon en mousse sur le flanc, puis glisse sa main à l’intérieur de sa cuisse. « On compte toujours le nombre de pulsations pendant une minute entière », insiste-t-il. Attention, un pouls filant peut signifier une hémorragie, autrement dit d’un saignement abondant qui ne s’arrête pas. Il faut alors vite stopper la perte de sang. « Avant d’intervenir, on prend soin de museler le chien. Une simple bande de tissu nouée autour de sa truffe fait l’affaire », précise Sébastien.
Francine, 54 ans, écoute avec attention. « J’ai déjà eu à soigner une plaie sur mon griffon korthals, blessé après l’attaque d’un autre chien », raconte-t-elle. « Étant infirmière à domicile, je m’en étais très bien sortie, mais avec le recul, je pense ne pas avoir fait ce qu’il fallait en ce qui concerne ma propre protection. » Place au pansement compressif. À genou au chevet de son chien en peluche, elle attrape un morceau de tissu propre qu’elle applique sur la plaie en continuant à comprimer. Puis elle entoure le tout d’une bande qu’elle serre à l’aide d’un double nœud. En un tour de main, l’opération est terminée.
Maîtriser les bons gestes
Coup de chaleur, brûlure, étouffement, envenimation… la session se poursuit entre explications générales et cas pratiques. La dernière partie aborde la conduite à tenir en cas de perte de connaissance. « Que faites-vous si votre chien est inconscient mais respire ? » demande Sébastien. « Je lui dis “serre-moi la patte si tu m’entends” », plaisante Elsa, 37 ans, fanatique des animaux depuis toute petite. Fou rire dans la salle. Sébastien ne se démonte pas. « Il faut le placer sur le flanc droit et libérer ses voies aériennes. »
Un silence lourd s’installe quand le sujet de l’arrêt cardio-respiratoire vient sur le tapis. « Il est important d’anticiper cette situation et de vous questionner, insiste le formateur. Commencez-vous un massage cardiaque ? À quel moment décidez-vous de l’arrêter ? » Éducatrice canine depuis trois ans, Alexandra, 36 ans, se laisse déborder par l’émotion. « Je suis très sensible, soufflet-elle, gênée. Il suffit qu’un animal meure dans un film pour que je fonde en larmes. » À la sortie des sept heures de formation, elle se sent toutefois mieux armée. « Je me suis trouvée confrontée trois fois à des torsions d’estomac, raconte-t-elle. J’ai d’ailleurs perdu l’un de mes chiens comme ça. Si cela devait se reproduire aujourd’hui, je sais que je paniquerais moins, car je possède le bagage nécessaire. »
Les recettes du succès
- Une institution reconnue. Association de loi 1901 fondée en 1965, la Protection civile assure trois missions: secourir les personnes lors d’événements majeurs; aider les plus démunis ou les populations sinistrées ; et former. Chaque année, elle apprend à sauver des vies à plus de 110 000 personnes.
- Une formation grand public. Pas besoin de disposer d’une expérience en secourisme. Les sessions sont accessibles à toute personne âgée de 12 ans minimum.
- De petits effectifs. Chaque session de formation est limitée à dix stagiaires et encadrée par un formateur spécialisé.