Influence : quand la vidéo passe, les écrits restent


Tribune d’Emmanuel Ferry, Chief Strategy Officer chez Kessel

Nous l’avons bien compris. L’influence en 2025 sera filmée, ou ne sera pas. 

Du moins, telle est la direction qui semble communément prise par l’immense majorité des médias traditionnels et sociaux, cédant aux sirènes d’une guerre de l’attention qui ne pourrait se jouer, selon eux, que sur la vitesse de consommation,et le divertissement associé. Admettons…Mais si l’attention est un prérequis indispensable, elle ne doit pour autant pas être l’alpha ni l’oméga de la performance en communication.

Il existe en réalité aujourd’hui une autre guerre, plus importante, à remporter : celle d’une influence palpable et durable. Il est légitime de s’interroger alors sur la capacité du seul format vidéo à conduire à la victoire dans une époque où les enjeux sont aussi complexes à saisir qu’à transmettre. Soyons clairs : loin de moi l’idée de vouloir naviguer à contre-courant des tendances publicitaires, mais plutôt de rappeler que tandis que la notoriété de la marque tend à compter moins que la réputation de l’entreprise derrière elle, la vidéo ne peut, à elle-seule, endosser toutes les casquettes de l’influence.

J’en veux pour témoin l’Histoire en premier lieu. Si je suis bel et bien en mesure de citer des dizaines d’ouvrages ayant impacté profondément  l’opinion publique, ayant bousculé durablement les mœurs, ayant entraîné de nouvelles visions du Monde (Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir, La Société du Spectacle de Guy Debord, Introduction à la pensée complexe  d’Edgar Morin, La Fabrication du consentement de Naom Chomsky, ou encore Indignez-vous de Stéphane Hessel), je ne suis pas – encore – capable de faire de même concernant le moindre format vidéo. L’Homme a toujours eu besoin du temps de la lecture et de l’assimilation pour être convaincu.C’est ainsi que l’Écrit l’emporte encore dans nos quotidiens lorsque l’on entend assurer de sa motivation pour un emploi, lorsque l’on établit  un rapport d’enquête, ou lorsque l’on défend une idée ou un projet auprès d’une banque, par exemple.

Les raisons sont diverses mais tiennent principalement selon moi à deux réalités. La première est la dimension « choisie » de la lecture. Dans un contexte où la notion de consentement semble réinterrogée à l’infini, y compris dans l’univers de la publicité, il est pertinent de rappeler que l’Écrit ne s’impose pas aux yeux du lecteur. C’est bien lui, et lui seul, qui fait le choix de lire, tout ou partie, au moment où il le souhaite. Aucun sens n’est pris en otage. Tandis qu’il est estimé que nous sommes aujourd’hui toutes et tous exposés à plus d’un millier de messages publicitaires par jour, l’argument prend tout son sens.

La seconde tient au caractère statutaire de l’Écrit. Parce qu’il inspire confiance, parce qu’il engage son auteur, l’Écrit vient souvent appuyer, étayer, renforcer par le rationnel ce que la vidéo aura pu provoquer au niveau émotionnel. Il est en outre un média d’intellectuels, qui convaincra plus aisément les leaders d’opinion, médiatiques ou politiques.

Tandis que nos convictions passées en termes de santé, de climat, de technologie, ou d’économie sont chaque jour bousculées, je gage donc que la vidéo ne pourra pas livrer bataille seule ! J’enjoins ainsi l’ensemble des parties-prenantes de l’influence à prendre ses responsabilités dans l’élévation du message, comme dans la diversification des formats, de sorte à permettre à nos marques – et derrière elles nos entreprises- de travailler efficacement à la réputation qu’elles méritent.





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