À partir du 16 février 2025, Google ouvre un nouveau chapitre dans l’univers de la publicité numérique en proposant le fingerprinting numérique aux annonceurs. Cette technologie controversée promet un ciblage plus précis des campagnes, mais suscite de nombreuses inquiétudes autour de la protection de la vie privée.
Une empreinte numérique unique pour chaque utilisateur
Le fingerprinting numérique ne repose pas sur des empreintes digitales physiques, mais sur la collecte de données techniques propres aux appareils des utilisateurs : taille de l’écran, navigateur, système d’exploitation, langue de l’appareil et adresse IP, entre autres. En croisant ces éléments, il devient possible de créer un profil unique, permettant de suivre un utilisateur sans avoir recours aux traditionnels cookies tiers.
Concrètement, cela signifie qu’un utilisateur peut être identifié et suivi même après avoir refusé les cookies sur un site. Cette capacité à contourner les choix explicites des internautes en fait une méthode particulièrement efficace pour les annonceurs, mais aussi une source majeure de préoccupations pour les défenseurs de la vie privée.
Pourquoi Google mise sur le fingerprinting
Pour Google, cette initiative s’inscrit dans une volonté d’aider les annonceurs à améliorer l’attribution cross-device, notamment sur les télévisions connectées (CTV) et les consoles de jeu, où il est souvent difficile de relier les impressions publicitaires aux ventes réalisées.
Evelyn Mitchell-Wolf, analyste chez eMarketer, souligne que « la mesure des interactions sur différents appareils est essentielle dans des environnements où l’attribution classique reste limitée ». Le fingerprinting numérique apparaît ainsi comme une solution stratégique pour répondre à ce défi, en offrant une vision plus précise du parcours utilisateur à travers divers écrans.
Des inquiétudes grandissantes pour la vie privée
Malgré les avantages vantés par Google, cette technologie est loin de faire l’unanimité. Contrairement aux cookies, que les internautes peuvent facilement effacer ou bloquer, les empreintes numériques sont beaucoup plus difficiles à contrôler. Cette opacité inquiète les régulateurs et les associations de protection des données.
Le Bureau du commissaire à l’information du Royaume-Uni (ICO) a exprimé de sérieuses réserves, évoquant une possible non-conformité avec le RGPD et la directive ePrivacy. Stephen Almond, directeur de l’ICO, n’a pas hésité à qualifier le fingerprinting de méthode « peu compatible avec les attentes des utilisateurs en matière de confidentialité ». D’autres organisations comme l’EFF (Electronic Frontier Foundation) partagent ces préoccupations, soulignant le risque accru de surveillance sans consentement explicite.
La réponse de Google
Conscient de ces critiques, Google affirme avoir intégré des Technologies Préservant la Vie Privée (PET) pour limiter les risques associés à cette pratique. Parmi les solutions avancées, l’entreprise évoque le traitement des données directement sur les appareils, ce qui, selon elle, garantirait l’anonymat tout en permettant un ciblage précis.
Cependant, les détails techniques de ces innovations restent flous. Evelyn Mitchell-Wolf rappelle que « Google reste évasif sur les mécanismes concrets mis en place pour protéger réellement les utilisateurs ». Cette zone d’incertitude continue d’alimenter les débats sur l’équilibre entre innovation technologique et respect des droits numériques.
Un impact économique majeur sur le marché publicitaire
L’introduction du fingerprinting numérique pourrait bouleverser le marché publicitaire. Selon des experts, le coût par mille impressions (CPM) pourrait connaître une forte hausse, passant de 0,5 € à plus de 2 €. Une augmentation qui risque de pénaliser les petites agences publicitaires, déjà fragilisées, face aux grands acteurs capables d’absorber ces coûts.
En France, où le marché publicitaire numérique était estimé à 8,7 milliards d’euros en 2024, cette évolution pourrait accentuer les inégalités entre annonceurs, réduisant l’accès à certaines stratégies pour les plus modestes.