C’est une institution dans l’institution, un défilé haut en couleurs que les spectateurs attendent parfois plus encore que les coureurs : la caravane publicitaire du Tour de France. Composée d’environ 150 véhicules, cette parade joyeuse s’étend sur près de 10 kilomètres. Mais avant d’arpenter les routes en lançant casquettes, porte-clés et autres gadgets, c’est en coulisses que s’écrit sa véritable histoire. Dans les ateliers de La Fabrik, à quelques kilomètres de Chartres, les idées prennent forme bien avant le coup d’envoi de la Grande Boucle.
“Certains chars ont plus de 6 Tour au compteur !”
C’est dans une ancienne fabrique de meubles, à l’abri des regards, que La Fabrik donne vie aux chars les plus extravagants de la caravane. Sur les 150 véhicules qui composent le cortège, une soixantaine sort chaque année de cet atelier. Ici, une trentaine de techniciens – menuisiers, mécaniciens, sculpteurs, peintres – s’activent à temps plein pendant plus de trois mois. Le mot d’ordre : créativité, sécurité et respect des contraintes techniques.

“On commence la conception d’un cortège en avril, avec une base de véhicules classiques, comme ceux vendus au grand public”, explique un responsable de La Fabrik. “La première étape consiste à travailler sur le châssis, qu’on renforce avant de découper le toit ou d’enlever la cabine passager. En deux jours, la structure de base est prête pour la transformation.” Une fois cette ossature obtenue, les corps de métier se succèdent. Résine, métal, polystyrène : les matériaux sont choisis pour leur légèreté autant que leur résistance. “Nos structures doivent résister au vent, à la pluie, à la chaleur. Certains chars ont plus de 6 Tour au compteur !”
Entre impératifs écologiques et contraintes sécuritaires
Mais donner vie à un char ne suffit pas. Il faut aussi respecter un cahier des charges très strict, édicté par Amaury Sport Organisation (ASO), l’organisateur du Tour. “Les seules règles qu’on ne peut absolument pas contourner sont celles de l’ASO”, souligne le responsable de La Fabrik. “On a des objectifs de réduction de l’empreinte carbone à respecter rigoureusement. On doit progressivement passer la flotte en hybride rechargeable. Si ce n’est pas possible, on choisit des diesels dernière génération, à faible consommation.”
À ces contraintes environnementales s’ajoutent des règles de sécurité rigoureuses. “On installe des arceaux de protection à l’arrière des chars, pour prévenir tout retournement, surtout quand trois ou quatre personnes sont embarquées sur un véhicule décapotable. Une commission valide chaque char avant de lui donner le feu vert. C’est un jeu d’équilibriste entre sécurité et créativité.”
Raconter une histoire en quelques secondes
Mais la vraie gageure, c’est ailleurs. C’est dans la manière de marquer les esprits sur le bord des routes. “La problématique principale, c’est : comment raconter une histoire très simple en quelques secondes ?” résume le responsable. “À 34 km/h de moyenne, le temps de contact visuel est très court. Il faut aller droit au but, utiliser des symboles clairs, des formes reconnaissables et surtout créer une émotion instantanée.”
L’objectif est limpide : émerveiller, divertir, faire rire, provoquer une réaction. Les annonceurs veulent être identifiés d’un seul coup d’œil. “C’est une véritable course à celui qui aura le cortège le plus beau et le plus original. C’est un enjeu d’image fort. Certaines marques n’hésitent pas à aligner jusqu’à douze véhicules”, fait-on remarquer.
Marquer les esprits
Cette année, le club de fitness Basic Fit fait sa première entrée dans la caravane. Pour Fabien Rouget, porte-parole de la marque, c’est un terrain de jeu exceptionnel : “Le Tour de France nous offre cette magie unique : faire rouler n’importe quoi sur une route totalement fermée. Ça ouvre le champ des possibles à l’infini.”

Et la marque néerlandaise ne s’est pas privée. “En tête de notre cortège, on va faire rouler un sac à dos géant monté sur un quad”, sourit Fabien Rouget. “On voulait faire honneur à notre sac iconique. C’est un objet facilement identifiable par nos adhérents. On a aussi voulu mettre en avant ce qui fait l’image de Basic Fit : l’activité physique, les haltères, les poids, et bien sûr, le vélo.”
La distribution de goodies sera également au rendez-vous : maillots, porte-clés, crayons à l’effigie de la marque. “On veut que les gens repartent avec un souvenir. Mais surtout, on veut les marquer. Qu’ils se disent : ‘Tiens, Basic Fit, ils ont fait un truc incroyable cette année !’”.
La magie d’un cortège éphémère
Derrière les chars bariolés et les mascottes dansantes, il y a donc des mois de travail, de soudure, de peinture et d’ingéniosité. La caravane est un spectacle ambulant, un théâtre de rue à grande vitesse. Chaque véhicule est un message roulant.
“La caravane, c’est plus qu’un défilé. C’est une émotion collective, une tradition populaire. Et pour nous, c’est une immense fierté d’en être les artisans”, conclut le responsable de La Fabrik. Et si les chars disparaissent au bout de quelques minutes, leur souvenir, lui, s’imprime durablement dans les mémoires, de génération en génération.