Pour sa 14ème édition, Numeum et le cabinet EY mettent en avant le secteur de l’édition de logiciels. Le TOP 250 des éditeurs de logiciels français précise que l’écosystème est en croissance et que l’IA générative s’intègre de plus en plus aux offres des entreprises.
Comme à son habitude, Numeum rassemble l’ensemble de l’écosystème des éditeurs de logiciels. L’organisation professionnelle et syndicat patronal dévoile une nouvelle mouture du TOP 250 des éditeurs de logiciels français. Ce classement recense les principales entreprises du secteur et les rassemble afin de souligner leur performance durant l’année écoulée.
Dans le détail, le secteur maintient une bonne dynamique malgré une croissance de 7,6 % en 2023. Un chiffre plus faible que l’an dernier (10,6 %) lié à une conjoncture économique pour le moins complexe. Toutefois, des relais de croissance existent. On pense par exemple à l’adoption de l’intelligence artificielle générative ou du cloud computing.
Dans cette optique, 85 % des entreprises ont réalisé un chiffre d’affaires en croissance. L’innovation (33 %) et l’upselling (18 %) se présentent comme des stratégies de croissance privilégiées. La croissance externe ne représente que 12 % du total. Aussi, 82 % des éditeurs du panel ont enregistré un bénéfice d’exploitation. Preuve que le secteur fait montre d’une résilience certaine.
Jean-Philippe Couturier, président du collège Editeurs et Plateformes de Numeum, explique : « Ce TOP 250 des éditeurs de logiciels français traduit une résilience durable de la croissance. Chez les grands comptes, cette vivacité n’apparaît peut-être pas dès le premier regard mais on constate une très nette accélération de la croissance des petits éditeurs. D’autant que le secteur a encore de augmenté ses effectifs, de l’ordre de 4 %. Un chiffre certes en retrait par rapport à 2022, mais 72 % des éditeurs prévoient d’augmenter leurs effectifs dans l’année à venir« . En valeur absolue, 4 400 emplois nets ont été créés en 2024 (contre 6 400 en 2023).
L’IA générative, relai de la croissance
Thomas Courbe, Directeur général de la DGE, représentant du gouvernement français au Comité de l’IA du Bureau européen de l’intelligence artificielle précise l’approche de la France en la matière. Il explique : « Les éditeurs vont jouer un rôle central dans la diffusion de la technologie. Ce qui me marque c’est le nombre important d’éditeurs qui ont déjà déployé l’IA dans leurs propres outils. A présent, pour accélérer cette diffusion dans l’économie, il faut partir d’usages réplicables Nous contribuons donc à faire émerger ces cas d’usage à très haut potentiels pour mieux les diffuser dans l’économie. »
Coté réglementaire, Thomas Courbe précise : « Nous sommes dans la phase de mise en œuvre du règlement sur l’IA. Un relatif équilibre a été trouvé entre l’innovation et la nécessaire sécurité qui doit être apportée et conservée. Il nous reste désormais à travailler sur la clarté et la prévisibilité et donc à la définition des systèmes d’IA, à une liste des cas d’usages à haut risque pour donner à chaque acteur plus de visibilité sur la manière dont la règlementation s’applique à lui. «
Afin de motoriser leur croissance, les éditeurs peuvent compter sur l’intelligence artificielle, y compris générative. Ainsi, 40 % des éditeurs interrogés ont déjà intégré des fonctionnalités liées à cette technologie au sein de leur propre offre. De même, 42 % d’entre eux comptent le faire dans les deux prochaines années.
Cloud et Saas, de véritables moteurs
Jean-Philippe Couturier explique : « Il y a actuellement une véritable bataille sur les prix en matière d’IA générative. Mais le sens de l’histoire n’est pas d’augmenter les prix mais plutôt de les baisser. Car les agents IA sont en train de remettre en interrogation le modèle SaaS. L’IAG risque donc de changer le modèle même de facturation des éditeurs. »
Toutefois, l’investissement dans le cloud et le SaaS demeure conséquent chez les éditeurs français de logiciels (48 %) quand bien même ce chiffre est en baisse par rapport à 2022 (54 %). Ce changement s’est opéré au profit de l’intelligence artificielle, qui s’impose comme une priorité pour 22 % des entreprises sondées par EY et Numeum.
Enfin, du côté de l’innovation, la R&D demeure un moteur essentiel de progression. Les dépenses dans ce domaine représentent 22 % du chiffre d’affaires. Un chiffre qui souligne l’efficacité des dispositifs d’incitation fiscale pour maintenir et développer l’innovation dans le pays. « Conserver le Crédit Impôt Recherche est un enjeu majeur. En le réduisant, on diminue de facto la capacité d’innovation de la France dans l’IA alors que le sujet est particulièrement crucial en ce moment. Il ne faut donc pas sacrifier ce type de dispositif et ne pas ralentir l’innovation dans le numérique car cela ralentirait l’ensemble de l’économie« , précise Jean-Philippe Couturier. 67 % des éditeurs de logiciels français ont eu recours au crédit d’impôt recherche (CIR) en 2023, 59 % ont utilisé le crédit d’impôt innovation (CII).
Quel avenir pour le SaaS ?
Dès lors, la question se pose de savoir si l’IA générative va permettre de générer de nouveaux modèles de revenus pour les entreprises. Eventuellement basés sur l’usage de l’IA.
Sophie Yannicopoulos, Directrice générale d’Adobe France, explique : « La révolution de l’IA générative a commencé chez nous au début 2023. Nous en sommes à présent à notre quatrième génération de moteur de génération d’image. Nous avons intégré les fonctionnalités d’IAG au sein de nos produits comme Creative Cloud, Acrobat ou même dans nos solutions de marketing digital. L’enjeu se tourne à présent autour de l’adoption, on peut donc facturer à l’usage pour des utilisations très professionnelles mais pas forcement sur des usages plus généraux. »
De son côté, David Khuat-Duy Fondateur et CEO d’Ivalua, explique : « Il a été décidé voilà 7 ans de créer une équipe IA pour traiter de certains cas au sein de nos logiciels et reconnaître automatiquement, par exemple, certains champs dans des documents. C’était laborieux et il était difficile d’entrainer les modèles avec une qualité qui n’était pas forcement au rendez-vous. L’investissement était lourd pour le faible retour que ce type de technologie apportait. Avec GPT, l’offre est en quelque sorte packagée. Nous nous sommes dit que nous n’allions pas inventer la couche d’IA mais utiliser cette brique et l’implémenter dans notre logiciel. Côté business, nous restons sur du SaaS qui génère de très bons revenus. Nous avons donc déployé l’IA chez nos clients de manière gratuite afin que cela ne créé pas chez eux de nouveaux obstacles. Cela favorise également une adoption rapide. »
François Candelon, Partner Value Creation & Portfolio Monitoring de Seven2, précise : « L’IA peut permettre aux éditeurs de trouver de nouvelles poches de valeur, c’est une réelle opportunité. Mais l’ARR a encore de beaux jours devant lui. D’autant que les coûts relatifs à l’IA vont avoir tendance à baisser. Les licences vont donc persister mais il faut tout de même s’interroger à propos des modèles d’affaires qui seraient trop rigides. »
Les autres leviers de croissance
Parmi les autres leviers de croissance incontestable des éditeurs, l’internationalisation et les opérations de croissance externe sont mis en évidence. Le niveau d’internationalisation reste relativement élevé et stable depuis 7 ans (56 % du chiffre d’affaires en 2023 contre 58 % en 2022). Les éditeurs réalisant plus de 100 millions d’euros continuent leur expansion géographique avec 62 % du chiffre d’affaires à l’international en 2023. Pour celles réalisant moins de 50 millions de chiffre d’affaires, moins de 30 % du chiffre d’affaires réalisé à l’étranger en moyenne.
Enfin, en matière de croissance externe, 54 % des éditeurs envisagent de réaliser une opération dans les prochains mois. Un taux qui dépasse les 50 % pour des acquisitions dirigées vers l’étranger.
Les lauréats 2024 du Top 250
Comme chaque année, Numeum remet des trophées aux entreprises lauréates au sein de plusieurs catégories. Sont ainsi mis en avant la croissance SaaS, l’innovation, la capacité de développement à l’international ainsi qu’un prix du Jury. Pour cette nouvelle mouture, le TOP 250 voit donc récompenser 4 lauréats :
– Trophée 2024 Croissance SaaS, décerné à Positive, éditeur de logiciels spécialisé dans les métiers du marketing digital.
– Trophée 2024 International, décerné à Braincube, éditeur de logiciel de gestion des données industrielles guidé par l’intelligence artificielle. L’entreprise réalise près de 80 % de son chiffre d’affaires à l’étranger.
– Trophée 2024 Innovation, décerné à HarfangLab, entreprise de cybersécurité spécialisée dans la protection du endpoint. L’éditeur consacre 60 % de ses propres équipes à l’innovation. D’autant qu’il constate une réelle « complexification » des systèmes et des problématiques chez ses clients. L’entreprise tente donc d’apporter des solutions intégrant une logique de simplicité.
– Trophée 2024 Prix du Jury, décerné à ChapsVision, éditeur spécialiste de l’engagement client, de la cyber intelligence et de la cybersécurité. L’objectif d’Olivier Dellenbach, CEO de l’éditeur, est de réaliser un chiffre d’affaires d’1 milliard d’euros à l’horizon 2028. Une étape que le dirigeant entend atteindre grâce notamment à des opérations de croissance externe.
Olivier Robillart