Une étude de l’Institut Rousseau montre qu’en Europe, les principales banques ont, en moyenne, des actifs en énergies fossiles qui équivalent à 92 % de leurs fonds propres”.
“Une étude de l’Institut Rousseau montre qu’en Europe, les principales banques ont, en moyenne, des actifs en énergies fossiles qui équivalent à 92 % de leurs fonds propres, explique l’entrepreneuse. Ce sont des banques centenaires qui se sont construites pendant la révolution industrielle. À l’époque, il fallait financer l’énergie, le charbon, puis le pétrole, qui était au centre de notre économie. Donc, c’est logique qu’il y ait cet héritage historique.” Mais Maud Caillaux le constate amèrement. “Cela fait maintenant des dizaines d’années qu’on dit qu’il faut arrêter de financer ces énergies. Mais rien ne bouge vraiment.”
Ma mère est iranienne et elle m’a transmis son stress hydrique.”
La néobanque a donc décidé de tout miser sur le vert. Elle garantit ainsi que l’argent de ses clients servira à financer des projets écologiques. “On finance, par exemple, la SNCF ou des entreprises actives dans le solaire et les technologies de la dépollution ou l’agriculture durable.”

Créer une banque. Ce projet un peu fou n’est pas venu tout de suite dans la tête de la détentrice d’un MBA obtenu à l’école de management de Grenoble. “J’ai commencé à travailler dans le luxe et puis j’ai eu un déclic écologique très fort. Ma mère est iranienne et elle m’a transmis son stress hydrique. Là où j’ai grandi, à Dijon, on a eu, une année, un été où on a commencé à ne plus avoir d’eau. Cela a été une vraie déflagration.”
En 2018, Maud quitte Christian Dior pour se faire les armes dans la finance, d’abord au CIC, le Crédit industriel et commercial, puis en tant que consultante chez Capgemini. “Pour moi, c’était là où je pouvais avoir le plus d’impact en termes d’intensité et de rapidité. L’argent en lui-même n’est pas polluant. C’est son utilisation qui est problématique.” Fidèle à ses valeurs, en 2020, à 26 ans, elle fonde Green-Got en compagnie d’Andréa Ganovelli et Fabien Huet. “Nous avons essayé de trouver une solution qui permette à tout un chacun de rediriger son argent du pétrole, du charbon et du gaz vers la transition écologique et énergétique.”
En 2024, la néobanque a atteint 1 milliard d’euros de transactions, investi plus de 40 millions d’euros et possède plus de 100 millions d’euros sous gestion pour ses 60 000 clients en Belgique et en France. À l’exception des crédits – dans les boîtes à carton de la start-up – elle propose tous les services d’une banque classique, avec une carte bancaire en bois ou en plastique recyclable.
Créer les nouvelles énergies décarbonées, les nouveaux transports, la nouvelle agriculture durable… cela représente des marchés immenses à prendre.”
Pour la jeune Dijonnaise, rendement et écologie sont tout à fait compatibles. “Toute l’écologie n’a pas à être perçue via le prisme de la philanthropie et du don aux associations. On n’a pas besoin d’être un farouche écolo prêt à perdre son argent pour venir chez nous. Bien au contraire. Créer les nouvelles énergies décarbonées, les nouveaux transports, la nouvelle agriculture durable… cela représente des marchés immenses à prendre.” La banque dit ainsi investir dans les champions de demain. “C’est le même genre d’opportunité que financer Google avant Internet ou les chemins de fer avant la première révolution industrielle. Certains fabricants de panneaux solaires que nous soutenons ont multiplié leur valeur financière par trois en quelques années.”
Je pense que la majorité de nos clients ont cette motivation de préserver l’environnement, tout en faisant grossir leur bas de laine.”
La fraîche trentenaire a conscience que si certains très gros investisseurs se mettent dans le vert, ils ne le font pas tous “pour sauver les dauphins”. “Nous avons cette motivation, mais peu importe… Ce sont les résultats qui comptent. Je suis du côté des pragmatiques. Je pense qu’on a très peu de temps pour agir, et finalement, on utilise la force du système contre lui. Je pense que la majorité de nos clients ont cette motivation de préserver l’environnement, tout en faisant grossir leur bas de laine.” La banque se dit “compétitive” par rapport à ses concurrentes. “Mais nous ne promettons pas non plus un rendement à 15 % ni ne nous adressons aux fans des cryptomonnaies qui veulent des gains spectaculaires. Notre vision est à plus long terme. C’est de la gestion dérisquée et raisonnée de l’épargne.”

Selon Maud Caillaux, Green-Got ne risque également pas de suivre le destin tragique de la coopérative belge NewB. “On a une structure très saine avec des reins solides. On vient par exemple d’exploser un record européen en levant 5 millions d’euros auprès de notre communauté en moins de deux heures.”
Hugo Clément, François Gemenne et Alexandre de Rostschildt
Cette communauté, elle est large, allant du journaliste militant Hugo Clément à Alexandre de Rostschildt en passant par Arthur Auboeuf (Team for the Planet), Lucie Basch (Too Good To Go) ou Romain Nicoli (Pigment). En Belgique, c’est le médiatisé François Gemenne qui fait partie du comité scientifique de l’entreprise. “Nous sommes encore sur une communication 100 % francophone et on ne fait pas d’effort marketing particulier pour notre développement en Belgique. Il faut être réaliste : nous sommes une petite équipe de 100 personnes. Mais à terme, on aimerait bien aussi s’implanter en Flandre. On a aussi des demandes en Norvège, en Suisse ou en Allemagne.”
Au début les banques classiques se sont moquées de nous. Ensuite, elles ont eu un peu peur quand elles ont vu la vitesse de notre croissance. Aujourd’hui, on est sur une entente cordiale”.
L’arrivée de Green-Got a été une petite révolution dans le monde bancaire français. “Au début les banques classiques se sont moquées de nous. Ensuite, elles ont eu un peu peur quand elles ont vu la vitesse de notre croissance. Aujourd’hui, on est sur une entente cordiale. Je pense que les banques traditionnelles nous voient comme des éclaireurs. Je sais qu’on parle beaucoup de nous dans les conseils d’administration, dans les comités de direction.”
Bonne nouvelle pour les clients de NewB : la banque va ouvrir sa première agence physique
Selon celle qui est aussi diplômée en marketing digital de l’université de Columbia à New York, le succès de Green-Got “montre que les gens ont envie de finances vertes”. “Les banques classiques ne peuvent plus rester les bras croisés. On les pousse à évoluer. Vous savez, le plus important pour une banque, ce n’est pas de perdre votre argent ou même vos données, mais que vous le sachiez. C’est de perdre votre confiance, sa réputation. De plus en plus de gens vont refuser qu’on finance dans leur dos le fossile avec leur argent. Les banques vont devoir se repositionner si elles ne veulent pas perdre tous leurs clients.”
La patronne croit aussi énormément en l’actionnariat militant. “Pour l’instant, on finance les entreprises qui font bien les choses. Mais mon rêve, c’est d’avoir plusieurs dizaines, voire centaines de milliards sous gestion pour pouvoir changer de l’intérieur les grandes entreprises qui ne font pas les choses correctement. Imaginez si un jour, on peut ‘avoir’ 10 % des actions de TotalEnergies. Là on obligera l’entreprise à suivre une vraie trajectoire climat. Ce serait magique ! Notre objectif c’est vraiment d’utiliser les armes du système pour le changer.”
En quelques dates :
2014-2017 : Master en business management à l’école de management de Grenoble.
2017 : Marketing&Communication chez Christian Dior Couture.
2019 : Master en marketing digital à l’Université de Columbia à New York
2020 : Maud Caillaux cofonde la banque Green-Got.