«Essoufflés, les cabinets de conseil doivent repenser leur modèle !», Coralie Dussart (Spaag) et Louis Ravier (Constellations)


Les grands cabinets de conseil sont régulièrement mis en cause pour leurs tarifs jugés trop gourmands, leurs recommandations jugées stéréotypées ou le manque de clarté sur la réalité de leur accompagnement. Tandis qu’hier l’opinion publique s’émouvait des liens entre l’État français et McKinsey, et qu’aujourd’hui Donald Trump les critique pour leur « charabia », les grands cabinets semblent cristalliser toutes les accusations, et exciter tous les fantasmes, incarnation facile du « méchant ».

C’est prendre le sujet par le petit bout de la lorgnette. Plutôt que de les accuser de tous les maux, il faut regarder ailleurs : c’est l’ensemble du marché du travail et de la demande client qui évolue, posant un véritable défi existentiel aux anciens modèles.

Des clients aux exigences inédites

Maîtriser et implémenter l’intelligence artificielle, être à la fois hyper et multispécialiste, savoir prendre de la hauteur tout en contrôlant le moindre détail de son activité, le tout toujours plus vite, avec souvent moins de moyens, dans un contexte mouvant : économie à la peine, tensions géopolitiques, révolutions technologiques… Les métiers hautement stratégiques (CEO, COO, CMO…) doivent adresser des transformations à vitesse grand V.

Face à cette nouvelle donne, les solutions d’hier ne suffisent plus. Les agences et cabinets ne peuvent plus se contenter d’être des prestataires avec chacun son couloir de nage. Au contraire, ils doivent savoir cibler ces nouveaux besoins en offrant diversité d’expertises, agilité et accompagnement intégré, de la recommandation à l’implémentation.

Ce que veulent vraiment les talents

À l’image de l’ensemble des secteurs, le conseil doit composer avec les nouvelles attentes des équipes : horizontalité, agilité… Une nouvelle donne perçue à tort par beaucoup d’observateurs et directions comme une crise de la loyauté en entreprise – ce serait se tromper de diagnostic.

La nouvelle génération de consultants cherche du sens à son travail et souhaite ainsi pouvoir accompagner les clients des premières réflexions sur la stratégie à l’implémentation de cette dernière, le tout dans un environnement de travail sans silos, aux côtés d’autres talents divers, tout aussi experts de leurs sujets.

Ce qu’on voit se dessiner, c’est une convergence entre les attentes des consultants et les besoins des clients. Reste aux cabinets à créer les conditions pour qu’elle prenne forme.

La jungle des freelances

C’est en partie l’explication de l’augmentation remarquée du nombre de freelance en France depuis une dizaine d’années. Les talents du conseil ne sont pas en reste. Certains veulent allier un travail à mi-temps en agence et un statut de freelance, d’autres sautent entièrement le pas… Les combinaisons sont nombreuses, mais le mouvement est clair.

Ce changement de paradigme est une chance pour les entreprises, mais souvent, par manque de temps et recherche d’efficacité financière, ces dernières empilent les contrats avec des freelances qui, sans un minimum de centralisation, travaillent en silos. Là où intégrer des freelances experts à un cabinet peut résulter en un gain de temps, d’efficacité dans le suivi de missions complexes, voire l’opportunité d’internaliser sur le long terme des compétences pour l’entreprise, la situation peut devenir contre-productive lorsqu’il n’y a pas de structure claire.

C’est pourquoi, face à ce marché agile mais morcelé, les cabinets ont une carte à jouer : celle de structurer ce nouveau paradigme.

Inventer le cabinet de demain

Plutôt que d’opposer tous ces acteurs et scruter leurs torts, l’heure est venue de les rassembler. Les cabinets de demain devront être légers, agiles et adaptés à un marché en quête de rapidité et de flexibilité. Ils devront tirer pleinement profit de l’IA, en acceptant de céder du terrain sur certaines tâches – pour mieux en gagner sur d’autres, plus stratégiques. Fini le modèle pyramidal et rigide : place à des dispositifs sur-mesure, capables de mobiliser les bonnes expertises au bon moment, sans superflu. C’est en combinant talents internes et indépendants au sein d’équipes mixtes qu’ils garantiront un accompagnement de bout en bout, avec la rigueur des grandes firmes et la réactivité et la diversité des structures plus souples.

L’enjeu n’est pas de renverser la table, mais de tirer le meilleur des deux mondes : exigence et adaptabilité, conseil et exécution, structure et agilité. Les cabinets doivent repenser leur modèle avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème, au service des clients, des talents et de la compétitivité du secteur.



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