« À qui la faute ? »
Voilà une question qui tourne dans bien des couloirs, lors d’une réunion tendue ou d’un bilan difficile. Pourtant, s’interroger toujours sur la faute, c’est parfois oublier la question essentielle du leadership efficace : comment avancer malgré l’erreur ?
À force de pointer du doigt, de chercher un coupable, nous risquons d’assécher toute envie de chercher des solutions, d’apprendre ensemble… et de grandir.
Or, le mot “responsabilité”, du latin “respondere” (répondre, assumer), n’implique-t-il pas d’agir, plutôt que d’accuser ?
Affirmer sa responsabilité n’est pas une posture héroïque ; c’est une nécessité stratégique, c’est ce qui distingue durablement les managers et dirigeants qui impulsent la transformation de ceux qui subissent la crise.
Blâme, le saboteur invisible des organisations modernes
Blâmer n’est pas seulement toxique. C’est aussi inefficace. Dans mes années d’observation de la dynamique des équipes, j’ai constaté que la culture du blâme opère souvent à bas bruit.
Cela se glisse partout :
- Dans le sous-entendu, quand on évoque “ceux qui n’ont pas suivi la procédure”
- Dans les notes de réunion qui insistent plus sur les anomalies que sur les avancées
- Dans nos propres réflexes : ce soupir involontaire, ce regard appuyé à la découverte d’une erreur
Le résultat ?
Une atmosphère de méfiance et de repli. Les équipes se braquent, évitent de signaler les petits problèmes qui, mal traités, se mueront en tempêtes. Pire : l’innovation recule, car personne ne veut risquer d’être le prochain accusé.
Plus insidieux encore, le blâme installe l’idée que l’erreur est rédhibitoire : là où il y a sanction, il n’y a plus d’apprentissage possible. Or, dans l’ère post-Covid et digitale où l’agilité reste le maître-mot, c’est la capacité à tirer parti des situations imprévues qui différencie les leaders d’impact.
Reprendre la main : pourquoi la responsabilité change votre leadership
Il circule une confusion tenace : prendre ses responsabilités, ce serait “porter la faute”. Or, ce n’est ni de l’auto-flagellation ni de la complaisance. C’est, au contraire, choisir d’ouvrir la voie vers la solution.
Voilà le grand malentendu du leadership moderne : beaucoup s’arrêtent à la gestion des responsabilités individuelles, quand la clé réside dans l’appropriation collective des problèmes.
Passé le cap, on découvre des bénéfices puissants.
La responsabilité partagée, c’est :
- Baisser la pression de la perfection : l’erreur n’est plus la hantise, mais le déclencheur d’un progrès collectif
- Créer un terreau où les idées circulent, où le feedback devient une ressource appréciée
- Désamorcer les tensions : chacun regarde comment il peut agir, plutôt que chercher “qui n’a pas fait”
Une fois la peur du blâme levée, l’apport des équipes explose. Les idées fusent, chacun ose proposer, tester, rectifier plus vite. C’est là que l’on retrouve le plaisir de travailler ensemble.

Visualiser le meilleur : échapper au piège du problème pour avancer ensemble
Face à un obstacle, le réflexe du leader inspirant n’est pas de rester focalisé sur le dysfonctionnement, mais bien de porter le regard vers un avenir désirable. Visualiser ce “mieux” permet de sortir du cercle vicieux du reproche pour mobiliser l’énergie autour d’une vision commune.
Invitez vos équipes à un petit exercice rapide lors d’une crise :
- Prenons deux minutes pour décrire ce que serait la situation idéale si ce problème n’existait pas.
- Que verrions-nous de différent ?
- Quelles conversations aurions-nous ?
- Comment saurions-nous que nous avons réussi ?
Cet outil simple d’orientation solution aide à canaliser collectivement l’attention vers l’action. En visualisant l’objectif, chaque membre s’implique : on ne subit plus la situation, on devient acteur du changement. C’est en clarifiant ce “mieux” que jaillissent l’envie d’agir et la responsabilité partagée.
Conseils d’expert : clarifier la vision en trois questions
- Si tout se passait parfaitement demain, que ferions-nous de différent ?
- En quoi la solution aura-t-elle changé la vie de l’équipe ?
- Quelles micro-victoires signaleront que nous sommes sur la bonne voie ?
Identifier et valoriser les comportements qui mènent au succès
On a tous tendance, sous la pression, à ne voir que ce qui cloche. Pourtant, observer et reconnaître les gestes réussis est la première étape pour transformer la culture managériale.
Voici la démarche :
- Repérez, même dans la crise, ce qui fonctionne (collaboration spontanée, initiative prise, idée simple mais efficace)
- Donnez-leur de la visibilité : féliciter n’est pas flatter, c’est renforcer l’assurance collective qu’on sait aussi bien agir
- Modélisez auprès du collectif : “Ce qui vient de marcher là, comment peut-on le répéter, le diffuser, le renforcer ?”
Cette approche valorise la croissance plutôt que la perfection. Elle encourage chacun à s’impliquer pour reproduire les comportements qui favorisent la réussite, que ce soit dans les processus, la communication ou la gestion de conflit.

Installer une culture de l’essai : oser, apprendre, progresser
L’innovation ne s’invente pas dans la crainte de se tromper. Si le risque du blâme réprime chaque initiative, comment avancer ? D’où l’importance, pour un dirigeant, d’ancrer une culture de l’essai.
Cela commence par le langage :
- Dire “C’est une idée à tester, qui a envie d’essayer ?” plutôt que “Qui est certain de la solution ?”
- Accueillir la suggestion avec curiosité : “Je n’y avais pas pensé, explorons…”
- Remercier ouvertement l’audace, y compris quand cela n’aboutit pas. Valoriser l’apprentissage, même issu d’un échec.
Montrer le chemin, c’est aussi accepter de ne pas tout maîtriser : “Je ne sais pas, mais j’ai envie de comprendre avec vous comment faire mieux.”
Créer cet espace d’expérimentation sécurisant, c’est donner envie de prendre des initiatives, d’apporter sa pierre à l’édifice, sans crainte d’être jugé – à condition de toujours viser l’amélioration.
Pour ancrer cela dans le collectif, je conseille d’instaurer un principe simple : chaque mois, une mini-rétrospective des essais tentés, avec les apprentissages clés, qu’ils aient été un succès… ou non.
Générer de vraies solutions : libérer la créativité par la confrontation d’idées
Une erreur que je rencontre fréquemment, c’est de brûler les étapes : l’urgence pousse trop souvent à choisir “une” solution, la plus évidente, et à s’y accrocher coûte que coûte… Résultat : frustration, perte de temps et retour en arrière inévitable.
La bonne pratique n’est pas d’avoir raison tout de suite, mais de stimuler l’intelligence collective en générant plusieurs solutions :
- Chacun propose au moins deux approches différentes
- On challenge les idées, non pas la personne : “En quoi cette idée pourrait-elle être améliorée ?”
- On privilégie l’exploration (“Quelles alternatives n’a-t-on pas encore envisagées ?”) avant la sélection
Cette démarche combat la tentation de défendre “sa” solution et bloque le repli. L’innovation jaillit presque systématiquement d’une confrontation saine et structurée des perspectives.
Outil clé : le brainstorming structuré
- Proposez un temps d’idéation individuelle
- Mettez en commun, listez sans juger
- Décrivez les avantages/inconvénients collectivement
- Testez rapidement une ou deux pistes en “version courte”
Un leader qui anime ce type d’ateliers encourage la prise de recul, la curiosité intellectuelle et l’humilité du travail en équipe.
Piloter le changement : ajuster le cap et tirer les enseignements en continu
Agir sur les problèmes demande plus que de belles intentions. La clé d’un leadership impactant réside dans la capacité à évaluer le progrès… et à l’ajuster. C’est ici que le feedback bienveillant prend toute sa dimension.
Questions puissantes à poser régulièrement à l’équipe :
- Où en sommes-nous ?
- Qu’est-ce qui aide vraiment ? Qu’est-ce qui nous ralentit ?
- Que devons-nous arrêter ou faire autrement ?
- Quel succès inattendu mériterait d’être célébré ?
- Quelles compétences avons-nous développées cette semaine ?
Prenez le temps de faire remonter les retours du terrain, d’écouter authentiquement les ressentis, sans chercher à défendre ou justifier. On progresse collectivement en rendant visibles, pour tous, les enseignements tirés des ajustements opérés : chaque pivot doit devenir source d’apprentissage partagé.
Conseil
Tenez à jour, même de manière informelle, un “journal des apprentissages collectifs”. Cela permet de valoriser chaque contribution et de préserver la mémoire des progrès accomplis.
Cultiver un optimisme réaliste : fédérer autour d’un sens du possible
Rien n’est plus démotivant que d’afficher des ambitions hors-sol sans donner les moyens d’y parvenir. L’optimisme du leader n’est pas un slogan, mais un ancrage stratégique pour avancer malgré les obstacles.
En 2025, les équipes veulent ressentir que :
- Les difficultés sont reconnues honnêtement (on ne cache ni détourne les problèmes)
- Le progrès est tangible, valorisé étape par étape
- L’équipe dispose d’outils, d’autonomie, et d’un filet de sécurité pour tenter, tester, oser innover
Pour cela, viser “haut” est crucial… mais cela ne suffit pas. Il s’agit de décomposer la route vers l’objectif en petites victoires accessibles, de donner à l’équipe l’habitude de célébrer chaque instant où l’on s’approche de la solution.
Trop d’ambition tue le courage, pas le désir de réussir. Donc, pour fédérer :
- Donnez une destination désirable
- Rendez son accès crédible par des jalons intermédiaires
- Insufflez la confiance qu’étape par étape, on changera durablement

Oser s’approprier les problèmes : le vrai levier du leadership à impact
Au bout du compte, l’enjeu n’est plus “qui a commis l’erreur”, mais “qui choisit de faire avancer les choses”. Le leadership d’impact repose sur l’appropriation claire des problèmes, non pour les accumuler, mais pour initier le changement.
C’est un puissant levier pour :
- Sortir de la culture du bouc émissaire
- Réveiller l’envie d’essayer, de créer, de transformer le quotidien collectif
- Créer une dynamique où chacun devient responsable à hauteur de ses moyens
À se demander chaque jour :
- Est-ce que je regarde le problème en face, ou bien est-ce que je le contourne ?
- Qu’est-ce que j’assume aujourd’hui, qui inspirera mon équipe à me rejoindre dans la recherche active de solutions ?
- Que puis-je apprendre, dès maintenant, de cette difficulté présentement rencontrée ?
Plus que jamais, prendre sa part du problème, c’est entrer dans le cercle vertueux de la confiance. Là où la peur du blâme divise, la responsabilité fédère et décuple l’énergie collective.
Prendre la responsabilité : un choix stratégique pour les leaders
La transformation managériale ne viendra ni d’une technologie, ni d’une nouvelle mode gestionnaire. Elle naîtra de leaders prêts à sortir du blâme pour choisir la responsabilité.
Dans une ère de complexité, de travail hybride et d’innovation rapide, la tentation de désigner des coupables ne fera que ralentir celles et ceux qui veulent vraiment faire la différence. À l’inverse, endosser la responsabilité, c’est ouvrir la voie à plus de solutions, plus d’autonomie… et à un engagement collectif durable.
Je vous invite, dès aujourd’hui, à identifier un problème qui traîne, qui cristallise de la tension ou de l’insatisfaction. Ne cherchez plus qui a tort. Demandez-vous simplement : comment puis-je, à mon niveau, impulser la recherche d’une solution ? Qui puis-je fédérer autour de moi pour penser et agir autrement ?
La route du leadership éclairé commence par ce premier pas. Osons le franchir ensemble.

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