Est-ce qu’un auto-entrepreneur peut embaucher ? Voilà une question que vous vous êtes peut-être déjà posée si vous avez une micro-entreprise ou envisagez d’en créer une. L’embauche est en effet un levier de croissance quand on veut développer une société en acceptant davantage de missions ou en optimisant la manière de les réaliser.
Alors, est-il possible de prendre un stagiaire ou un alternant sous son aile ? De recruter un salarié ou de faire appel à un freelance pour vous épauler pendant les périodes chargées ? Éléments de réponse dans cet article !
Peut-on prendre un stagiaire en auto-entrepreneur ?
Guider un étudiant en formation peut être très gratifiant et stimulant, vous apporter parfois un regard neuf sur votre activité. C’est aussi une personne que vous formez à vos missions, votre méthodologie… et qui peut éventuellement devenir une future recrue à vos côtés.
C’est aussi l’occasion de déléguer certaines tâches. On ne parle pas des tâches ingrates, attention, mais plutôt de tâches exigeant moins d’expertise et de séniorité, ce qui vous permettra de dégager du temps pour d’autres activités.
Bonne nouvelle, vous pouvez tout à fait prendre un stagiaire en auto-entrepreneur.
Vous devez avoir conscience qu’il vous faudra respecter toutes les obligations légales qui encadrent le stage. A ce titre, en particulier quand c’est la première fois que vous prenez un stagiaire dans votre micro-entreprise, vous aurez peut-être besoin de vous faire accompagner pour les formalités administratives.
Cela commence par le fait d’établir une convention de stage tripartite entre le stagiaire, votre micro-entreprise et l’établissement de formation. Beaucoup d’écoles fournissent un modèle, il n’y a rien de compliqué à remplir mais il faudra être bien clair sur les missions, les conditions financières et matérielles (lieu du stage, gratification, avantages éventuels, etc).
Il faudra aussi remettre au stagiaire un document attestant de l’ensemble des sommes qui lui sont versées, si une gratification existe. Par ailleurs, si elle dépasse le minimum légal, il faudra également établir un « vrai » bulletin de paie.
Bon à savoir pour l’auto-entrepreneur !
D’abord, ayez conscience que vous devez pouvoir accueillir votre stagiaire dans de bonnes conditions. Même si, aujourd’hui, le télétravail est un vrai atout, il est aussi exigeant quand on encadre une personne en plein apprentissage, qui va avoir plein de questions à poser et besoin de feedback. Si vous n’avez pas de locaux, il est néanmoins utile de prévoir quelques temps d’échange « en physique ».
Second point important : le coût financier. Un stagiaire n’est pas rémunéré à proprement parler et n’a pas un statut de salarié, mais il touche une gratification dès que le stage excède 2 mois consécutifs ou 309h (même si elles ne sont pas effectuées sur des jours consécutifs). Le montant de la gratification minimale est fixé chaque année au premier janvier.
Quand elle existe, la gratification est payée de manière mensuelle et il peut y avoir des cotisations sociales à régler si elle est supérieure au minimum légal. Dans certains secteurs et dans certaines régions, il sera difficile de trouver un « bon profil » en offrant le minimum légal. Il faut garder ce point en tête quand vous évaluez les coûts.
Sachez aussi qu’un auto-entrepreneur peut embaucher un stagiaire… mais ne peut pas déduire sa gratification du chiffre d’affaires. Autrement dit, vous paierez des cotisations URSSAF sur l’ensemble de votre chiffre, même si dans les faits vous en reversez une partie à votre stagiaire. Gardez bien en tête cette planification financière.
On peut trouver des personnes motivées pour des stages de courte durée sans rémunération dans le cadre des « PMSMP » (« Périodes de mise en situation en milieu professionnel ») proposées par exemple par Pôle Emploi ou par des missions locales à des personnes en recherche d’emploi ou en reconversion. Ces périodes, d’une durée maximale d’un mois, leur permettent de découvrir un métier, de confirmer (ou pas) un projet professionnel en allant voir sur le terrain quel est le quotidien du métier en question.
Comme dans le cas d’un stage classique, les PMSMP prévoient un vrai encadrement (vous devez vous engager à accompagner la personne au quotidien), ce qui explique que certains organismes soient réticents à les accorder dans le cas d’une micro-entreprise. Néanmoins, ce n’est pas toujours le cas et cela peut vous permettre de tester le fait d’avoir une personne à vos côtés avant, peut-être, de prendre un stagiaire payé sur une durée plus longue.
Par essence, un stage est ponctuel (6 mois maximum) et concerne une personne en formation. Vous ne pouvez donc pas attendre d’elle qu’elle remplace un salarié expérimenté.
En revanche, cela peut vous aider à mieux définir ce que vous pouvez déléguer (ou pas)… et quelle valeur ajoutée cela apporte à votre business. Par exemple, si vous constatez que la présence de votre stagiaire vous permet de libérer un jour plein pour absorber plus de missions, c’est un gain que vous pouvez chiffrer… et cela peut vous donner du grain à moudre sur l’intérêt à long terme d’embaucher un salarié ou un alternant.
Peut-on prendre un alternant dans sa micro-entreprise ?
Un alternant a l’avantage de passer plus de temps en entreprise qu’un stagiaire, vous pouvez donc l’impliquer dans des missions à plus longue échéance, le former de manière plus complète. Derrière le terme « alternance », il existe deux types de contrats :
- Le contrat d’apprentissage : il concerne en général des jeunes de 16 à 29 ans (34 ans dans certains cas particuliers), des travailleurs handicapés, sportifs de haut niveau ou créateurs/repreneurs d’entreprise sans condition d’âge. Ils préparent un diplôme de niveau varié (du CAP au master, en passant par les BTS, diplômes d’ingénieur et autres) en alternant des périodes de formation théorique (au moins 25% de la durée totale de leur contrat) et des périodes de travail en entreprise, où l’apprenti est aux 35h. Ce contrat dure en général entre 1 et 3 ans et est assimilé à un CDD.
- Le contrat de professionnalisation : il concerne aussi bien des jeunes de 16 à 25 ans que des demandeurs d’emploi de plus de 25 ans et des bénéficiaires de certaines aides (RSA, AAH, etc). L’alternant est là aussi aux 35h et passe une partie de son temps en entreprise, l’autre en formation (entre 15 et 25% de la durée du contrat). Le contrat peut prendre la forme soit d’un CDD (6 à 12 mois), soit d’un CDI (avec 6 à 24 mois au moins prévus pour la formation).
Là encore, un auto-entrepreneur peut embaucher un alternant dans sa micro-entreprise, à condition de respecter les obligations légales en vigueur.
Que devez-vous garder en tête avant de prendre un alternant ?
Comme dans le cas des stagiaires, il y a certains points à prendre en compte avant de s’engager.
La rémunération minimum d’un alternant est calculée par défaut en « pourcentage du SMIC », un pourcentage qui varie selon :
- Le type de contrat (apprentissage ou professionnalisation) ;
- L’âge de l’alternant ;
- Le niveau dans la formation, dans le cadre d’un apprentissage : un apprenti de première année est moins payé qu’un apprenti en 3e année de formation ;
- Le niveau de diplôme préparé, dans le cadre d’un contrat de professionnalisation : un alternant qui prépare un diplôme de niveau supérieur au bac sera davantage payé qu’un alternant préparant une qualification inférieure au bac.
La rémunération minimale pour un alternant majeur peut aller de 43% du SMIC (apprenti de première année) à 100% du SMIC (alternant de 26 ans ou plus). Vous devez également payer des cotisations patronales (autour de 40% du salaire brut versé) et financer les études de votre alternant (coût de son école par exemple).
Vous trouverez encore beaucoup de sites qui parlent d’exonération de cotisations patronales car c’était le cas avant 2019 et la loi « Avenir professionnel ». A l’heure où j’écris cet article, on paie bien des cotisations patronales.
En d’autres termes, c’est un budget non négligeable pour une micro-entreprise, a fortiori quand vous ne pouvez pas déduire de frais. Souvent, même si légalement un auto-entrepreneur peut embaucher ce type de profil, il ne le fera pas en raison du coût.
Cependant, cela peut devenir un choix stratégique pour un entrepreneur qui s’approche des plafonds maximum du régime de la micro-entreprise. Vous pouvez choisir de prendre un alternant pour voir si cela constitue un vrai effet de levier pour développer votre activité… et si c’est le cas, basculer ensuite sur un autre régime en lui faisant une proposition d’embauche. Si c’est votre cas, vous pouvez utiliser ce simulateur officiel pour voir si vous pouvez bénéficier de certaines aides.
Un contrat d’alternance reste un « vrai » contrat de travail et est donc assorti de certaines obligations que l’administration française prévoit en la matière 🙂 Les formalités restent simplifiées par rapport à l’embauche d’un salarié.
Il faut transmettre certains formulaires à l’OPCO dont vous dépendez (c’est un organisme agréé par l’État, en charge de la formation professionnelle), remplir une DSN tous les mois (Déclaration Sociale Nominative, un document qui permet de communiquer toutes les informations sur votre alternant aux organismes sociaux comme Pôle Emploi, l’URSSAF, la CPAM, etc).
Il faut bien sûr établir un contrat, des fiches de paie et assurer le lien avec l’école (il y a généralement quelques obligations pédagogiques à remplir, elles restent souvent assez légères mais ne sont pas à négliger).
Un auto-entrepreneur peut embaucher un alternant à condition de justifier d’un certain niveau dans son métier, une exigence qui n’existe pas dans le cas des stagiaires.
- Pour prendre un apprenti, vous devrez soit avoir deux ans d’expérience professionnelle dans le domaine où votre apprenti se forme, soit avoir 1 an d’expérience + un diplôme ou titre de niveau égal ou supérieur à celui que prépare l’apprenti, dans le même domaine d’activité.
- Pour prendre un alternant en contrat de professionnalisation, vous devrez là aussi justifier d’au-moins 2 ans d’expérience professionnelle.
En réalité, ça reste assez peu contraignant et on monte rarement une entreprise dans un secteur que l’on ne connaît pas du tout donc vous avez sans doute naturellement un minimum d’expérience 😉
Est-ce qu’un auto-entrepreneur peut embaucher un salarié ?
Comme pour les statuts précédents, il n’y a officiellement aucun obstacle à ce qu’un auto-entrepreneur embauche un salarié. Ce n’est en tout cas pas interdit par l’administration.
Dans la pratique, toutefois, ce n’est pas forcément un bon calcul. En effet, en prenant un salarié, vous allez non seulement faire face à des coûts importants dans la durée, mais aussi devoir remplir une foule de formalités supplémentaires. Or, la micro-entreprise a été pensée pour être un régime « simplifié », allégé en formalités, avec une comptabilité beaucoup plus aisée que dans une entreprise classique.
L’embauche d’un salarié vous confronte donc à des contraintes, démarches et coûts en décalage avec le régime que vous avez choisi.
Concrètement, vous allez entrer dans le monde de l’administration du personnel et de toutes ses obligations RH : faire une Déclaration Préalable à l’Embauche (DPAE), vous immatriculer auprès d’une caisse de retraite complémentaire, proposer une mutuelle d’entreprise, ouvrir un registre unique du personnel, établir un contrat de travail, des fiches de paie avec un logiciel de paie, etc.
Même sur un poste peu qualifié, le salaire et les cotisations patronales associées vont se révéler coûteux à l’échelle du plafond de revenus autorisé pour une micro-entreprise… et la complexité des formalités va en général exiger un accompagnement professionnel (faire appel à un cabinet d’externalisation de la paie, à un accompagnement juridique pour concevoir le modèle de contrat de travail, etc).
Souvent, ce n’est pas très réaliste de l’envisager, a fortiori quand vous avez besoin d’un profil qualifié, qui va donc coûter plus cher.
Des alternatives à l’embauche
A défaut de pouvoir embaucher un salarié, gardez en tête que vous pouvez imaginer d’autres solutions, par exemple :
- Faire appel à un freelance (par exemple pour faire face à un surcroît d’activité) ;
- Faire appel à une personne en portage salarial ;
- Faire appel à une agence d’intérim ;
- Sous-traiter la mission à un confrère, avec un principe « d’apporteur d’affaires » par exemple : vous lui apportez une mission sur laquelle vous prélevez un petit pourcentage (10% par exemple). Il y a certains domaines d’activité où l’on confie volontiers le « surplus de travail » à un confrère sérieux… qui fera de même pour vous une autre fois.
L’avantage de ces solutions est de ne pas impliquer de formalités administratives aussi lourdes que le recrutement de salariés… et d’être plus flexibles sur la durée de collaboration.
Si vous sentez que vous avez besoin de « bras en plus », ça peut encore une fois être un bon moyen de tester ce qu’un employé apporte à votre activité, de mieux cibler votre besoin (quelle expertise, quel niveau d’expérience, etc)… pour voir si les bénéfices justifient de basculer vers un statut plus propice à une embauche « dans la durée » !