Depuis quelques années, un conflit oppose LinkedIn, le réseau social professionnel détenu par Microsoft, à plusieurs grands titres de presse français. La raison de cette dispute est l’usage des contenus de presse sans autorisation ni compensation financière, violant ainsi la législation sur les droits voisins.
Origines du conflit
Le conflit commence avec l’adoption de la législation sur les droits voisins en 2019, visant à permettre aux agences de presse et aux médias d’obtenir une rémunération lorsque leurs contenus sont réutilisés par des plateformes numériques. Cependant, LinkedIn n’a pas respecté ces nouvelles normes depuis leur mise en place, continuant d’exploiter les articles de presse sans autorisation ni paiement approprié.
Pierre Louette, président de l’Alliance de la presse d’information générale (APIG) et PDG du groupe Les Echos-Le Parisien, déclare que LinkedIn refuse systématiquement de fournir les données nécessaires pour évaluer l’utilisation de ces contenus et négocier les montants dus. Cela rend impossible toute évaluation précise du nombre de vues et de partages des contenus de presse sur la plateforme, rendant également toute négociation équitable infructueuse.
L’assignation en justice
Face à cette situation, une cinquantaine de titres de presse français, regroupés au sein de l’APIG, ont décidé d’assigner LinkedIn en justice. Cette action vise à faire respecter les droits voisins et à obtenir une compensation financière pour l’utilisation de leurs contenus. Le Figaro rapporte que cette assignation a été enregistrée le mardi 28 janvier dernier.
La procédure réfère explicitement aux obligations légales qui imposent aux plateformes numériques de rémunérer les auteurs et les éditeurs lorsque leurs œuvres sont exploitées. En négligeant ces obligations, LinkedIn se retrouve en porte-à-faux avec une législation pourtant claire sur ce point.
Les négociations avec les autres géants du numérique
Le désaccord ne concerne pas uniquement LinkedIn. D’autres géants du numérique comme Google et Meta (maison mère de Facebook) sont également impliqués dans des discussions similaires. Toutefois, les rapports sont moins tendus avec ces entreprises. Par exemple, Google et l’APIG ont renouvelé récemment un accord-cadre en 2022, couvrant plus de 300 titres de presse. Bien que les négociations aient pu être âpres, elles ont abouti à une entente.
D’un autre côté, Meta, malgré avoir conclu un premier accord-cadre en 2021, fait valoir que la fin de Facebook News modifie radicalement la base sur laquelle étaient assis les droits précédents. Selon les sources du Figaro, les contenus de presse y seraient désormais moins mis en avant par les algorithmes de Meta, affectant la visibilité et donc l’assiette des compensations financières.
Les enjeux financiers en question
Avec cette législation, les médias espèrent obtenir une source significative de revenus, essentielle dans un contexte où les modèles économiques traditionnels de la presse sont en crise. La non-compensation par des plateformes comme LinkedIn crée un préjudice financier considérable pour ces médias, qui investissent des ressources importantes dans la production d’articles originaux.
En France, Google a déjà été condamné à payer une amende importante de 250 millions d’euros pour non-respect des droits voisins, établissant ainsi un précédent juridiquement contraignant pour toutes les autres plateformes. Cet enjeu pécuniaire impose à LinkedIn une sérieuse nécessité de conformité afin d’éviter des sanctions qui pourraient affecter sa réputation et ses opérations futures.
Le rôle de l’intelligence artificielle dans ce contexte
Par ailleurs, l’ampleur de l’intelligence artificielle et son utilisation croissante soulèvent des questions supplémentaires sur la manière dont les contenus de presse sont agrégés, distribués et consommés. Ces technologies peuvent analyser, comprendre et redistribuer le contenu journalistique à une échelle industrielle, amplifiant ainsi l’usage sans consentement des écrits protégés.
Les médias doivent alors s’assurer que leurs droits sont respectés non seulement par les plateformes humaines mais aussi par les systèmes automatisés, ajoutant ainsi une couche de complexité aux négociations autour des droits voisins.