Comment Airbnb a changé le secteur du tourisme


Airbnb n’a même pas vingt ans. Et pourtant, le site est devenu un acteur majeur du tourisme. Sa création n’a pas seulement conduit à un transfert des hébergements, il a contribué à des changements profonds du secteur, répondant à de nouveaux besoins, mais créant aussi de nouveaux problèmes. Panorama des mutations induites par une entreprise née en 2007 du côté de San Francisco.


Avec 43 milliards d’euros générés par les locations de courte durée en 2023, la plateforme d’Airbnb est désormais le deuxième site d’e-tourisme le plus populaire en France (derrière Booking.com). Au cours de ces deux décennies, Airbnb a changé des habitudes et préférences de voyage, a redessiné la géographie du voyage et l’a rendu plus accessible.

Malgré les retombées économiques positives et la diversification des offres, les critiques se sont multipliées et les expériences locales des voyageurs se sont transformées en préoccupations pour les habitants locaux.

Changement d’habitudes

Airbnb et d’autres plateformes de la location de courte durée ont changé les habitudes de voyage. En 2023, plus d’un Français sur trois aurait réservé un hébergement de courte durée. Grâce à Airbnb (et aux autres plateformes de location de courte durée), les hôtes partagent leur vie privée sans hésitation et les voyageurs se sentent à l’aise chez des personnes qu’ils n’ont jamais rencontrées auparavant. C’est déjà un changement de comportement : les voyageurs sont à la recherche de l’authenticité des hébergements proposés par des locaux, de l’interaction avec des hôtes ou des « locaux » (expérience immersive), du confort de la maison (équipements proposés par l’hôte).




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Depuis le Covid-19, avec la démocratisation du télétravail, un nouveau segment est né – les nomades digitaux. Airbnb a contribué au développement de ce nouveau marché et la durée des séjours dépassant un mois est considérablement augmentée. Les espaces de travail adaptés aux ordinateurs portables et la qualité de la connexion wifi sont devenus les nouveaux critères de sélection sur la plateforme. D’ailleurs, certaines destinations (par exemple : le Portugal, l’Italie, Dubaï) proposent désormais un « visa nomade digital » afin d’attirer ces nomades du monde entier.

Des comportements inédits

Airbnb a également facilité le blended travel où les voyageurs prolongent leurs voyages d’affaires pour le loisir. Aux États-Unis, 68 % des millennials (nés entre 1980 et la fin des années 1990) et de la génération Z (née entre la fin des années 1990 et le début des années 2010) pratiquent cette nouvelle forme de voyages. Ce phénomène est alimenté par les plateformes de la location de courte durée qui sont beaucoup plus accessibles.

Par ailleurs, si les hôtels traditionnels acceptent les animaux de compagnie, les services proposés ne sont pas toujours adaptés à ces nouveaux voyageurs. Airbnb est perçu comme une solution, mieux adaptée pour les animaux de compagnie. Près d’une annonce sur trois sur Airbnb est « Pet Friendly » et, en 2023, Airbnb a constaté une hausse de près de 50 % du nombre de nuits réservées avec des animaux de compagnie dans les hébergements majoritairement situés dans les zones rurales.

Rendre le tourisme plus accessible

Le coût d’un séjour dans un Airbnb étant moins élevé que dans les hôtels traditionnels, cela permet aux voyageurs de rester plus longtemps. Par exemple, en janvier 2025, le prix moyen d’une nuit à l’hôtel à Paris était de 316 euros tandis qu’un studio ou un appartement d’une chambre en location sur Airbnb était de 148 euros (certains logements pouvaient héberger jusqu’à quatre personnes).

Les voyageurs qui séjournent dans des hôtels restent en moyenne 2,8 jours avec une dépense moyenne à 153 euros par jour (soit environ 428 euros par séjour). Tandis que dans des hébergements de courte durée, les voyageurs restent plus longtemps avec une durée moyenne de séjour de 5 jours. La dépense moyenne atteint 88 euros par jour.

Une nouvelle géographie touristique

Airbnb modifie la géographie touristique mondiale. En 2024, les voyageurs sur Airbnb ont visité un nombre record de 110 000 destinations à travers le monde, contribuant à une distribution plus équilibrée du tourisme et à un timide début de réduction du surtourisme. Aux seuls États-Unis, plus de 2 100 villes sans infrastructure hôtelière ont accueilli leurs premiers touristes venus par l’intermédiaire de la plateforme. Cela a généré 10,5 milliards de dollars de revenus pour les hôtes de ces zones en 2022. Dans les dix villes les plus visitées de l’Union européenne, en 2024, plus de 260 000 voyageurs sur Airbnb ont séjourné dans un quartier où l’offre hôtelière est inexistante. La moitié des voyageurs sur Airbnb au sein de l’Union européenne déclarent qu’ils n’auraient pas visité le quartier dans lequel ils ont finalement séjourné.

Véritable casse-tête

Malgré ces impacts positifs et l’initiative de répartir le tourisme hors des centres urbains surchargés, Airbnb est devenu un véritable casse-tête pour les grandes villes touristiques. À Paris (où Airbnb représente 76 % des annonces), 90 % des annonces concernent des logements entiers.

Selon l’étude publiée par la Ville de Paris, ce nombre est beaucoup plus élevé que, dans d’autres grandes villes, comme New York (où 54 % des annonces comprennent des logements entiers), Barcelone (60 %) ou Amsterdam (81 %), l’interaction avec les hôtes ou l’expérience immersive est pratiquement inexistante. Ces appartements sont souvent gérés par des agences de location, et les voyageurs récupèrent et rendent les clés grâce aux boîtes à clés.

Airbnb a contribué à la pénurie de logements et à l’augmentation des loyers dans le monde entier. À Barcelone, le prix du loyer a été multiplié par deux en une décennie. Actuellement, le loyer moyen atteint le salaire moyen (c’est-à-dire, 1 500 euros). Un peu partout, pour dissuader la location de courte durée, les autorités ont multiplié les mesures.

Interdiction des boîtes à clés

En France, la loi « visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale », dite « loi Anti-Airbnb », adoptée en 2024, a mis en place plusieurs mesures telles que la réduction de l’avantage fiscal, la possibilité de limiter la location d’une résidence principale à quatre-vingt-dix jours par an, la mise en place des quotas de meublés touristiques dans des zones tenues, l’obligation de diagnostic de performance énergétique (DPE), etc.

Certaines villes ont pris des mesures supplémentaires. Par exemple, depuis le 24 janvier 2025, la Ville de Paris a interdit les boîtes à clés sur l’espace public.

Les problèmes ne se limitent pas uniquement au coût de loyer. Pour certains critiques, Airbnb est tenu responsable de la destruction massive de vie du quartier (avec des allées et venues constantes, du bruit à des heures inappropriées, des dégradations). Les résidents locaux ont aussi commencé à riposter. À Malaga (Andalousie), les résidents ont apposé des autocollants devant les immeubles où des logements unifamiliaux ont été convertis en Airbnb. Les messages tels que « Rentrez chez vous », « Une famille vivait ici » ou « Attaque contre les citoyens de la ville » ne sont pas favorables aux touristes.

France 24, 2025.

Mésaventures en série

Les hôtes n’ont pas été épargnés. Airbnb a souffert des problèmes très médiatisés tels que l’impossibilité de déloger les squatteurs, la fausse facturation en montrant des images de dégradation générées par l’IA, le saccage des maisons louées sur Airbnb, des caméras de sécurité. Moins fréquents mais très médiatisés, ces problèmes ont détérioré l’image d’Airbnb.

Transformation de l’offre : de la plateforme de location au hub d’expérience touristique

En moins de deux décennies, Airbnb a transformé le marché de la location de courte durée et devenu le leader du marché. En 2024, la plateforme a représenté 44 % du chiffre d’affaires (CA) mondial de la location de courte durée, suivi par Booking.com (18 %) et Vrbo (9 %).

Bien que leader du marché, Airbnb est concurrencé par des plateformes qui, comme Booking.com, proposent également des logements entiers, des attractions sur place, ou HomeExchange, une plateforme d’échange de maisons et d’appartements.

Face à ces plateformes, Airbnb a diversifié ses offres proposant aussi désormais des expériences originales (de luxe) et des services.

LeHuffPost, 2023.

Aujourd’hui, il est possible d’y réserver un coiffeur, un masseur, une femme de ménage ou un traiteur. De l’usage occasionnel (uniquement pour les voyages), la plateforme d’Airbnb se positionne comme une plateforme à l’usage quotidien (pour les activités et expériences quotidiennes).

Même si ces activités ne représentent qu’une petite partie du chiffre d’affaires, elles vont générer plus de trafic sur la plateforme. Ces nouvelles offres vont certainement impacter l’industrie du tourisme. Pour les voyageurs, la plateforme pourrait devenir un hub d’expériences avec un vrai service de conciergerie.

En revanche, pour les professionnels du tourisme (notamment pour les guides locaux, les prestataires locaux, les services de conciergerie, etc.), cette nouvelle plateforme d’Airbnb serait à la fois une concurrente et une opportunité (comme un moyen d’être visible auprès des millions d’utilisateurs et une plateforme de commercialisation). Face à ces enjeux, ce changement de stratégie d’Airbnb continuerait-il à attirer autant les voyageurs ?



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