L’évolution des médias sociaux en 2025 à travers 10 tendances


Les médias sociaux sont entrés dans une nouvelle phase de maturité : celle d’un écosystème devenu central dans la structuration de l’attention, la diffusion de contenus et les stratégies de marque. Entre la domination des contenus visuels (micro-vidéos), la montée en puissance des créateurs, l’irruption massive de l’IA générative et la diversification des usages, les pratiques sont bouleversées. Pour les professionnels du marketing et de la communication, comprendre ces mutations n’est plus une option mais une nécessité. Je vous propose dans cet article une synthèse des grandes tendances qui redessinent le paysage social, afin d’anticiper les évolutions à venir et d’adapter vos pratiques.

#MediasSociaux


En synthèse :

  • Les médias sociaux ne sont plus des « nouveaux médias » mais bien les médias dominants, devenant pour la première fois la principale source d’information devant la télévision et reflétant les évolutions de la société ;
  • Les créateurs de contenu se professionnalisent pour devenir des médias à part entière, adoptant une logique de production télévisuelle et diversifiant leurs activités bien au-delà de leur plateforme d’origine ;
  • L’intelligence artificielle inonde les plateformes de contenus synthétiques et donne naissance à une nouvelle génération de services proposant des amitiés synthétiques via des chatbots conversationnels ;
  • Face à la saturation et à l’uniformisation des grandes plateformes, les annonceurs se tournent massivement vers des alternatives comme LinkedIn pour les cibles professionnelles ou Pinterest pour l’inspiration ;
  • La portée naturelle des publications étant quasi nulle, les marques doivent abandonner la duplication de contenu et faire des arbitrages pour se différencier sur des grandes plateformes devenues ultra-concurrentielles.

Comme tous les ans, je vous propose une nouvelle version de mon panorama des médias sociaux, cette année avec quelques mois de retard. Dans la mesure où il s’est passé beaucoup de choses et que les technologies et usages évoluent à grande vitesse, je ne vais donc pas faire un, mais trois articles sur ce sujet : une analyse des tendances, une nouvelle version du panorama, et une vision centrée sur l’influence.

Commençons donc avec les tendances de ces derniers mois.

Les médias sociaux sont les nouveaux médias dominants

À une époque pas si lointaine, nous parlions de « nouveaux médias ». Sauf que des plateformes sociales comme Facebook, YouTube ou LinkedIn ont maintenant plus de 20 ans, soit une génération entière. Il n’est donc plus valide de parler des médias en ligne comme de nouveaux médias, à la fois du point de vue de l’ancienneté (Facebook a été lancé avant BFM TV), mais également de l’audience, car nous ne parlons plus de supports numériques en croissance, mais de plateformes médiatiques consultées par plusieurs milliards de personnes tous les jours, avec de vraies addictions (À l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale, SOS Addictions et Conceptory dévoilent une campagne de sensibilisation).

En revanche, là où il y a une rupture par rapport aux anciens médias, c’est dans la configuration de ces plateformes médiatiques qui offrent la possibilité de s’exprimer (publier), de réagir (commenter) et de relayer (partager). Ainsi, dans « Social media », il y a « Social ». Avec une telle portée, les médias sociaux sont donc le reflet de la société, et inversement : à mesure que les habitudes de consommation média évoluent, les comportements évoluent (Lecture : le « décrochage extrêmement violent » des Français inquiète le Centre national du livre).

Cette connexion directe entre les producteurs et les consommateurs plait énormément, car le rôle de filtre joué historiquement par les médias traditionnels est aujourd’hui remis en question : Trust in Media at New Low of 28% in US. D’où un report des habitudes vers les médias sociaux : For the first time, social media overtakes TV as Americans’ top news source.

Le fait que les médias sociaux soient devenus (ou sont en train de devenir) la première source d’informations ne devrait surprendre personne dans la mesure où ce sont les médias dominants. Pour celles et ceux qui en doutent encore, il suffit de constater l’audience gigantesque de plateformes comme Instagram ou YouTube qui dépasse maintenant les 3 milliards d’utilisateurs : Instagram now has 3 billion monthly active users et The Streaming Wars Come Down to 2: YouTube vs. Netflix.

Le cas de YouTube est particulièrement intéressant, car ce service a pendant longtemps vécu dans l’ombre des plateformes sociales les plus visibles (Facebook, Instagram et TikTok) ainsi que dans celles des plateformes de streaming qui revendiquaient le titre de « nouvelle télévision ». Nous avons maintenant le recul pour comprendre que YouTube EST la nouvelle TV, le média de masse par excellence, celui qui touche tous les consommateurs (de 1 à 99 ans), celui qui engendre des revenus publicitaires gigantesques (YouTube earns $9.8 billion in ad revenue during Q2) et qui fait même de l’ombre à TikTok (YouTube Shorts Now Averages 200 Billion Daily Views). Nous l’avions sous les yeux depuis le début, mais nous n’avons pas su bien apprécier ce qu’ils ont accompli.

Bref, tout ça pour dire que puisque les médias sociaux sont le reflet de la société. Voilà pourquoi l’analyse des comportements et conversations est devenue un enjeu crucial, même pour les acteurs historiques : Médiamétrie lance l’Observatoire des Réseaux Sociaux.

Il est également à noter que quand les médias sociaux évoluent, notre société évolue également. Ainsi, la généralisation des smartphones a accéléré l’avènement des contenus visuels, et précipité le déclin des contenus textuels. Les premières victimes de cette évolution des usages (articles > photos > vidéos) sont les plateformes de blogs qui sont complètement passées de mode, les flux ininterrompus de micro-vidéos remplaçant les fils RSS : Typepad is closed for business.

Je garde néanmoins espoir, car les nouvelles générations affectionnent de plus en plus les objets d’une autre époque (téléphones à clapet, écouteurs filaires, cassettes audio…) et les pratiques tombées en désuétude : The Tumblr revival is real, and Gen Z is leading the charge.

Est-ce la fin (ou le renouveau) d’une époque ? Je ne serai le dire, mais je suis confiant, car je découvre tous les jours de nouvelles formes de socialisation à travers des sites et services en ligne très surprenants comme Internet Roadtrip, un site de trajet participatif sur la route (Thousands of people have embarked on a virtual road trip via Google Street View) ; ou Front Proch Forum, un forum d’entre-aide ultra-local (Dans le Vermont, le réseau social ultralocal aussi populaire que Facebook).

Je ne me lasse pas de ces initiatives qui vont à l’encontre des pratiques courantes. Cela permet de compenser le phénomène d’uniformisation des grandes plateformes sociales qui finissent toutes par proposer les mêmes fonctionnalités, à l’image de TikTok qui copie les canaux Telegram avec ses « Bulletin Board » qui permettent de partager jusqu’à 20 bulletins par jour (des messages de maximum 1000 caractères ou des photos, vidéos… cf. TikTok introduit les panneaux d’affichage), ou la carte d’Instagram qui copie celle de Snapchat (Instagram takes on Snapchat with new ‘Instagram Map’).

Après ce premier rapide tour d’horizon pour recadrer le décor des médias sociaux, je vous propose d’entrer dans le vif du sujet avec ces 10 tendances pour surveiller l’évolution des usages et pratiques.

Tendance #1 : Nos vies sur les médias sociaux (naissances et décès en direct)

Comme moi, vous avez très certainement été choqué, mais à moitié surpris, par le décès en direct de Raphaël Graven, alias JP, ce vidéaste / streameur français qui nous a quitté cet été dans des conditions tragiques : La mort en direct du streameur Jean Pormanove, humilié et maltraité pendant des mois.

Un fait divers révoltant, néanmoins emblématique de cette recherche d’audience poussée à son paroxysme (23-year-old climber falls during TikTok livestream). Espérons que ce décès va servir de précédent, et surtout de leçon aux apprentis influenceurs (Après la mort de Jean Pormanove, l’UMICC s’exprime).

Vous pourriez arguer que les médias sociaux peuvent aussi nous offrir de très beaux moments comme le partage d’heureux évènements, à l’image de cette naissance en direct ; mais je vous rétorquerais que ce n’est pas réellement un heureux événement, mais un bien triste spectacle mercantile : Twitch streamer Fandy gives birth live on stream as tens of thousands tune in.

La mère (Fandy) et le nourrisson (Luna) se portent bien, c’est déjà ça ! Comment expliquer cet engouement pour la diffusion live ? Pour deux raisons essentielles : le fait que nous sommes dans la civilisation de l’instantané, piégés dans le présent, avec cette volonté de participer à des événements qui ont lieu à l’autre bout du monde sans bouger (quitte à créer artificiellement cet événement, comme c’est le cas avec cette naissance).

L’autre facteur relève des coûts de production : La diffusion en direct est très intéressante pour les créateurs, car plus authentique et surtout beaucoup moins coûteuse à produire (pas de préparation ni de montage). Ceci explique la partition des productions vidéo avec des directs très brouillons, mais offrant beaucoup de spontanéité ; et des productions asynchrones toujours plus ambitieuses.

D’ailleurs à ce sujet…

Tendance #2 : Les créateurs deviennent des médias à part entière

Il ne vous aura pas échappé que les YouTubeurs se sont largement professionnalisés avec une logique de saisons et d’épisodes pour structurer leur chaine et offrir une expérience plus proche de la TV (Everything Is Television). Mais au-delà de la présentation des vidéos, nous pouvons constater que les YouTubeurs les plus populaires pratiques le merchandising à la perfection et décline leur « marque » en de nombreux produits dérivés : YouTube Star MrBeast Is Building an Entertainment Empire.

Les YouTubeurs américains bénéficient naturellement d’une plus large audience potentielle (= marché adressable), mais les vidéastes français n’ont rien à leur envier en matière de qualité de production, avec des opérations de plus en plus ambitieuses, notamment ces dernières semaines : Les stars de YouTube multiplient les superproductions et GP Explorer 3: les chiffres clés de l’événement.

Ce principe de jeux avec des invités n’est pas sans rappeler les classiques émissions de TV, mais soit, l’important est de divertir le plus grand nombre tout en conservant les codes visuels des jeunes générations, quitte à proposer des productions un peu convenues : Squeezie, Inoxtag, Michou… le YouTube français refait-il de « la télévision à la papa »?

Toujours est-il que les vidéastes à succès ne restent pas cantonnés à YouTube puisqu’ils officient également sur les autres plateformes pour pouvoir proposer des formats complémentaires (micro-vidéos sur Tiktok, lives sur Twitch…). Certains n’hésitent pas à s’exporter physiquement pour se rapprocher littéralement de leur audience, l’équivalent d’un France 3 Régions sur les supports numériques : Hugo Décrypte s’attaque à la presse régionale. Qui s’en plaindra ?

Tout ça fonctionne très bien, il faut bien l’avouer. La prochaine étape logique sera de reproduire une schéma équivalent (supports numériques > canaux analogiques et évènements physiques), mais pour d’autres plateformes, et pourquoi pas OnlyFans, très certainement le vivier des futurs Marc Dorcel de l’ère numérique.

Tendance #3 : Les grandes plateformes intègrent des fonctionnalités sociales

Les plateformes sociales se copient entre-elles et proposent toutes des fonctionnalités similaires. Ça, vous le saviez déjà, je l’ai évoqué dans la première partie de l’article. Mais aviez-vous remarqué que les grandes plateformes (non sociales) font la même chose ? La logique d’intégration de fonctionnalités sociales au sein des grandes plateformes est toute simple : capter les interactions qui se déroulent en dehors de leur plateforme. Non seulement cela permet d’augmenter le temps passé, mais également d’avoir une meilleure compréhension / maitrise de ces interactions.

Nous avons ainsi pu constater ces derniers mois l’implémentation de fonctionnalités sociales chez Google, Roblox ou encore Character :

Tout ceci est très intéressant, mais j’ai quand même un doute sur le fait que des contenus virtuels ou synthétiques puissent constituer un intérêt suffisant pour alimenter des conversations ou des interactions sur le long terme.

En revanche, à très court terme, force est de constater que ça fonctionne bien.

Tendance #4 : Des plateformes inondées par des contenus synthétiques

Dans l’absolu, les plateformes sociales étaient déjà inondées de publications et photos bidonnées par des influenceurs voulant nous faire croire qu’ils vivent dans l’opulence et que leur quotidien est rythmé grâce à des produits et services de luxe. Ce petit manège a duré quelques années, mais heureusement, ces influenceurs en carton qui étalent leur pseudo richesse n’impressionnent plus personne, surtout celles et ceux qui se sont exilés à Dubaï (ils devraient d’ailleurs se méfier : Saudi-Arabia sets clear rules for content creators and influencers). De même, les opérations de désinformation et de mésinformation existent depuis de nombreuses années, notamment l’affaire Cambridge Analytica qui remonte à 2015.

Ceci étant dit, les pratiques d’ingérence numérique assistée par l’IA se sont multipliées ces derniers temps et commencent à prendre de l’ampleur : Une campagne de propagande russe cible la France avec des scandales générés par IA, générant 55 millions de vues sur les réseaux sociaux. Mais là n’est pas mon propos, je cherche simplement à vous faire comprendre le contexte des nouvelles fonctionnalités présentées récemment.

La montée en puissance des contenus générés par l’IA est un phénomène connu de tous, mais Meta a eu la bonne idée d’en faire un nouveau produit pour pouvoir augmenter son inventaire publicitaire tout en canalisant ce type de publications : Meta AI funnels AI videos from creators into new ‘Vibes’ feed. La justification de ce flux dédié aux contenus synthétiques est que certains utilisateurs y trouvent un intérêt (je dois bien avouer qu’il y a un côté hypnotique à les regarder), et que cela permet de familiariser le grand public avec la notion de métavers, c’est-à-dire l’idée que l’on passe du temps à interagir avec des contenus synthétiques.

Ce nouveau flux synthétique peut surprendre, mais il y a de l’idée et une certaine continuité dans leur approche du métavers. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls à croire dans le potentiel des contenus synthétiques, puisque l’éditeur de ChatGPT ne propose pas une fonctionnalité, mais une application équivalente : Introducing ChatGPT Pulse. Leur idée est que l’IA, leur IA, est un levier de créativité qui permet aux consommateurs de devenir producteurs. Et visiblement, ça plait : Sora hit 1M downloads faster than ChatGPT.

Je ne me prononcerai pas sur la viabilité d’une telle applications, ni sur sa longévité (quoi que, je viens de le faire un peu plus haut). Simplement, attendons quelques mois avant de proclamer la fin des médias sociaux « biologiques », alimentés par des humains, car les modèles génératifs auront toujours besoin de contenus frais et originaux pour progresser (cf. Reddit turns 20, and it’s going big on AI).

Néanmoins, vous noterez que la frontière est toujours plus fine entre les contenus biologiques et synthétiques, du moins que la limite d’acceptation des utilisateurs se déplace petit à petit. Un changement dans l’opinion publique qui donne des idées au propriétaire de Twitter qui ambitionne d’utiliser son chatbot (Grok) pour générer une encyclopédie complète afin d’équilibrer les points de vue de Wikipedia qu’il juge trop à gauche : Elon Musk Plans to Take on Wikipedia With ‘Grokipedia’.

Toujours est-il que l’évolution des mentalités ne s’applique pas qu’aux contenus synthétiques.

Tendance #5 : Une nouvelle génération de services et d’amis synthétiques

Si vous avez consulté la dernière édition du classement des services et applications d’IA générative les plus populaires (The Top 100 Gen AI Consumer Apps), alors vous avez forcément noté le succès des services de chatbots conversationnels comme Character, Replika, Janitor, Polybuzz ou Talkie.

Contrairement aux chatbots comme ChatGPT ou Claude qui fournissent des réponses à vos questions, les services mentionnés ci-dessus ne sont pas des moteurs de réponses, mais des agrégateurs d’interlocuteurs synthétiques avec lesquels vous pouvez dialoguer jour et nuit : Amitiés synthétiques. Ces services s’appuient ainsi sur la puissance des modèles génératifs pour proposer des expériences conversationnelles très subtiles, avec un niveau de réalisme encore jamais atteint : il est même possible de dialoguer par téléphone et avec des avatars photo-réalistes : Character.AI unveils AvatarFX, an AI video model to create lifelike chatbots.

Sommes-nous rentrés dans l’ère des amis virtuels (synthétiques) ? Oui certainement, l’évolution logique des amis imaginaires pour celles et ceux qui ont une imagination débordante et souffrent de solitude, de s’être coupé (volontairement ou pas) des relations sociales traditionnelles à cause d’une impression tenace de ne pas être compris(e). Ces services sont-ils un remède efficace contre le mal du siècle ? Je ne sais pas, mais je constate en revanche qu’ils jouissent d’une forte popularité, notamment auprès des plus jeunes (cf. cet article très récent de l’American Psychological Association : Many teens are turning to AI chatbots for friendship and emotional support et Young people in China are embracing AI therapy).

Bien évidemment, les progrès technologies et la nature humaine engendrent des dérives qui étaient à prévoir, notamment l’émergence de services équivalents, mais pour adultes comme OhChat (cf. ‘She never sleeps’: This platform wants to be OnlyFans for the AI era).

Je serai tenté d’écrire que tant que ce sont des adultes qui utilisent ces services de façon consciente, ça les regarde. Néanmoins, je ne peux pas m’empêcher de préciser que les services d’IA génératives reposent sur des modèles qui peuvent simuler et reproduire aussi bien des contenus que des interactions à très grande échelle, mais qui ne savent pas et ne sauront jamais comprendre les humains dans toutes leurs contradictions, leur imprévisibilité ou leur irrationalité (Think your AI chatbot has become conscious? Here’s what to do).

Ceci étant dit, je n’ai pas de solution pragmatique et viable à vous proposer pour lutter contre la désociabilisation ou le sentiment de solitude. Nous sommes, je pense, d’accord pour admettre que ces services ne sont que des béquilles psychologiques, mais qu’ils permettent néanmoins d’oublier une bien triste réalité (un quotidien déprimant) et des dérives bien réelles faites par des humains.

Tendance #6 : TikTok, se transforme en poubelle

Si vous suivez régulièrement ce blog, alors vous avez sans doute déjà remarqué que je ne suis pas tendre avec TikTok. Le problème de cette plateforme sociale n’est pas son éditeur chinois, mais le fait que son audience soit significative plus jeune que celles des autres plateformes : Dans la mesure où l’essentiel de l’audience se situe dans les tranches pré-ados / ados / post-ados, les contenus publiés et partagés ne sont pas de très haut niveau (ce n’est pas une question de capacités intellectuelles, mais de maturité), et sont consommés sans aucun recul (il n’y a pas chez les ados le filtre que les adultes fabriquent au fur et à mesure de leur vécu et de leurs expériences). De plus, l’éditeur de TikTok possède un réel savoir-faire pour rendre accro ses utilisateurs : How TikTok keeps its users scrolling for hours a day.

L’audience très crédule de TikTok mène nécessairement à des dérives, des abus et des drames :

Je ne suis absolument pas surpris de lire les conclusion du rapport d’enquête parlementaire sur TikTok publié il y quelques semaines : « Cette plateforme expose en toute connaissance de cause nos enfants, nos jeunes, à des contenus toxiques, dangereux, addictifs » (Voici les résultats de la Commission d’enquête sur TikTok réalisée par l’Assemblée nationale).

Et pourtant… TikTok continue de fasciner les professionnels des médias sociaux, car au milieu de toutes ces crétineries, il y a des génies créatifs que les annonceurs veulent exploiter pour incruster leur marque dans la tête des jeunes consommateurs. Un jeu dangereux, mais un risque que les marques Grand Public sont visiblement prêtes à prendre.

Pour les marques ciblant les adultes, les choses sont différentes, mais pas nécessairement plus simples.

Tendance #7 : Toutes les attentions se tournent vers LinkedIn

L’audience BtoB était historiquement répartie entre Twitter et LinkedIn. Mais depuis le rachat de Twitter par Elon Musk et sa transformation en X, je pense que vous avez pu constater une forme de déclin de l’audience originelle et la montée en puissance de publications et réactions toujours plus violentes : ça s’accuse, ça s’engueule et ça s’insulte par tweets interposés. Certes, la liberté d’expression a un prix, mais je regrette le fait que X soit devenu une plateforme sociale aussi hostile pour celles ou ceux qui n’ont pas l’habitude (ou qui ne supportent pas la contradiction). C’est d’autant plus regrettable que X reste un canal de communication unique en son genre, surtout pour les personnalités visibles : Comment les réseaux sociaux ont révolutionné la communication des grands patrons.

Bref, tout ça pour dire qu’il ne reste plus qu’une option aux annonceurs BtoB ou aux marques qui veulent toucher une audience d’adultes. Ceci explique en très grande partie le succès et la croissance de LinkedIn, la seule plateforme BtoB à portée mondiale avec plus d’1 milliard d’utilisateurs. Cette position ultra-dominante sur le créneau des professionnels permet à LinkedIn et son propriétaire (Microsoft) d’empocher le pactole publicitaire (LinkedIn passes $2B in premium revenue in 12 months, with overall revenue up 9% on the year), mais engendre également des phénomènes d’addiction : Meet the LinkedIn superusers.

Ce qui explique également le succès de LinkedIn est l’évolution constante des services proposés (LinkedIn Rolls Out Improvements for Campaign Manager, LinkedIn’s new AI assistant can help recruiters match with top candidates), ainsi que de nouvelles fonctionnalités qui sont lancées régulièrement : LinkedIn mise sur la vidéo pour aider les marques à émerger et LinkedIn élargit l’accès aux newsletters à tous ses membres.

En revanche, le succès de LinkedIn engendre nécessairement une forte pollution avec d’innombrables pseudo-coachs et CGP, ainsi que de nombreux prédicateurs BtoB qui annoncent inlassablement la révolution de l’IA (LinkedIn, nouvelle économie du vide). Plus grave, la politique et la désinformation commencent à s’installer durablement dans le flux des publications, car l’audience est très qualitative (des adultes en responsabilité) : LinkedIn, nouveau champ de bataille informationnel et Study finds climate misinformation lurking in LinkedIn’s trusted environment.

Pour lutter contre cette pollution, un système de vérification des utilisateurs est en cours de déploiement pour assainir les publications (LinkedIn says it has verified 55 million users in effort to combat AI’s spread of scams, misinformation), mais surtout pour rassurer les annonceurs. Avec le phénomène de saturation des grandes plateformes sociales comme Facebook, Instagram et YouTube, les marques premium se tournent de plus en plus vers LinkedIn pour toucher des cibles à fort pouvoir d’achat : How LinkedIn became luxury fashion’s newest runway.

Vous vous en doutez surement, la conséquence logique de la concentration des ressources sur LinkedIn génère une baisse de la portée naturelle, que les marques arrivent à compenser en utilisant les mêmes leviers que sur les autres plateformes sociales : les influenceurs BtoB. L’idée est de s’appuyer sur l’audience et la crédibilité des utilisateurs les plus visibles (et les plus légitimes sur un domaine) pour pouvoir amplifier la portée d’un événement ou d’une publication : LinkedIn, nouveau terrain de jeu pour les influenceurs ?

Mais cette recherche d’alternative aux grandes plateformes sociales ne s’applique pas que à LinkedIn.

Tendance #8 : L’avènement des communautés et canaux WhatsApp

S’il y a bien une plateforme sociale qui est largement sous-cotée, c’est bien WhatsApp. Non seulement cette messagerie bénéficie d’une audience colossale (WhatsApp now has more than 3 billion users a month), mais elle est régulièrement enrichie avec des fonctionnalités qui tiennent la concurrence à distance : WhatsApp introduces new features across chats, calls, and channels ou Meta is adding AI-powered summaries to WhatsApp. Je pense ne pas me tromper en écrivant que le joyau de la galaxie Meta n’est pas Instagram, mais WhatsApp.

Vous pourriez me dire que l’on peut difficilement comparer une messagerie mobile avec une plateforme de publication / partage de photos et vidéos, et je vous répondrai que WhatsApp propose bien plus que des conversations par messages, avec notamment les publications éphémères (« Status« ), les groupes, les communautés (qui rassemblent des individus et groupes) et les canaux (qui servent à diffuser des messages dans un seul sens) : WhatsApp Communities vs. Channels, A Detailed Comparison.

La popularité de WhatsApp aiguise naturellement l’appétit des annonceurs qui aimeraient bien inonder la plateforme de leurs publicités. Heureusement, l’équipe en charge de l’évolution de la célèbre messagerie tempère leurs ardeurs et n’autorise que des formats natifs de publicité pour limiter au maximum les nuisances et la pollution (WhatsApp is adding ads to the Status screen), personne ne s’en plaindra.

Grâce à WhatsApp, Meta dispose très certainement de la plateforme sociale la plus utile et addictive. Avec en prime, un très gros potentiel pour les annonceurs qui se bousculent à la porte, mais peinent encore à comprendre que l’intérêt de WhatsApp se situe plus dans la fidélisation des clients et les services, plutôt que dans les bannières publicitaires.

Dans tous les cas de figure, il n’est pas possible de considérer WhatsApp comme une alternative aux grandes plateformes, car les formats publicitaires sont très contraignants (pour le bien de la messagerie). Il existe bien d’autres alternatives, mais leur fonctionnement est à la fois une force et une faiblesse.

Tendance #9 : La décentralisation comme alternative aux grandes plateformes

Ce n’est pas la première fois que j’aborde le sujet des plateformes centrales décentralisées (dans le milieu, on parle de « DeSo » pour « Decentralized Social« ), la queue de la comète du Web3 (cf. Mythes et réalités du Web3 et Le Web3 désigne un palier de maturité des usages numériques).

Déjà dans mon panorama 2023 je vous parlais de l’émergence de plateforme sociale reposant sur le protocole ActivityPub. Petit à petit, ce protocole de publication décentralisé gagne en popularité et est adopté par de plus en plus de services : Substack rival Ghost is now connected to the fediverse et Threads is adding fediverse content to your social feeds.

Le but de ces plateformes sociales décentralisées est de proposer une alternative aux plateformes sociales centralisées qui exercent un contrôle actif sur les publications (à cause notamment du Digital Service Act) et monétisent à outrance les données des utilisateurs. Elles s’inscrivent dans la mouvance du Fediverse, une fédération de réseaux sociaux interconnectés grâce à différents protocoles, dont ActivityPub.

Tout ceci est très intéressant, mais la valeur d’usage de la décentralisation n’est vraisemblablement pas suffisante pour motiver le grand public. Les différentes initiatives mentionnées dans le schéma ci-dessus ne dépassent ainsi pas les 50 M d’utilisateurs, soit largement en dessous du seuil de viabilité des grandes messageries ou plateformes sociales (qui se situe aux alentours de 500 M d’utilisateurs). Le fait est que la décentralisation a un coût : le fonctionnement est nécessairement plus complexe et lent que les plateformes centralisées. Ce facteur limitant condamne malheureusement ces initiatives à des audiences marginales, généralement des poches d’activistes ou de libertaires.

En revanche, pour les passionnés, c’est différent.

Tendance #10 : La révélation Pinterest

La seule vraie alternative qui reste relativement protégée de la pollution et de la saturation. Lancée il y a 15 ans, cette plateforme de publication / partage revendique près de 600 M d’utilisateurs. Ce qui a fait le succès de Pinterest est sa valeur d’usage qui est simple à comprendre et bien réelle : trouver de l’inspiration à travers des panneaux (« boards« ) qu’il suffit de consulter ou de partager. Par comparaison, quelle est la valeur d’usage de TikTok ?

Fidèle à sa dynamique sociale d’origine (le partage de trouvailles que l’on épingle sur des panneaux), les équipes de Pinterest proposent régulièrement de nouvelles fonctionnalités et opérations pour maintenir l’intérêt :

Des usages très marqués vers les produits de grande consommation, certes, mais de nombreuses possibilités offertes aux annonceurs qui veulent bien se donner la peine de proposer d’autres formats de contenus et de campagnes.


Ceci conclue ma série de tendances pour bien comprendre l’évolution des médias sociaux en 2025. comme vous pouvez le constater, tout change, mais rien ne change : dans la mesure où les plateformes dominantes restent dominantes, les stratégies de visibilité ou d’acquisition de trafic sont sensiblement les mêmes au fil des ans. Néanmoins, malgré l’uniformisation des fonctionnalités, il subsiste des différences notables entre les plateformes, notamment dans les dynamiques sociales qui sont à l’oeuvre.

Vous pourriez ainsi penser qu’avec le temps, la présence des marques sur les médias sociaux est de plus en plus simple, car les recettes sont connues de tous… mais il n’en est rien. Il n’est tout simplement pas possible pour un annonceur dêtre présent sur l’ensemble des grandes plateformes en dupliquant les publications, car il faut investir un minimum de ressources pour pouvoir percer et se différencier en exploitant les spécificités de chaque plateforme (la compétition pour l’attention est extrêmement forte).

Voilà pourquoi il est essentiel de bien comprendre les motivations des utilisateurs et les dynamiques sociales avant de chercher à étendre votre présence sur telle ou telle plateforme, car la portée naturelle des publications est quasi nulle (The social media landscape is being upended: Don’t wait to make a move).

Dans la mesure où il existe pas moins d’une dizaine de plateformes sociales qui dépassent les 500 M d’utilisateurs sur les marchés occidentaux (Facebook, Instagram, YouTube, TikTok, Twitter, LinkedIn, Snapchat, WhatsApp, Pinterest et Threads), il faut nécessairement faire des arbitrages pour espérer un retour sur investissement.

Le prochain article sera consacré à une nouvelle version de mon panorama des médias sociaux, l’occasion pour vous de bien comprendre les spécificités de chaque plateforme et de faire les bons choix en fonction de vos cibles, ambitions et contraintes.


Questions / Réponses

Pourquoi considère-t-on que les médias sociaux sont devenus les médias dominants ?

Parce qu’ils sont devenus la première source d’information pour une grande partie de la population, dépassant pour la première fois la télévision. Des plateformes comme YouTube ou Instagram rassemblent des audiences de plusieurs milliards de personnes chaque jour, leur conférant une influence et une portée supérieures à celles des médias traditionnels.

Les plateformes sociales se ressemblent de plus en plus. Peut-on publier le même contenu partout ?

Non, ce serait une erreur. Bien que les plateformes tendent à uniformiser leurs fonctionnalités, les dynamiques sociales et les attentes des utilisateurs y restent très spécifiques. Pour percer, il est crucial d’adapter son contenu aux codes de chaque plateforme plutôt que de dupliquer ses publications, car la compétition pour l’attention y est extrêmement forte.

Qu’entend-on par « contenus synthétiques » et quel est leur impact ?

Il s’agit de contenus (articles, vidéos, images…) créés par une intelligence artificielle. Leur essor est tel que les plateformes sont désormais inondées par ces créations. En réponse, certains acteurs comme Meta commencent à créer des flux dédiés à ces contenus, à la fois pour canaliser le phénomène et pour se familiariser avec les interactions dans des univers virtuels, un premier pas vers le métavers.

Pourquoi LinkedIn est-il devenu si importante pour les entreprises ?

Avec le déclin de Twitter, LinkedIn s’est imposée comme la seule grande plateforme mondiale dédiée aux professionnels, dépassant le milliard d’utilisateurs. Face à la saturation des plateformes grand public ‘Facebook, Instagram, YouTube…), les marques se tournent vers LinkedIn pour toucher des audiences qualifiées et à plus fort pouvoir d’achat, notamment dans des secteurs comme le luxe.

Faut-il chercher à être présent sur toutes les grandes plateformes pour augmenter sa visibilité ?

Pas nécessairement. La portée naturelle des publications étant aujourd’hui quasi nulle, augmenter le nombre de plateformes sur lesquelles votre marque est présente ne changera pas la donne, mais ne fera que disperser vos ressources. Il est donc plus judicieux de choisir un nombre restreint de plateformes, celles où votre audience cible est la plus active, et d’y concentrer vos efforts pour espérer un retour sur investissement.



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