« La fin des agences », le retour du disque rayé (2/2) – La Réclame


Voici 4 nouveaux leviers de croissance pour les agences.


Nous sommes ravis de retrouver Jérémy Lacoste, contributeur sur la Réclame. Jérémy est directeur général France de l’agence Eskimoz. C’est un expert du marketing digital, des martech et de la publicité en ligne. Il a pour grande qualité de partager chaque semaine ses analyses et observations, que ce soit sur LinkedIn, en tant qu’enseignant ou dans ses tribunes sur la Réclame.


Et si la crise des tarifs douaniers redistribuait les cartes de notre secteur d’activité. Par effet ricochet. C’est en tout cas un signal faible qui s’observe aux États-Unis depuis quelques jours, comme le raconte Digiday : pour répondre à la demande des annonceurs d’optimiser les coûts, les agences média taillent parmi les intermédiaires et passent de plus en plus de deals en direct avec les éditeurs. Jusqu’à être elles-mêmes désintermédiées ?

On constate néanmoins à date pas de sur-réaction de l’écosystème au grand soulagement de Dipanjan Chatterjee, analyste chez Forrester qui dévoile le pot aux roses : « le problème de la volatilité, c’est qu’elle ne dure pas longtemps. » Mais assez parfois pour créer de la friction.

La fin des agences, c’est le sujet tarte à la crème par excellence. 20 ans qu’on le lit çà et là et pourtant, ces structures n’ont jamais été aussi nombreuses et présentes chez autant d’annonceurs. En revanche, force est de constater qu’il y a un mouvement global qui oscille entre consolidation et alliance d’acteurs. Manière de répondre à tous les défis que j’ai listés dans l’article 1.

Et c’est peut-être Arthur Sadoun, DG de Publicis, qui le résume mieux quand on l’interroge sur le rapprochement entre Omnicom et IPG : «  Omnicom a décidé de faire des emplettes.  Notre industrie est mise à l’épreuve par les marchés financiers en ce moment. Les analystes décrivent Publicis comme une belle maison, mais dans un mauvais quartier. Ce quartier commencera à avoir bien meilleure allure si nous passons à trois grands leaders mondiaux. »

Mauvais quartier vraiment ? En tout cas, l’optimiste reste la norme du côté des agences malgré les vents contraires qui s’accumulent : baisse des budgets, internalisation, instabilité économique…

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Car pour beaucoup, c’est une opportunité de faire la différence. De trier le bon grain de l’ivraie. Comme on dit : « c’est lorsque la mer se retire que l’on voit ceux qui se baignent nu ». D’où ces rachats un peu partout dans l’écosystème dernièrement.

Et les enjeux sont clairs pour les agences : acquisition de nouveaux clients (58 %) ; rétention des salariés (47 %) ; politique tarifaire (39 %).

Assez similaire finalement aux enjeux auxquels doivent répondre l’ensemble des annonceurs. À une exception près : la technologie. C’est clairement ici que se jouera la bataille de la rentabilité. Et ce dans ses dimensions d’intégration au stack ; d’innovation ; et de prise en main par l’ensemble du collectif.

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Au point qu’un nouveau modèle d’agence se dessine ? Je sais qu’il y a un tropisme à voir dans chaque changement une révolution. C’est évidemment un abus de langage. Et les mutations auxquelles doivent faire face les agences aujourd’hui sont au moins aussi importantes que celles opérées à l’arrivée d’internet, du mobile ou des réseaux sociaux. S’adapter pour continuer donc.

4 angles me semblent désormais incontournables :

1. Verticaliser l’expertise sur le métier du client

Avec la fin du monopole du savoir technique et technologique des agences et la simplification des plateformes adtech, l’expertise ne réside (plus seulement), dans le pilotage des campagnes d’activation. Amazon a inventé la commande en un clic, Google la campagne search en trois clics.

La richesse d’une agence se trouve désormais dans la triangulation d’expertises qui s’entremêlent. Deux modèles qui vont s’imposer : expert métier & tech d’un côté ; expert créa & tech de l’autre. C’est la consécration des modèles T-Shaped appliqués aux agences. Des profils très experts sur la technologie qui additionnent une autre corde à leur arc comme la connaissance métier, un versant automation, ou une vista créative.

De quoi questionner le modèle d’agences généralistes.

2. (Re)devenir tiers de confiance

Après s’être longtemps appuyé sur l’écosystème agences pour éduquer le marché, les adtechs américaines se sont essayées à une stratégie d’approche directe avec les annonceurs il y a quelques années. Avant de rétropédaler dernièrement.

Si certains annonceurs souhaitent garder cette relation premium, d’autres positionnent leur agence comme tiers de confiance. Et c’est justement tout l’enjeu. L’agence doit permettre de regagner en autonomie face aux éditeurs. En apportant une grille de lecture ; en questionnant les recommandations des plateformes publicitaires dont, faut-il le rappeler, défendent avant tout leurs intérêts ; en essayant d’avoir une approche holistique avec l’ensemble des acteurs mobilisés.

À cette fin, les agences qui vont prendre une longueur d’avance sont celles qui vont aligner la performance de l’annonceur avec leur rémunération. Manière de faire contrepoids aux régies en ayant une rémunération à la performance.

3. Miser sur la tech

Le run de campagne et les régies laissent de plus en plus la place à des accompagnements stratégiques. On assiste à une premiumisation de certaines agences. Plus de conseil, plus de méthodologie et surtout plus de tech embarquée in-house.

La valeur ne se situe plus à 100% dans la mise à disposition d’experts, mais également dans le déploiement de tout un stack technologique. Il n’est pas anodin que les grands groupes font de plus en plus leur marché côté adtech, en témoigne le rachat de Lotame par Publicis… ou que les structures plus modestes construisent des outils propriétaires. L’objectif : se rapprocher du SaaS ce qui est un bon moyen pour fidéliser les annonceurs.

Et par effet ricochet, constatons avec le fondateur du CRM Batch, que les éditeurs font exactement le chemin inverse : commencer à vendre du service et de l’accompagnement, là où il y a quelques années, cela était la chasse gardée d’intégrateurs.

Que cela signifie-t-il de manière plus globale ? Les agences ne pourront plus se contenter de naviguer dans le sens du vent et mettre seulement en place les bonnes pratiques marché, mais devront être des phares éclairants pour préempter les nouveaux territoires de l’innovation. IA, automatisation, cookies tiers… la feuille de route est longue.

4. Se penser comme une marque

Le fameux cordonnier mal chaussé, appliqué aux agences. Il n’y a qu’à aller faire un petit tour sur les sites de certaines ou de voir leur communication externe… Gageons qu’elles passent plus de temps à accompagner leur client qu’à poncer leurs assets. Il n’empêche.

Il faut penser l’agence comme une marque et son service comme une expérience client à délivrer. Et ce pour éviter de tomber dans le schéma de l’usine à PPT qui enchaîne les audits standards et propose des prestations non personnalisées.

Je fais le pari que les agences qui vont tirer leurs épingles sont celles qui se pensent comme des annonceurs. Un branding incontournable et un sens ciselé de l’expérience client de bout en bout. Faire la chasse au mauvais service doit devenir une nouvelle boussole.

On s’en reparle dans un an ?



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