Le marketing digital de l’extrême droite


On n’ignore plus rien des six chats de Marine Le Pen. Ou des bonbons que Bardella boulotte avant ses réunions publiques. Le RN est passé maître dans l’art de se fabriquer sur TikTok ou Instagram une image douce et sucrée. Et d’ailleurs, le phénomène n’est pas seulement français. En Italie, Giorgia Meloni et Matteo Salvini ; aux Pays-Bas, Gert Wilders affichent eux aussi leur amour des chats. On est bien loin d’un Jean-Marie Le Pen posant avec ses dobermans, Gitane et Gaulois. Le Pen qui avait coutume de dire : « Je suis racialiste donc j’aime les chiens de race. »

A quoi correspondent ces stratégies de communication ?

D’abord il faut noter que l’activisme de l’extrême droite sur internet, ce n’est pas nouveau ! Le Front National a été le premier parti à créer son site en 1996. Marginalisé à l’époque dans les grands médias, il a investi cet espace sans contrôle. C’est ce qu’on appelle la fachosphère, une floraison de sites exploitant le moindre fait divers mettant en cause un immigré. Ou de propagandistes comme Alain Soral postant de longs prêches antisémites et complotistes.
Ça, c’était le temps de l’idéologie pure et dure… Depuis, les enfants de Soral et Dieudonné se sont émancipés. Ils produisent des vidéos plus courtes, rythmées, maniant l’humour et les punchlines et surtout ils ont investi le créneau du Lifestyle.
Dans le dernier numéro du 1, le journaliste Pierre Plottu, (coauteur du livre Pop Fascisme)nous raconte l’histoire singulière d’un de ces vidéastes d’extrême droite.
Raptor sur la toile, de son vrai nom Ismail Ouslimani, a réussi à rassembler une communauté de 700.000 personnes sur Youtube. Cet amateur de fitness vend des leçons pour maigrir, du coaching sportif, des compléments alimentaires tout en développant des thèses virilistes, antiféministes et antiwoke.
Raptor n’est pas le seul sur son créneau. L’un de ses collègues, Baptiste Marchais, un ancien champion d’haltérophilie, a créé une chaîne où il alternait les conseils de gonflette et l’organisation d’énormes barbecues-charcutailles : sous-entendus interdits aux musulmans et à Sandrine Rousseau. Depuis, il est parti au Texas d’où il poste des vidéos de chasse au gros calibre, péché mignon d’un autre influenceur d’ultradroite, Papacito, qui, en 2021, a créé le scandale en tirant à balles réelles sur un mannequin étiqueté « gauchiste ».
Et les machos n’ont pas le monopole des vidéos identitaires et musclées. Sous couvert de parler psychologie, une certaine Thaïs d’Escufon vante le retour aux modes de vie traditionnels, les femmes à la maison, qui font des enfants et se placent sous la coupe d’hommes virils et protecteurs. Thaïs d’Escufon comme Raptor poursuivent un même but, très politique : en effet, on passe vite de la suprématie de l’homme sur la femme à celle de l’homme blanc sur les autres ethnies.

Ces vidéastes disposent-ils d’une grande influence ?

Oui et non. Oui, si l’on additionne leurs audiences, le fait qu’ils chassent en meute et qu’ils avancent masqués : en se présentant comme des influenceurs santé ou psy, ils ont élargi la pénétration des idées d’extrême droite, surtout en direction de jeunes sans grands repères politiques.

Mais non si l’on pense aux enquêtes du politiste Vincent Tiberj qui démontrent que les Français sont toujours majoritairement tolérants avec les minorités. Et surtout, il faut relativiser leur influence. Raptor, Thaïs et les autres pèsent peu, comparé à un Squeezie et ses 18 millions d’abonnés. Et d’ailleurs, lors des dernières législatives, nombre de vidéastes comme Squeezie sont sortis de leur neutralité pour s’engager contre le Rassemblement national. Et cela a compté dans la défaite du RN le 7 juillet.





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