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Les neurosciences, au-delà de l’effet de mode et de la fausse idée de manipulation qui leur est associée, peuvent jouer un rôle dans la relation et l’expérience client. À l’heure où l’intelligence artificielle domine les conversations marketing, Frédéric Canevet, Product Manager Software B2BEn réalisant ce glossaire Visionary Marketing s’est heurtée de front à un problème de taille : faut-il écrire BtoB ou B2B ? chez Eloquant et fondateur de Conseilsmarketing.fr, nous rappelle l’importance de comprendre le facteur humain dans les interactions commerciales, au moment même où la folie de l’automatisation à tout crin s’empare du monde des affaires. Lors du salon All4Customers 2025, notre confrère a animé une conférence remarquée sur l’application des neurosciences dans la relation client. Une approche qui, loin d’être une nouvelle panacée, révèle des vérités fondamentales sur l’art de communiquer efficacement avec ses prospectsUne activité incontournable car les entreprises B2B perdent entre 5% et 15% de leurs clients chaque année et clients. Entre science du cerveau et bon sens commercial, les neurosciences offrent des ouvertures aux entreprises qui souhaitent marquer leur relation client de leur empreinte humaine.
Neurosciences et relation client : mieux comprendre les consommateurs pour mieux les servir.

Ta conférence “neurosciences dans la relation client” au salon All4Customer a été particulièrement remarquée
Frédéric Canevet. Cette thématique me tenait à cœur. L’intelligence artificielle dominait les débats – 80% des conférences du salon All4Customer 2025 y étaient consacrées. Nous nous sommes dit que l’IA automatise certes les processus, mais que les clients font toujours face à des problématiques éminemment humaines. Lors d’un achat, ils rencontrent des risques et des freins que les neurosciences permettent de traiter en agissant sur leurs « micro-pensées » plutôt que le seul déclaratif.
L’achat d’une Mercedes illustre parfaitement ce principe : le client n’acquiert pas seulement un véhicule pour son esthétique, mais pour le statut social associé à la marque. Les neurosciences aident à comprendre les mécanismes mentaux et à inciter au passage à l’action, créant ainsi une différenciation concurrentielle.
Les neurosciences visent-elles à manipuler les clients ?
F.C. Absolument pas. Les neurosciences étudient le fonctionnement cérébral – elles constituent en quelque sorte la grammaire du cerveau. Malgré nos spécificités individuelles et nos parcours différents, les mêmes zones cérébrales s’activent pour le plaisir, la colère ou la joie, phénomènes parfaitement mesurables.

L’objectif consiste à actionner ces leviers cérébraux pour transmettre le bon message à la bonne personne, en évitant l’écueil majeur de se concentrer sur soi — son offre, son entreprise … — plutôt que son interlocuteur.
Homo Spaiens aussi était champion de la relation client
J’ai co-animé cette conférence avec Marc Van Rymenant, auteur de “Homo sapiens, 300 000 ans d’expérience client”, et deux autres intervenants de Keyyo et du Groupe France Mutuelle. Notre approche partait du constat que le cerveau humain a peu évolué depuis des millénaires. Nous pouvons donc nous appuyer sur des mécanismes établis pour fluidifier la relation client et les échanges.
Le cœur de mon propos était l’adaptation du discours au client. Face à un interlocuteur, en relation client, nous appliquons souvent des scripts standardisés : “Bonjour, comment allez-vous, reformulation, etc.” Or, la réalité mentale du client est bien différente. Ses questions-types sont du style : “Je veux acheter un produit. Serai-je rassuré ? Est-ce le bon choix ? Ne vais-je pas me tromper ?”

Nous décomposons ce parcours client en micro-pensées distinctes. Marc donnait l’exemple des pompes à chaleur. Un client pose une question simple : “Je veux acheter une pompe à chaleur, mais expliquez-moi clairement ce que c’est.” Si la réponse est trop technique et trop complexe (exemple, “Une pompe à chaleur permet un échange air froid/air chaud, il existe des systèmes air/air, air/eau, etc.”), celle-ci génèrerait de la confusion et du doute. Face au doute, le client risque de reporter son achat ou se tourne vers un interlocuteur plus rassurant.
Neurosciences et relation client : du bon sens marketing ?
F.C. Exactement, mais leur mise en œuvre est plus complexe qu’il paraît. Pour l’exemple des pompes à chaleur, le technicien reçoit une formation produit détaillée. Face au client, il tente de transmettre ses connaissances techniques en pensant que la complexité valorise son expertise. Il eût fallu, au contraire, renverser la logique et partir du point de vue du client.
Marc applique une méthode en trois étapes.
- D’abord interroger les commerciaux : “Qu’est-ce qu’une pompe à chaleur ?” Ils répondent par des caractéristiques techniques.
- Poser la question différemment : “Oui, mais qu’est-ce que c’est vraiment ?”
- Il répète la question puis conclut : “C’est pourtant simple ! Une pompe à chaleur fonctionne comme la respiration : vous inspirez l’air froid dehors et expirez l’air chaud.”
Le même principe s’applique au dimensionnement de la pompe à chaleur. Les clients ne comprennent souvent pas ce terme technique ni son intérêt. Après réflexion collective, l’équipe trouve l’analogie : Le dimensionnement d’une pompe à chaleur, c’est comme une paire de chaussures. Si vous prenez du 42 alors que vous chaussez du 39, vos pieds vont naviguer dans vos chaussures. Si au contraire vous prenez du 36, vous serez à l’étroit et aurez mal aux pieds.
Ce type de métaphore projette des images mentales immédiatement compréhensibles. Le client se sent écouté, sa compréhension s’améliore et il prend confiance.
Ce simple travail de reformulation a produit 13 % de ventes supplémentaires de pompes à chaleur dans l’entreprise concernée.
Ceci montre la force de l’art de la métaphore ?
F.C. Effectivement, il s’agit principalement de bon sens. France Mutuelle illustrait parfaitement cette approche en expliquant la gestion des émotions dans la relation client. Véronique Lupo insistait sur l’évitement de “l’appel de trop”.
Cet “appel de trop” survient après avoir traité une série d’appels difficiles avec des clients mécontents. Le conseiller suivant pâtit de cette situation : sa concentration se partage entre le nouvel appel et le conflit précédent. Son “bonjour” manque alors d’authenticité.
France Mutuelle a instauré un “temps de décompression” permettant au conseiller de se ressaisir après un moment difficile. Cette pause de 30 secondes à 2 minutes lui redonne l’envie de répondre au téléphone. Ce temps représente seulement 30 minutes hebdomadaires par conseiller, mais transforme la qualité relationnelle.
L’entreprise bannit également les scripts rigides. L’objectif vise à ce que le client termine l’échange par : “Merci de m’avoir aidé”, même s’il était contrarié initialement. Trois moments clés structurent l’interaction : le bonjour, l’écoute et la reformulation, mais l’adaptabilité prime sur la procédure.
L’approche se concentre sur les collaborateurs moins performants plutôt que sur les meilleurs, qui maîtrisent déjà l’orientation client. Les neurosciences ciblent les profils trop cartésiens ou techniques pour développer leur dimension émotionnelle. C’est sur ces collaborateurs que la performance progresse le plus.
Pourquoi ces termes pseudoscientifiques pour qualifier du marketing classique ?
F.C. Pour deux raisons.
- D’abord, répondre à une attente du marchéLa notion même de marché B2B ou B2C est au cœur de la démarche marketing. Un marché est la rencontre d’une offre et d’une demande de la relation client. Actuellement, dans la relation client et le marketing, ignorer l’IA conduit au rejet : « J’ai déjà ce qu’il faut. » Les concepts classiques d’omnicanal ou de GRC n’accrochent plus : « Je connais déjà. » En revanche, « intelligence artificielle » ou « neurosciences » génèrent l’intérêt. Le positionnement impose de s’adapter aux attentes du marché tout en conservant ses valeurs fondamentales.
- Ensuite, faire face à l’évolution des exigences des clients. Chaque année, les marques progressent et renforcent leur formation. Le niveau d’exigence client augmente parallèlement, créant une standardisation que j’appelle la « commodité ». Pour se différencier, particulièrement face à l’IA qui standardise les réponses, il faut apporter ce supplément émotionnel que les approches traditionnelles ne permettent pas d’atteindre.
Les neurosciences apportent ce storytelling, cette orientation client et cette personnalisation qui créent la valeur ajoutée perçue. Bruno Guitard l’illustrait hier lors de sa conférence sur le service client 5 étoiles : lorsqu’un conseiller annonce « Je vous envoie le document », il ne doit pas se contenter d’un lien PDF dans le chat. Il télécharge le document, l’envoie, vérifie la réception : « Tout se passe bien ? Avez-vous des questions ? » Entre « Voilà le lien, débrouillez-vous » et cette approche attentionnée, l’impact n’est pas du tout le même.
Le marketing a-t-il besoin de renouveler constamment sa terminologie ?
F.C. L’être humain est avide de nouveautés. L’expérience client évolue aussi. Ainsi, nous sommes passés de la satisfaction des besoins de base à la recherche d’expériences authentiques.
Cette dynamique pose problème, car l’escalade permanente devient insoutenable. Il faudra adopter une approche plus raisonnée : « J’ai ce qu’il me faut, je n’ai pas besoin du nouveau concept à la mode. » L’humain recherche ces petites doses de dopamine liées à l’effet de nouveauté.
Combien de temps dure une mode marketing ?
F.C. Deux ans en moyenne. Passé ce délai, les éditeurs et le marché se sont approprié l’innovationL’innovation va de la compréhension (intuitive ou non) du comportement de l’acheteur à la capacité d’adaptation à l’environnement. La gestion des émotions, concept phare il y a un an et demi, est devenue un standard chez les leaders du secteur. Celle-ci se diffuse maintenant dans l’ensemble des entreprises tandis qu’émergent d’autres concepts plus récents.
Cette escalade des modes marketing connaîtra nécessairement des limites. Les contraintes sur les ressources naturelles, l’énergie et le climat nous forceront à faire une pause, de gré ou de force. Il faudra abandonner cette course en avant pour faire moins et mieux, et pas toujours plus.
En conclusion, de l’importance du facteur humain
Cette interview avec Frédéric Canevet révèle une vérité essentielle : derrière les termes sophistiqués se cache une réalité simple, mais fondamentale. Dans un monde où l’intelligence artificielle standardise les interactions, le facteur humain reste au centre de toute démarche commerciale réussie. Les neurosciences appliquées à la relation client ne constituent pas une révolution, mais plutôt une formalisation de principes éprouvés : comprendre son client, parler son langage, créer de la confiance par la simplicité.
L’expertise de Frédéric nous rappelle que l’innovation dans la relation client consiste souvent à redécouvrir des vérités anciennes sous un angle nouveau. Les métaphores de la pompe à chaleur et de la paire de chaussures illustrent parfaitement cette approche : transformer la complexité technique pour la traduire avec des mots et des expressions humains.
Dans cette course perpétuelle à la nouveauté que décrit le fondateur de conseilsmarketing.fr, les entreprises les plus performantes sont celles qui sont capables de revenir aux fondamentaux de la relation humaine, enrichis par les apports des neurosciences au domaine de la relation client pour créer des expériences clients authentiquement différenciantes.
Ainsi, la véritable innovation réside non pas dans la complexification des outils, mais dans la capacité à retrouver cette proximité humaine que la technologie tend parfois à faire oublier.