Management intermédiaire : le marteau et l’enclume


Si le management intermédiaire est souvent à la une des journaux, c’est que ses membres se trouvent dans la nécessité de survivre à un « milieu hostile » nous explique Cécile Demailly dans un ouvrage publié chez Eyrolles. On parle ici et là d’entreprise libérée où on se débarrasserait de ces encombrants maréchaux des logis de l’entreprise moderne. Il est décidément bien difficile de survivre, quand on est manager intermédiaire, et qu’on est pris entre le marteau et l’enclume.

Management intermédiaire : survivre au marteau et à l’enclume

Management intermédiaire
Voici comment Midjourney imagine le management intermédiaire. Pas très vendeur.

Dans cette tentative de modernisation des organisations, on peut même aller jusqu’à utiliser le terme d’holacratie, si le terme ne fait pas trop peur. Bref, on pourrait presque dire que le manager intermédiaire est victime d’une double peine : proche du terrain, il est chargé de faire marcher la boutique, d’exécuter les ordres qui viennent de plus haut (pour schématiser), et de prendre les coups qui viennent du terrain.

Pas vraiment responsables aux yeux des grands patrons, vus du terrain ce sont eux, les managers intermédiaires, qui portent la responsabilité des décisions qui bien souvent leur passent au-dessus de la tête.

Et en prime, avec cette étiquette de « petit chef » qui leur colle à la peau. Bref, ni vraiment décideurs, ni vraiment exécutants, ils se retrouvent entre le marteau et l’enclume. C’est pour eux que Cécile Demailly, que nos lecteurs connaissent bien maintenant, a écrit un guide de survie aux éditions Eyrolles.

Elle y détaille « 50 outils et méthodes pour éviter d’être pris en étau et avancer sereinement en milieu hostile », nous en avons retenu 3 à titre d’exemple qu’elle nous a présentés lors de cette interview.

3 outils pour aider le management intermédiaire à survivre au marteau et à l’enclume

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Cécile Demailly nous propose 50 outils pour aider le managemeny intermédiaire à survire au marteau et à l’enclume. Nous en avons choisi 3 pour illustrer la sortie de son nouveau livre

Comment aider le management intermédiaire à survivre ?

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acheter le guide de survie des managers intermédiaires

Le titre est un petit peu surprenant, mais ça fait quelques années qu’on questionne l’utilité des managers intermédiaires, qu’on parle d’aplatir les organisations, qu’on prévoit même avec certaines études leur disparition, qu’on parle d’intelligence collective, de management transverse, et tous ces concepts les remettent en question, souligne Cécile.

Tout le monde s’imagine être dirigeant intermédiaire, mais ne l’est pas forcément

Dans les grandes entreprises, les manageurs de managers ont moins un rôle de management de personnes et beaucoup plus un rôle de management stratégique. Leur spécificité est que dans tout ce qu’ils font, ils se doivent de penser à la totalité de l’entreprise et pas uniquement à leur département, aux gens qu’ils contrôlent, à ce qui est leur activité. Ils se doivent de penser plus large.

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On range beaucoup de monde dans cette catégorie mais en fait de grandes disparités existent

Quand on parle des entreprises de taille intermédiaire ou des PME, ça devient plus complexe, car on y trouve des gens qui ont les deux rôles : à la fois managers de personnes et un rôle stratégique. Ils sont directeurs des ventes, de la production, du marketing, des finances.

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Les différents styles de management – page 41

Décideurs pour une partie, et finalement un peu pris entre le marteau et l’enclume

Ils sont même un peu abandonnés à leur sort, constate Cécile. Il y a des programmes dans les entreprises pour s’occuper d’eux, mais on considère aussi qu’ils sont autonomes, qu’ils ont la possibilité de prendre des initiatives, qu’ils savent ce qu’il faut faire. Ils sont souvent livrés à eux-mêmes et il faut qu’ils réussissent.

Vus de la direction, ils représentent les employés, et vus des employés, ils représentent la direction

Ils ont un peu la position « d’enfant du milieu », ils ne sont pas les grands, ils ne sont pas les derniers, mais il faut qu’ils soient aussi bons que les grands, et qu’ils en sachent autant que les gens qui s’occupent de l’opérationnel.

Les managers intermédiaires représentent 2 à 3% du total des salariés, soit 300 000 à 350 000 personnes

Ce chiffre est une projection réalisée avec les chiffres de l’INSEE. Ils ne sont même pas calculés dans toutes les entreprises, constate Cécile. Ce chiffre est réparti pour moitié dans des grandes entreprises et dans des ETI/PME.

Premier élément du kit de survie du management intermédiaire : le storytelling

Les managers intermédiaires sont dans l’humain. Ils doivent savoir parler aux collaborateurs, établir des relations avec eux, les emmener pour les convaincre. Le storytelling est pour Cécile un outil incontournable.

Le storytelling n’est pas uniquement dire une histoire, la pousser vers la personne et faire en sorte que la personne la reçoive. Il passe aussi par de la psychologie, de la compréhension de qui sont les personnes en face de soi. C’est aussi écouter, on ne fait pas de bon storytelling sans écoute, souligne-t-elle.

Le storytelling, c’est savoir parler aux gens humainement, avec un sens de l’écoute

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On en fait des plats du storytelling, mais finalement, c’est juste apprendre à parler humainement nous explique Cécile

Il y a parfois en France un peu de réticence par rapport au storytelling, car on peut avoir l’impression qu’on va vous embobiner, vous convaincre malgré vous, alors que le storytelling, c’est savoir toucher les gens.

Le manager intermédiaire, en tant que leader, est responsable du changement dans l’entreprise. Il lui revient de mettre en route les nouvelles stratégies, d’implémenter les nouvelles organisations.

S’il raconte cela sous forme d’histoire à ses collaborateurs, en partant d’où l’entreprise en est aujourd’hui et où elle veut en être dans le futur, s’il sait toucher chacun avec un minimum de psychologie, en faisant attention à leurs attentes – selon qu’ils souhaitent savoir avec qui ils vont travailler, où comment cela va changer leur travail de tous les jours ou avoir des symboles qui vont les faire vibrer – il peut les emmener très loin.

Ce n’est pas du tout les emmener malgré eux, c’est leur ouvrir des portes qu’ils pourront prendre ou non, mais en leur montrant ce qu’il y a d’intéressant derrière.

Deuxième élément du kit de survie du management intermédiaire : le management transverse

Le management est souvent pris comme le contrôle des gens qui sont sous ses ordres. Le management d’aujourd’hui n’est plus du tout ça. Il y a énormément d’influence, d’écoute. C’est aussi un bon relationnel.

2e outil du management intermédiaire, le management transverse. On en parle beaucoup mais bien le pratiquer est un art ! (voir notre manuel du parfait intrapreneur ici)

Les managers intermédiaires ont particulièrement besoin de bonnes relations avec les autres manageurs intermédiaires, car ils doivent penser en permanence à l’entreprise tout entière, et pas uniquement à leur pré carré quand ils implémentent de nouvelles stratégies de transformation de l’entreprise. Cela veut dire travailler avec les managers en charge d’autres départements et qui sont au même niveau qu’eux.

Le management en transverse c’est établir de bonnes relations. Pour cela, il faut se préoccuper de ce que font les autres en ouvrant les oreilles et les yeux sur quelle est la problématique de la personne qui travaille à côté de soi, et comment à la fois aider cette problématique tout en faisant avancer sa propre problématique.

On enverra nos lecteurs également sur « Les confessions d’un entrepreneur » qui est la méthode maison pour travailler en transverse.

Troisième élément du kit de survie du management intermédiaire : pour éviter les pièges relationnels, s’abstenir de se mettre soi-même dans des situations à problèmes

Quand on veut faire avancer les choses, il arrive qu’on se retrouve avec ce qu’on appelle la patate chaude. Personne n’en veut, et comme on doit faire avancer les choses, on la prend.

Ce n’est pas forcément une bonne idée, car en résolvant le problème, on va ouvrir la porte à recevoir d’autres patates chaudes.

Il faut éviter d’être trop plein de bonnes intentions, et savoir avoir du recul

Dans le même registre, il y a le fameux singe sur l’épaule, tiré d’un livre à succès des années 90. Un collègue arrive en disant « j’ai un problème, je n’arrive pas à m’en sortir. Qu’est-ce que t’en penses, toi ? ». Ne jamais dire : je vais y réfléchir.

La réponse à quelqu’un qui passe votre porte avec son problème et l’intention, ou pas, de demander votre aide, est d’aider la personne à réfléchir : « Qu’as-tu envisagé ? Qu’as-tu déjà essayé ? Qu’est-ce qui a marché, qu’est-ce qui n’a pas marché ? Essaye peut-être ceci ».

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Yann Gourvennec
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