Yasmine Eythrib, première Marocaine championne arabe de 9-ball et 10-ball [Portrait]


À dix ans, Yasmine Eythrib, originaire de Casablanca, accompagnait son père et son frère aîné dans un club de billard. Elle prenait avec elle ses devoirs, s’asseyait dans un coin de la salle et les regardait jouer. Ses yeux suivaient le mouvement des boules sur la table verte et sa passion s’est nourrie de cette habitude quotidienne.

C’est ainsi que la jeune fille s’est familiarisée avec le monde du billard. Contrairement à d’autres enfants qui préfèrent jouer dans les parcs, elle a opté pour la pratique de cette discipline, apprenant les tactiques et le rythme de la compétition.

Défaite, finaliste, puis championne

La passion de Yasmine Eythrib pour le billard a grandi avec elle. Auprès de Yabiladi, elle revient sur ses débuts en rappelant l’engouement de son père et de son frère aîné, un champion du Maroc qui a fini par s’éloigner du domaine, pour des raisons personnelles. Elle reconnaît que c’est grâce à lui qu’elle a fait ses premiers pas dans cette discipline, à partir de 13 ans.

À 17 ans, Yasmine Eythrib est déjà devenue une professionnelle et à 19 ans, elle a commencé à participer à des compétitions nationales. Cette période charnière a considérablement renforcé sa confiance.

Tout en traçant son chemin dans le billard, Yasmine Eythrib a continué à se construire, en dehors des champs de la compétition. Elle fait des études en design graphique et marketing digital. Aujourd’hui, elle travaille dans une agence de publicité, en conciliant deux univers différents.

Son parcours dans le billard n’a pas été facile, vu les réserves initiales de sa famille. Mais elle a pu compter sur le soutien indéfectible de son frère. «J’étais jeune et mes parents ne voulaient pas que je néglige mes études, surtout que je perdais mes premiers matchs, ce qui compliquait les choses», a-t-elle déclaré.

Plutôt que de se laisser abattre, Yasmine Eythrib a été motivée par ses défaites en s’entraînant plus durement. Avec le temps, elle a commencé à faire ses preuves et sa famille a changé d’avis. Le soutien de ses proches est devenu unanime. Son premier tournoi a été le Championnat d’Afrique à Casablanca, à l’âge de 19 ans. Déçue de son échec en compétition, elle a encore compté sur l’appui de son frère qui l’a poussée à prendre part au championnat de 2023.

Yasmine Eythrib intensifie son entraînement et décroche la deuxième place, devenant la finaliste du Championnat d’Afrique. Ce succès lui a donné encore plus d’élan. Elle est de nouveau finaliste en 2024 et remporte même le titre de championne d’Afrique, en 2025.

Les structures sportives, un grand défi

Mais ce succès n’a pas éclipsé un défi plus grand : l’absence d’une structure officielle pour le billard au Maroc. Yasmine Eythrib explique que le royaume n’est pas doté d’une fédération dédiée à ce sport depuis un certain temps, bien qu’il soit question d’en rétablir une prochainement. Elle a mentionné que des associations spécialisées et des académies sont responsables de l’organisation des tournois. Ce sont également ces structures qui accueillent les joueurs pour leurs entraînements quotidiens.

«L’absence d’une fédération rend la participation internationale compliquée et coûteuse, car les joueurs doivent financer leurs déplacements, dans le cadre des tournois externes. Nous nous retrouvons avec deux options : soit participer à nos propres frais, par amour du sport, soit compter sur des associations, si elles sont en lien avec des responsables de fédérations dans d’autres pays.»

Yasmine Eythrib

Ce soutien lui a permis de participer au récent Championnat arabe, suite à l’intervention du président de l’Association nationale des sports de billard et de snooker, Moulay Cherif Zine El Abidine. Il lui revient d’avoir couvert les frais de voyage et de l’aider à obtenir l’autorisation de jouer sous la bannière de la Fédération arabe.

Ce mois-ci, Yasmine Eythrib a réalisé un exploit historique en Égypte. Elle a remporté deux titres arabes dans les compétitions de 9-ball et 10-ball. Lors de ce Championnat arabe de billard, elle a affronté des professionnelles avec des années d’expérience. «J’ai ressenti beaucoup de pression, face à une joueuse de Bahreïn qui a été championne arabe pendant des années consécutives», nous confie-t-elle, ayant participé pour la première fois.

Certaines joueuses la connaissent plutôt en tant que championne africaine de snooker, ce qui a créé la surprise lorsqu’elle a décroché le titre de billard. La Marocaine en garde un souvenir «extraordinaire, surtout étant la première Marocaine à réaliser cet exploit et à remporter les deux championnats».

Mais les titres ne font pas oublier une dimension plus complexe : la perception sociétale à l’égard d’un sport considéré comme masculin. Yasmine Eythrib a fait face à de nombreux commentaires, dès son jeune âge, mais son frère a toujours été à ses côtés. La situation a commencé à changer, ces dernières années, avec des réalisations des femmes.

Son plus grand rêve n’est plus seulement un nouveau titre. Yasmine Eythrib aspire à créer une fédération nationale, pour aider les professionnelles à représenter le Maroc.





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