(Agence Ecofin) – « Les bébés avant les résultats financiers », alertent les deux organismes onusiens dans un manifeste visant à protéger les parents contre les allégations mensongères et l’usage de techniques marketing manipulatrices qui compromettent la santé des nourrissons.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef) ont lancé en Afrique du Sud, mardi 29 avril, le manifeste « Les bébés avant les résultats financiers ». Cette initiative vise à alerter les parents sud-africains contre les publicités trompeuses et contraires à l’éthique concernant les substituts du lait maternel.
« Les allégations fausses, incomplètes et trompeuses en matière de santé et de nutrition formulées par les fabricants de lait infantile doivent cesser immédiatement. L’OMS appelle les fabricants de lait infantile à cesser de présenter des preuves scientifiques incomplètes et d’inférer des résultats sanitaires non étayés », avertit la représentante de l’institution en Afrique du Sud, Shenaaz El-Halabi.
Le manifeste met particulièrement en garde contre les techniques de marketing numérique et les algorithmes de médias sociaux qui ciblent les parents à des moments de vulnérabilité, brouillant « les frontières entre les informations nutritionnelles, la pseudoscience promotionnelle et la manipulation émotionnelle […] ».
Les deux organismes onusiens appellent spécifiquement les autorités sud-africaines à mettre à jour le Règlement relatif aux aliments destinés aux nourrissons et aux jeunes enfants afin d’y inclure les techniques publicitaires numériques modernes qui n’existaient pas lors de sa rédaction en 2012 et de celle du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel de 1981.
Cette initiative s’inscrit dans un effort plus large visant à garantir que les familles disposent d’informations fiables et complètes pour prendre des décisions éclairées concernant l’alimentation de leurs bébés, sans être manipulées par des pratiques marketing dictées par le profit.
En 2024, une enquête réalisée par l’ONG Public Eye a révélé qu’en Afrique du Sud, les céréales pour bébé Cerelac, un produit commercialisé par Nestlé pour les enfants dès six mois, contenaient six grammes de sucre par portion. L’objectif inavoué serait de créer une accoutumance chez les enfants. Cette pratique contrevient à la réglementation de l’OMS interdisant l’ajout de sucre dans les aliments destinés aux bébés.
L’enquête a également mis en lumière les pratiques marketing de Nestlé, qui s’aventurent parfois sur le terrain des allégations de santé. Ainsi, un paquet de Mucilon, produit équivalent à Cerelac vendu au Brésil, porte l’inscription suivante : « contribue à l’immunité et au développement cérébral ».
« Un des aspects clés de la stratégie marketing de Nestlé, c’est ce qu’on appelle le marketing médical. Il s’agit d’embarquer des professionnels de la santé dans la promotion directe ou indirecte de leurs produits », explique Laurent Gaberell, coauteur du rapport. La défense du géant de l’agroalimentaire suisse face aux critiques reste invariable : « Nous nous conformons à toutes les réglementations applicables dans tous les pays où nous opérons et nous avons mis en place des procédures strictes pour garantir nos communications ».
Selon le cabinet Mordor Intelligence, le marché mondial de la nutrition infantile est estimé à 94,77 milliards $ en 2024 et devrait atteindre 134,86 milliards $ d’ici 2029, avec un taux de croissance annuel de 7,31 % sur la période concernée. Cinq entreprises dominent ce secteur : Nestlé, Danone, Mead Johnson, Abbott et FrieslandCampina, qui représentent ensemble plus de 60 % du chiffre d’affaires mondial des laits en poudre pour nourrissons, selon Statista.
Servan Ahougnon