Bouchez hyperactif, X loin devant TikTok : voici comment les partis politiques et leurs présidents ont utilisé les réseaux sociaux en 2024 en Belgique


Les algorithmes capricieux

Créer des publications sur les réseaux sociaux, c’est parfois tout un art. Et une chose est sûre, certains contenus sont plus valorisés par les algorithmes que d’autres. “Les volumes d’interactions sont liés d’une part à la taille des comptes et puis, d’autre part, au type de contenu. On sait que les réseaux sociaux ont tendance à susciter davantage d’engagements (de likes, de commentaires, de partages) quand les publications amènent une émotion plus négative. Typiquement, les partis d’opposition et singulièrement d’extrême (surtout droite) sont quelque part favorisés par les algorithmes puisqu’ils peuvent avoir des discours non seulement simplistes, mais qui suscitent des émotions fortes, négatives. C’est plus viral et ça suscite plus d’interactions que d’autres posts“, analyse Xavier Degraux. Un exemple significatif est celui de François De Smet (ex-président de Défi). Malgré un nombre de publications très important, il a engagé très peu d’interactions. Le résultat de comptes moins suivis, et d’un discours beaucoup plus neutre, centriste.

Démocratie et réseaux sociaux : bienvenue en terrain hostile

Bouchez, l’incarnation

Georges-Louis Bouchez a publié un total de 4.409 messages organiques sur ses réseaux sociaux. Il arrive donc à la première place du podium du nombre de publications par des leaders politiques. Et de très loin… Car la deuxième place est attribuée à Tom Van Grieken (Vlaams Belang), avec 2.381 posts en 2024. “C’est une stratégie d’incarnation, c’est-à-dire que proportionnellement, GLB publie beaucoup plus que son propre parti. C’est un des seuls. Il a compris qu’incarner un message, c’est peut-être plus fort que de le faire passer par le prisme d’un logo d’un parti, d’un mouvement, etc.” Ce type de stratégie et de management de parti, basé sur “deshommes forts”, c’est-à-dire qui incarnent à eux seuls quasiment leur parti“, a notamment pu être observé dans des milieux bien précis “singulièrement les populistes d’extrême droite.”

À l’inverse, le second parti de Wallonie, Les Engagés, sont moins actifs, aussi bien au niveau du parti, que de Maxime Prévot. “Ils sont très fort en payant, mais très faible au niveau de son président au niveau organique“.

À la 3e place du podium, on retrouve François De Smet. En effet, l’ex-président de Défi a publié 1.721 micro-contenus. Un volume de posts assez conséquent, mais qui n’a pourtant généré “que” 55.180 interactions, 29 fois moins que “GLB“. “Il ne bénéficie pas d’une prime à l’algorithme, car ses propos sont très nuancés et neutres. Et de toute façon, cela n’aurait rien changé. Pourquoi ? Comme c’est un petit parti, il devait préserver les partenaires potentiels qui auraient pu l’appeler le soir des élections. Il n’est pas un premier parti. Il ne pouvait pas. C’est un cercle vicieux. Pour être vu sur les réseaux sociaux, idéalement, vous devriez frapper et critiquer, etc. Et en même temps, vous devez réfléchir: sur qui est-ce que vous allez frapper?

Mode influenceurs

Les lignes bougent, et les habitudes changent. Les politiques ont une nouvelle mission de taille: ils doivent publier du contenu sur les réseaux, que ce soit sur les pages des partis, ou des (co)président(e)s. “On peut parler presque de peopolisation. À un moment, ça devient des influenceurs réseaux sociaux. Ils agissent comme tels. Quand on a Georges-Louis Bouchez qui publie 12 fois par jour, c’est un vrai job, en réalité. C’est un choix de se positionner comme ça.”

Et le PS dans tout ça?

Le PS, un des plus grands partis de Wallonie, n’est pas positionné très haut, dans aucune des catégories. “Il est dans le ventre mou de tous les classements. C’est assez étonnant de se dire qu’un parti qui était au pouvoir, qui avait beaucoup de moyens, s’est laissé complètement déborder au niveau publicitaire et au niveau organique.” Par contre, des changements peuvent arriver dans le futur. “Qu’est-ce qui se passe depuis qu’ils ne sont plus au pouvoir? Si vous regardez bien les posts de Paul Magnette par exemple, la tonalité est en train de changer. C’est-à-dire qu’il commence à incarner beaucoup plus qu’en 2024 et en 2023. Il est plus corrosif, dans un discours d’opposition et dans la critique. C’est assez perturbant de voir deux postures un peu différentes comme ça, enchaînées en fonction du résultat des élections.

X est en tête

Loin d’être le premier réseau social utilisé en Belgique, X est pourtant en tête des publications des politiques, un élément assez étonnant. Cela n’est pas du tout un reflet de la population, et de sa consommation des réseaux sociaux: 1,9 millions de Belges sont une fois par mois au minimum sur X. Et quand on regarde les chiffres de Xavier Degraux, ce réseau social est le plus utilisé par les partis politiques, à 46,7%, et même constat pour le total des posts “présidentiels“, il représente 47,8% (Instagram: 19,6 %, Facebook : 19,2%, TikTok : 7,6%, LinkedIn : 5,8% et YouTube : 0%). “Il y a un entre-soi politique et médiatique. Il est intéressant de savoir qui il reste finalement sur X. On a une bulle de pouvoir.” Prenons l’exemple de Georges-Louis Bouchez. “Il a scindé, c’est-à-dire qu’il a des réseaux sociaux qui lui servent à toucher certaines cibles: les gens, la population. Des personnes favorables à sa personne, à ses idées, etc., mais aussi où il vise finalement un peu de recrutement politique et va chercher de l’audience : c’est typiquement pour lui le rôle de Facebook et Instagram. À côté de ça, il a une strate politicienne où il fait de la politique via X. Et là, il va chercher quoi comme audience ? Non plus le grand public, mais ses pairs, la société civile au sens où elle est organisée et les médias. Il travaille avec un ciblage différent selon les plateformes.”

Et l’avenir?

Cette année a évidemment été spéciale, car doublement électoral. Les partis ont donc mis le paquet afin de tenter de convaincre les citoyens. Mais malgré tout, les choses bougent même en dehors de ce contexte. “On est face à un mouvement de communication politique qui s’élargit et s’approfondit. Il y a quelques années, dans les précédentes élections par exemple, les extrêmes occupaient l’essentiel du terrain. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus réparti.” Il y a plusieurs années, l’extrême-droite flamande innovait avec ses communications payantes et massives. Ensuite, c’est la Wallonie qui a été touchée par le phénomène. “Les extrêmes ont créé la nouvelle norme. Ils ont fait changer le jeu.



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