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La logistique est un des piliers fondamentaux, sinon le plus important du e-commerce qui représente désormais 11 % de la totalité du commerce de détail. À l’issue des Trophées du e-commerce organisés par Colissimo en juin 2025, j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec Jean-Yves Gras, directeur général du leader de la logistique e-commerce. Dans cette interview, il nous livre sa vision sur trois décennies d’évolution, les défis actuels et les innovations à venir dans un secteur qui ne cesse de se réinventer.
La logistique, élément clé de la réussite en e-commerce

La 3e innovation la plus importante pour les Français
L’histoire commence en 1994 avec une commande historique : un CD de Sting, Ten Summoner’s Tales acheté aux États-Unis par un certain M. Brandenburger avec sa carte Visa sur le site NetMarket depuis le domicile de l’acheteurComportement de l’acheteur en B2B : Internet et réseaux sociaux ont bouleversé le comportement de l’acheteur en B2B qui se rapproche du B2C, à Philadelphie, nous explique le New York Times de l’époque. « Une première transaction sur Internet telle que nous la connaissons aujourd’hui », explique Jean-Yves Gras.
Depuis, l’ampleur des changements a été immense : « Depuis 30 ans, Colissimo accompagne l’e-commerce et les transformations du e-commerce en France. C’est une véritable révolution des habitudes de consommation et qui a transformé notre société ».

Les chiffres confirment l’importance de cette transformation. Une étude menée par Opinionway pour La Poste en novembre 2024 révèle que : « 95 % des consommateurs commandent en ligne et 70 % le font au moins une fois par mois. L’adoption du e-commerce est donc universelle et cette mode d’achat est devenue un réflexe pour beaucoup ».
Des répercussions au-delà des habitudes d’achat
Cette démocratisation du commerce en ligne a eu des répercussions bien au-delà des simples habitudes d’achat. Comme le souligne le dirigeant de Colissimo : « Cela a permis de donner accès à de multiples produits en tout lieu. Cela a permis d’habiter où on voulait, tout en ayant une meilleure qualité de vie ».
Je peux d’ailleurs en témoigner. Il n’est pas rare de m’apercevoir que je suis livré de commandes urgentes en un temps record au milieu des Pyrénées, parfois encore plus vite que quand je suis à Paris.
Les trois piliers de l’innovation en e-commerce
Jean-Yves Gras identifie trois innovations clés qui ont permis l’essor du commerce électronique.
- D’abord, le développement du paiement sécurisé: « Au début, la confiance n’était pas au rendez-vous. Puis sont arrivés PayPal, Apple Pay, les cartes bleues, les sécurisations. Cela a rassuré le consommateur et le verrou psychologique est tombé » ;
- Ensuite, l’émergence de plateformes comme Shopify qui ont démocratisé la création de boutiques en ligne : « Cela a permis à des millions de PME d’ouvrir un site Internet et de commercialiser leurs produits très rapidement » ;
- Enfin, l’avènement du smartphone, « qui a révolutionné notre vie, puisque vous pouvez effectuer des achats de e-commerce depuis n’importe quel endroit ».
Cette trilogie technologique — sécurisation, plateformisation, mobilitéL’utilisation du mobile joue un rôle de plus en plus central auprès des acheteurs B2B, notamment dans la phase de recherche d’information. — constitue effectivement le socle sur lequel s’est construite l’économie numériqueDéfinition marketing digital, un terme utilisé en permanence et pourtant bien mal compris car mal défini.

Entre abus et éthique : le paradoxe du e-commerce
L’évolution actuelle du secteur révèle des tendances apparemment contradictoires. D’un côté, l’émergence de l’ultra fast fashion avec des acteurs comme Shein ou Temu, de l’autre, le développement d’initiatives vertueuses dans l’économie sociale et solidaire.
Jean-Yves Gras adopte une approche pragmatique face à ces paradoxes : « Je ne pense pas qu’il y ait de rupture [avec l’essor de l’ESS en e-commerce]. En tout cas, je ne la vois pas. Le e-commerce, en fait, est le reflet de la société et des paradoxes qui la traversent ». Il illustre cette coexistence par des exemples concrets : « En même temps, nous avons droit à l’ultra fast fashion et ses excès et à des entreprises très vertueuses que nous avons voulu mettre en avant, comme Cocorico, qui produisent en France ».
Cette vision équilibrée de l’écosystème e-commerce est particulièrement pertinente. Elle reconnaît que la logistique e-commerce doit s’adapter à tous les modèles économiques, des plus controversés aux plus vertueux, tout en accompagnant les transformations du marchéLa notion même de marché B2B ou B2C est au cœur de la démarche marketing. Un marché est la rencontre d’une offre et d’une demande.
Colissimo et l’adaptation permanente
Avec 500 millions de colis livrés en 2024 et un chiffre d’affaires de 2,6 à 2,7 milliards d’euros, Colissimo illustre parfaitement la croissance du secteur. « Le marché, et Colissimo également, a doublé en 10 ans », précise Jean-Yves Gras.
Cette croissance s’est accompagnée d’innovations constantes. Dès 1998, Colissimo lançait le suivi de colis : « Le fait d’avoir une notification pour dire où en est le colis est devenu une norme actuellement, mais c’était une innovationL’innovation va de la compréhension (intuitive ou non) du comportement de l’acheteur à la capacité d’adaptation à l’environnement à l’époque ».
L’entreprise du groupe La Poste a ensuite développé les livraisons en point relais en 2010, puis plus récemment, en 2022, la livraison rapide J+1 : « Nous livrons presque la moitié de nos colis en 24 heures dans le cadre d’une offre 24-48 heures ».
Cette capacité d’adaptation constante se reflète dans les performances : avec 45-46 % de parts de marchéLa part de marché (PDM) peut être définie comme un pourcentage exprimant la place qu’occupe un producteur ou une marque donnée sur son marché en B2CEn réalisant ce glossaire Visionary Marketing s’est heurtée de front à un problème de taille : faut-il écrire BtoB ou B2B ?, Colissimo s’impose comme le leader français de la logistique e-commerce.
Logistique e-commerce et IA
L’avenir de la logistique e-commerce sera basé sur l’intelligence artificielle et la gestion des données.
Jean-Yves Gras détaille cela ainsi : « Grâce à l’IA, que nous utilisons assez massivement, nous voulons être capables de prévoir beaucoup mieux le créneau de livraison et d’être capables, dans quelques semaines, quelques mois, de dire : nous vous livrons dans un créneau d’une heure ».
Cette approche technique combine plusieurs méthodologies : « Ce qui est intéressant, c’est la combinaison, grâce à l’IA, de plusieurs méthodologies statistiques, avec des données linéaires ou non linéaires. Cela permet de combiner plusieurs modèles et de les adapter de manière très fluide ».
L’objectif est ambitieux : atteindre une fiabilité de 95 % sur des créneaux d’une heure, révolutionnant ainsi l’expérience clientLe marketing expérientiel consiste à faire vivre au prospect ou au client une expérience mémorable lors de chaque point de contact avec une marque.
Logistique e-commerce et engagement environnemental
L’un des aspects les plus intéressants de cet échange concerne l’impact environnemental de la logistique e-commerce. Contrairement aux idées reçues, Jean-Yves Gras nous révèle que « la livraison à domicile est plus respectueuse de l’environnement que la livraison hors domicile ».
« Nous sommes en quelque sorte le transport en commun des colis. Si cinq clients qui habitent la même rue achètent en ligne, un seul véhicule arrivera pour les livrer ». À l’inverse, « il suffit qu’un consommateur prenne sa voiture pour aller chercher son colis au point relais » pour que ce qui était vertueux ne le soit plus. « En moyenne, nous savons que ce consommateur conduit sur 2,8 km et que ce trajet a été réalisé spécialement pour cela ».
Ce fait a été démontré par une étude indépendante de l’université de Lyon et elle bouscule nos a priori sur l’écoresponsabilité dans la logistique e-commerce, selon le DG de Colissimo. Si nous n’avons pu trouver la source de cette étude, précisons cependant que l’ADEME vous permet de calculer l’impact environnemental de vos livraisons.
En route vers la neutralité carbone
Colissimo s’est fixé un objectif ambitieux : atteindre la neutralité carbone d’ici 2040. Les résultats sont déjà tangibles : « Nous avons l’empreinte carbone par colis la plus basse du marché, avec 281 grammes. Nous avons réduit nos émissions de CO2 en 10 ans, de 53 % en émissions de CO2 par colis ».
Les innovations déployées sont multiples : optimisation du remplissage des camions avec la technique du « vrac rangé » permettant « 30 % de camions en moins », déploiement de vélos-cargo dans 22 métropoles françaises, et des projets novateurs comme « une liaison par la Seine avec une barge électrique » entre Gennevilliers et Boulogne-Billancourt dès 2026.
Logistique e-commerce prédictive et personnalisée
En résumé, le DG de Colissimo dessine l’avenir de la logistique e-commerce autour de trois axes majeurs :
- La précision temporelle grâce à l’IA ;
- La décarbonation massive des opérations ;
- La personnalisation des services.
Jean-Yves Gras et son équipe travaillent notamment sur un « jumeau numérique de tous nos réseaux qui nous permet d’effectuer des simulations sur la base de l’historique », ouvrant ainsi la voie à une logistique prédictive d’une précision inégalée.
La logistique e-commerce est en transformation permanente et est une des conditions sine qua non de la réussite en e-commerce. Comme le souligne le DG de Colissimo, « une bonne partie des sites InternetLe site web B2B est la vitrine digitale de votre entreprise. C’est le moyen le plus simple et efficace de présenter les produits et services de votre entreprise à vos futurs clients. des années 2000 avait échoué du fait de solutions logistiques inadaptées. Nous avons énormément progressé en capacitaire, renforcé notre capacité de suivi, l’interactivité avec les clients et la possibilité de reprogrammer la livraison ». Ce sont ces innovations dans la logistique e-commerce qui lui ont permis d’occuper sa place actuelle.
Par ailleurs, cette interview démontre également qu’innovation technologique et responsabilité environnementale ne s’opposent plus, mais se complètent.
En route pour la quatrième décennie de la logistique e-commerce
Alors que l’e-commerce s’apprête à entamer sa quatrième décennie, les défis sont immenses : concilier rapidité et respect de l’environnement, personnalisation et massification, innovation et accessibilité. L’écosystème français de la logistique e-commerce et son leader issu du service public, semble bien armé pour relever les défis du futur et maintenir son avance concurrentielle en Europe.
C’est une spécificité de La Poste française. Nous faisons partie de ceux qui se sont le mieux adaptés à l’évolution du e-commerce en Europe. Nous avons réussi à sécuriser de belles parts de marché et surtout à rendre service à nos clients et à leur donner satisfaction. Ceci est un signe de notre capacité à évoluer, et surtout à nous transformer pour répondre aux besoins des e-commerçants.
Nul doute que le e-commerce est promis à un bel avenir et que les innovations logistiques continueront de jalonner sa réussite future.
Quelques chiffres clés du e-commerce en 2024 ( source Fevad)
- CA de 175,3 milliards d’euros (+9,6 % par rapport à 2023)
- Ventes de produits à 66,9 milliards d’euros (+6 %, équivalent à 2021)
- Services (+12 % en un an), avec 108,4 milliards d’euros de ventes
- Panier moyen stable à 68 euros
- 2,6 milliards de transactions annuelles (+10 % en un an)
- 1 achat en ligne par semaine en moyenne par cyberacheteur
- Panier annuel moyen de 4 216 euros dépensés en ligne.