À une époque pas si lointaine, il suffisait de mettre un produit banalisé devant les yeux des clients pour qu’ils l’achètent. Nous étions au XXe siècle, à une époque où les consommateurs étaient contraints, et où les marques et distributeurs avaient le contrôle de l’offre. Nous sommes maintenant au XXIe siècle, dans une période extrêmement complexe où les consommateurs sont à la fois libérés de toutes contraintes et fortement pressurisés par un quotidien déprimant. Dans de telles conditions de marché, les marques et distributeurs n’ont d’autres choix que de se positionner à un bout ou l’autre du spectre marketing (low cost vs. premium), car l’entre deux va rapidement devenir un no man’s land.

#GenAI #Marketing #ExpérienceClient
En synthèse :
- L’IA générative offre de nombreuses possibilités, dont certains métiers se sont déjà emparés (ex : marketing, relation client, informatique…) ;
- Face aux fortes pressions externes exercées sur leurs marges, les entreprises sont tentées d’avoir recours à l’IA générative pour automatiser un maximum d’opérations, mais se faisant elles risquent de s’éloigner de leurs clients ;
- L’automatisation n’est en elle-même pas un problème, c’est sa systématisation qui peut être problématique, car elle appauvrit l’expérience d’achat et la relation client, donc asphyxie la marque ;
- La montée en puissance des agents et assistants numériques force les marques à se remettre en question, car les IA vont potentiellement devenir les intermédiaires universelles avec les clients ;
- Les conditions de marché actuelles forcent à une polarisation du marché où seules les marques adoptant un positionnement extrême (low cost vs. premium) vont avoir une chance de survie.
L’utilisation de l’intelligence artificielle dans le marketing ou la relation client n’est pas nouvelle. Ainsi, les robots-rédacteurs sont utilisés depuis plus de 20 ans pour produire des articles à la chaine. De même, les algorithmes d’IA sont utilisés depuis le début du siècle pour analyser de grands volumes de données afin de formuler des recommandations d’optimisation reposant sur des calculs prédictifs. Idem dans la relation client avec les premiers agents conversationnels que l’on trouvait sur les sites web de La Poste ou de la SNCF au début des années 2000.
Outre ces usages précurseurs, nous avons pu constater il y a une dizaine d’années une nette accélération de l’exploitation de l’IA avec la généralisation du machine learning (cf. Panorama des solutions d’intelligence artificielle pour le marketing publié en 2017). Depuis deux ans, l’accélération est encore plus marquée avec l’avènement de l’IA générative qui offre de nouvelles possibilités, notamment des chatbots bien plus puissants et de l’automatisation intelligente.
Pour illustrer cette accélération, je vous invite à découvrir le résultat de cette étude de Bain & co : How and Why GenAI Exceeds Expectations in Marketing.

Idem avec cette étude de CoSchedule : The State of AI In Marketing.

Et pour ce qui concerne la relation client, nous avons des niveaux d’adoption qui sont sensiblement les mêmes : Automatisation, agents IA, voix : découvrez 5 tendances de l’expérience client en 2025 et Synergie entre l’IA et l’humain : vers le service à la clientèle de demain.

Donc oui, nous avons la preuve concrète que l’IA générative est en train de transformer le marketing et la relation client, avec une adoption forte. Mais ce que ces statistiques ne nous montrent pas, ce sont les différentes façons d’implémenter l’IA dans le marketing et la relation client.
L’automatisation est un choix, pas l’évolution logique
En à peine deux ans, les modèles génératifs ont bouleversé de nombreux métiers, du marketing à l’informatique en passant par la relation client et la fonction commerciale. Je pense ne rien vous apprendre en écrivant que les chatbots comme ChatGPT ou Claude ont révolutionné le cycle de vie des contenus (de la conception à la déclinaison), tandis que les APIs permettant d’intégrer les modèles génératifs dans des environnements existants ont poussé des éditeurs comme Microsoft, Google, Adobe, SalesForce, Hubspot, Zendesk, ServiceNow… à repenser leur offre d’applications en ligne.
Rassurez-vous, je ne vais pas vous refaire toute l’histoire, mais nous pouvons considérer que le génie est sorti de la lampe et que nous ne pourrons pas l’y faire rentrer à nouveau. Formulé autrement : l’IA générative est à votre disposition, si vous ne vous en servez pas, d’autres le feront à votre place !
À partir de ce constat, la tentation est grande de faire du marketing synthétique ou de la relation client automatisée, car la pression sur les marges est très forte (concurrence exacerbée), et la fidélité des clients quasi inexistante (baisse du pouvoir d’achat). Le problème est qu’en faisant, les professionnels du marketing et de la relation client risquent de scier la branche sur laquelle ils sont assis : AI could kill off most call centres, says Tata Consultancy Services head.

L’automatisation des opérations n’est donc pas une décision à prendre à la légère. D’une part, car si toutes les marques s’y mettent, il n’y aura plus de possibilités de se démarquer ; et d’autre part, car utiliser des automates et agents pour faire de la relation client, c’est en quelque sorte s’éloigner des clients. Une situation aussi paradoxale que complexe à appréhender.
Si vous posez la question à n’importe quel professionnel de la relation client, il ou elle vous fera nécessairement la même réponse : « Oui il faut utiliser l’IA, mais pas trop non plus, juste ce qu’il faut« . Autant dire que ce n’est pas un point de vue très utile.
Il existe néanmoins des marques avec un avis plus tranché sur la question, notamment ENGIE qui bénéficie d’un bon retour d’expérience sur l’utilisation de l’intelligence artificielle, et pour qui la relation client est un enjeu stratégique, puisqu’ils sont le lauréat du meilleur Service Client 2025.
J’ai eu l’occasion d’en savoir un peu plus grâce à une table ronde lors de la dernière édition de la Maddy Keynote, à laquelle a participé Jean-Rémy Dudragne, le Directeur Expérience clients grand public :
« Cela fait déjà des années que nous utilisons l’intelligence artificielle […] L’énergie est un bien de première nécessité, et c’est un marché complexe et abstrait. Les clients ont besoin d’échanger avec un homme ou une femme, qui l’écoute et fait preuve d’empathie et de relationnel.
Notre utilisation de l’IA est faite de manière juste et raisonnée : Nous n’utilisons l’IA générative que si nous ne pouvons pas le faire avec que IA classique ou un développement informatique traditionnel. »

D’autres enseignements de leurs pratiques sont à découvrir dans cet article : Comment ENGIE fait de l’IA générative un copilote de sa relation client.
L’IA est un copilote au service du client et du collaborateur qui crée de la valeur. Et l’humain est le pilote : C’est toujours l’humain qui valide ce que l’IA propose. […] c’est un homme ou une femme qui est le pilote de la relation et qui parle au client.
Le rôle du conseiller est plus que jamais nécessaire quand on interagit sur des sujets compliqués à comprendre comme le secteur de l’énergie. La quasi-totalité de nos clients nous disent qu’ils n’attendent pas d’ENGIE une IA en lieu et place d’un homme ou d’une femme. Ils ne sont que 7% à vouloir en entendre parler.
Ici également, une interview vidéo :
Donc non, l’automatisation n’est pas la seule voie possible, car il est possible d’avoir une approche hybride (humain + IA) pour réduire les temps de traitement et gagner en précision tout en préservant le contact humain. Entendons-nous bien : je ne remets pas en cause le principe du self care, je vous mets simplement en garde contre un empressement à adopter des outils qui nous semblent magiques, car ils peuvent être source d’économie, mais qui vont immanquablement nous éloigner des clients.
Sur ce point-là, je pense que tout le monde est d’accord. Il y a néanmoins des subtilités qu’il me faut préciser.
Des clients synthétiques pour des marques synthétiques
Nous avions déjà eu un premier « wake up call » il y a une dizaine d’années avec les assistants vocaux, mais les choses se précisent avec la montée en puissance des chatbots et des agents intelligents qui va complètement bouleverser le marketing, la communication, le commerce, la relation client… De grands bouleversements sont ainsi à prévoir dans les prochaines années, surtout pour le ventre mou du marché : les marques et offres qui ne sont ni les meilleures, ni les moins chères.
Il va résolument falloir agir, prendre des décisions, pour pouvoir espérer rester dans la course, car l’IA est en train de rebattre les cartes du marché (cf. Les tendances marketing du 21e siècle), ainsi que de bouleverser les règles du commerce en ligne (cf. De la commande en ligne à la vente en ligne grâce à l’IA générative).
Vous pourriez penser que j’exagère, car on nous a déjà fait le coup avec les précédents « révolutions technologiques » (Web3, métavers…), mais les dernières annonces des grands éditeurs nous prouvent qu’ils prennent les choses très au sérieux et qu’à court terme, les agents et assistants numériques (Gemini, Siri, Copilot…) vont se charger de trouver les meilleurs produits et les acheter pour le compte des utilisateurs : ChatGPT is getting better for shopping et Introducing the Copilot Merchant Program.

De même, nous pouvons tout à fait envisager que les assistants se renseignent directement auprès de la marque (en consultant la FAQ du site ou en interrogeant le chatbot) et qu’ils puissent même gérer une réclamation ou un litige à la place des clients. Dans cette optique, les agents et assistants deviennent les intermédiaires ultimes pour les annonceurs : Les agents intelligents sont-ils les nouveaux navigateurs web ?

Est-ce réellement une bonne chose que de confier la gestion de la relation client à des intelligences artificielles ? Je ne sais pas, et ce n’est pas à moi de répondre à cette question, car ce chois appartient aux clients. Ainsi, penser que les consommateurs veulent absolument une expérience optimale en boutique avec des conseillers humains à leur service serait une erreur, car tout dépend du contexte (cf. L’IA exacerbe la relation ambivalente entre clients et automates).
Une polarisation des besoins et attentes : ultra low cost vs. premium
Je pense ne rien vous apprendre en écrivant qu’à cause de la conjoncture économique, il y a une forte pression sur le pouvoir d’achat qui perturbe le comportement des consommateurs : Tendances de consommation en 2025 : les Français et leur relation avec les marques.

Des perturbations qui se font ressentir même dans le secteur de l’énergie, car de nombreux critères rentrent en compte : En Bretagne, un ménage sur cinq est en situation de vulnérabilité énergétique liée au logement.
Nous constatons également des craintes chez les consommateurs quant à l’utilisation excessive de l’IA par les marques. D’après une récente étude RetailTech, 92% des Français expriment des craintes liées à l’utilisation de l’intelligence artificielle, en particulier la disparition du contact humain pour 69% des sondés : Les Français et l’intelligence artificielle dans le commerce.

Que pouvons-nous en déduire ? Qu’il y a un antagonisme entre les contraintes externes subies par les consommateurs et leur envie justement de ne pas en subir. Une tension qui s’exprime par une polarisation des comportements et attentes entre les achats contraints et les achats « plaisir ».
Ainsi, la très large majorité des achats que nous réalisons au quotidien concerne des produits ou des services banalisés, pour lesquels les consommateurs cherchent le meilleur rapport qualité / prix, ou une solution répondant grosso modo à leur besoin, mais au prix le plus bas. Il suffit pour s’en convaincre d’observer la très forte croissance des enseignes d’ultra hard discount (ex : Action, Primark…) ou du low cost dans l’aérien (ex : Ryanair, EasyJet…), qui offrent pourtant des produits ou une expérience TRÈS dégradés, mais à des prix imbattables.
Pour ces achats-là (mécaniques, non impliquants), l’IA générative va être d’un grand secours, car elle offre des gains de productivité, donc des coûts plus faibles, donc une meilleure compétitivité. De nouveaux outils technologiques qui sont d’une grande aide pour les marques sous le radar qui veulent minimiser les coûts en automatisant un maximum d’opérations (ex : marketing, relation client, distribution…). Dans cette catégorie, nous retrouvons toutes les sous-marques qui ont opté pour un modèle de distribution indirecte via des plateformes ou des places de marché (ex : Amazon…).

Il y a ensuite les achats impliquant ou de plaisir, qui sont plus rares, mais toujours présents, pour lesquels les consommateurs cherchent de la qualité, du conseil, de la proximité, de la réactivité… et du contact humain ! Dans ce contexte, les consommateurs sont intransigeants, car leur budget n’étant pas extensible, ces occasions d’achat « premium » sont rares, donc précieuses. C’est dans ce contexte que vont se positionner les micro-marques affinitaires, locales, responsables… qui fournissent des produits et services de qualité, et une expérience d’achat optimale (ex : Polène, Faguo, Sézane…).
Pour ces marques-là, qui reposent généralement sur un modèle Direct-to-Customer, l’IA générative peut également être d’une grande aide, car elle permet de sublimer le marketing (ultra-ciblage et personnalisation), ainsi que la relation client (plus d’efficacité) : L’IA au service d’un nouveau modèle marketing pour conquérir les micro-communautés dans un monde VUCA.

Difficile d’affirmer que tous ces changements vont se produire à court terme, car il y a de nombreux paramètres que l’on ne maitrise pas dans l’équation de l’adoption, mais les nombreuses observations concordantes nous laissent penser que ce scénario de la polarisation est le plus probable. En tout cas certainement plus qu’un scénario où les consommateurs rejetteraient en masse l’IA et l’automatisation et retrouveraient leurs habitudes du XXe siècle.
La question est donc maintenant pour vous de savoir quel est le modèle le plus intéressant ou réaliste pour votre marque.
Choisissez votre camp : DTC ou plateformes ?
Comme nous venons de le voir, les conditions de marché défavorables (contexte socio-économique) et la prédominance des nouvelles technologies (smartphones, IA…) ont complètement redéfini les règles. Face à ces changements majeurs, les consommateurs se sont rapidement adaptés, mais pas les marques, dont la plupart fonctionnent encore avec des processus, outils informatiques et mentalités du XXe siècle.

Au final, que vous le vouliez ou non, que ça vous plaise ou non, nous nous dirigeons vers un marché polarisé où seuls les extrêmes ont des chances de survie : il faudra soit proposer la meilleure offre / expérience, soit la moins chère, car le « middle market » est condamné à disparaitre.
Surfant sur la vague de la baisse du pouvoir d’achat, les fabricants et distributeurs chinois préemptaient la partie ultra low cost de l’offre, mais avec les nouvelles mesures de protection douanières de la France et de l’UE, les cartes peuvent potentiellement être redistribuées : Shein, Temu, Alibaba… : Bercy prépare une riposte de taille face à l’invasion des colis chinois.
Je me doute que la perspective d’une quête éternelle des prix les plus bas n’est pas très stimulante, mais certaines marques françaises ont réussi le pari de la production locale à bas coûts : « Plus c’est ancien, plus ça plait aux Français », Bic devient pour la première fois la marque préférée des Français. C’est donc que c’est possible, tout est question de régularité et de persévérance. La marque d’accessoires Anker est également un très bel exemple de réussite dans un créneau où personne ne voulait se risquer tant les besoins étaient génériques et l’offre indifférenciée.

De l’autre côté du spectre marketing, nous trouvons les micro-marques affinitaires. Certes, l’offre est dense, très dense (cf. le Panorama des DNVB françaises), mais dans la mesure où elles sont positionnées sur des micro-niches, le nombre importe peu, l’important est d’avoir une offre, un positionnement et un discours pertinent et surtout cohérent. Donc, au cas où vous vous poseriez la question : non, le « vibe marketing » ne vous aidera pas (cf. What Is Vibe Marketing?), ce dont vous avez besoin est d’une solide compréhension des consommateurs et d’une parfaite maitrise de la production / distribution.
Je suis ainsi intimement persuadé que n’importe quelle marque dans n’importe quel secteur peut performer avec un modèle DTC grâce à du marketing ciblé et une relation client soignée, la voie de l’excellence, le tout grâce aux nouveaux outils reposant sur l’IA générative. Oui c’est possible, tout est question d’ambition et d’organisation (Transformation numérique : tout reste à faire).
Questions / Réponses :
Qu’est-ce que l’IA générative change concrètement dans la relation client ?
Elle permet de créer automatiquement des réponses, des textes, ou des recommandations personnalisées grâce à des modèles puissants comme ChatGPT. Cela rend les échanges plus rapides, améliore la réactivité des marques, et aide à traiter des milliers de demandes en même temps, sans mobiliser autant d’humains.
Est-ce que l’IA peut remplacer les conseillers humains ?
Non, surtout pas dans les cas complexes ou émotionnels. Si l’IA est très utile pour des réponses simples ou répétitives, les clients attendent encore de la compréhension, de l’écoute et de l’empathie. C’est pourquoi l’humain reste indispensable dans de nombreuses situations.
Toutes les marques doivent-elles automatiser leur relation client ?
Pas forcément. L’automatisation peut faire gagner du temps et de l’argent, mais elle peut aussi créer de la distance avec les clients si elle est mal utilisée. Chaque marque doit réfléchir à ce qu’elle veut offrir comme expérience et ne pas copier les autres sans stratégie claire.
L’IA est-elle utile pour tous les types de marques ?
Oui, mais son usage dépend du positionnement de la marque. Les marques low cost l’utilisent surtout pour réduire les coûts, alors que les marques premium s’en servent pour mieux cibler, personnaliser et sublimer la relation client. L’enjeu est de trouver le bon équilibre selon ses objectifs.
Quelle est la meilleure approche aujourd’hui ?
Difficile à dire, même si l’approche hybride semble la plus adaptée : l’IA traite les demandes simples ou urgentes, pendant que les conseillers humains gèrent les cas complexes. Cela permet de gagner du temps, d’améliorer la satisfaction client, tout en maintenant un lien humain essentiel à la fidélisation.