comment la presse se réinvente face aux usages ?


Face à une fragmentation croissante des audiences et à l’évolution des usages médiatiques, la presse intensifie sa diversification pour maintenir son influence. Deux acteurs emblématiques, Le Figaro et 20 Minutes, incarnent cette transition. À travers des initiatives sur la télévision, le digital et les nouveaux formats, ils repensent leur relation avec le public, et ont abordé ces enjeux lors de Presse et médias au futur, le mardi 3 décembre 2024 à Paris.

Le Figaro, une stratégie omnicanale assumée

Pour Le Figaro, se lancer dans la télévision est une extension naturelle de sa stratégie. “Le Figaro va fêter ses 200 ans en 2026. Ce n’est pas faire injure au papier que de travailler sur d’autres supports”, explique Bertrand Gié, directeur du pôle News. Depuis une dizaine d’années, le groupe a renforcé sa présence numérique, que ce soit sur le web ou les réseaux sociaux. “Le constat est simple : les usages évoluent, les audiences se fragmentent. Notre ambition est de faire rayonner notre marque sur un maximum de supports”, ajoute-t-il.

Cette ambition passe par une exploitation optimale des formats. L’idée repose en effet sur une omnicanalité maîtrisée, où chaque format est exploité selon ses spécificités. “Depuis 10-12 ans, nous développons des contenus vidéo, d’abord courts et destinés au web, puis des directs et des émissions plus structurées. L’idée était de franchir un cap supplémentaire avec une chaîne télévisée.”

Assez logiquement, on voulait poursuivre le spectre. De plus en plus, la vidéo est consommée sous toutes ses formes. Le pari avec la télé, c’est de compléter l’offre vidéo existante.

Lancée il y a 18 mois sur la TNT Île-de-France et via des plateformes comme MyCanal et TF1+, la chaîne propose une programmation axée sur le décryptage et la culture. “Nous ne sommes pas une chaîne d’actualité chaude, mais une chaîne d’analyse. Nous produisons environ huit heures de programmes frais par jour, dont quatre heures dédiées à des magazines culturels et à des reportages”, détaille Bertrand Gié.

La clé est de s’appuyer sur nos journalistes : on veut que ce soit eux qui fassent la valeur ajoutée.

Pour ce projet, Le Figaro a investi 5 millions d’euros par an, construit 5 studios tout en s’appuyant sur ses 500 journalistes. “La clé, c’est de capitaliser sur notre rédaction : plus de 200 journalistes sont déjà passés à l’écran pour apporter leur expertise”, précise-t-il. Si la chaîne reste déficitaire pour l’instant, les résultats sont prometteurs : “En un an, nous avons multiplié notre audience par quatre, atteignant deux millions de spectateurs par mois. Nous estimons atteindre l’équilibre d’ici trois ans”, précise Bertrand Gié. Le pari, bien que risqué, semble payant : “18 mois après, on est très contents de ce qu’on a fait et de la tournure que cela prend.”

20 Minutes du papier à la télé, une réinvention stratégique

Pour 20 Minutes, la télévision est apparue comme une réponse à l’arrêt de son édition papier en juillet 2024. “Nous étions le dernier quotidien gratuit. Avec la fin du papier, il fallait une alternative. Nous passons donc d’un éditeur presse et digital en 2024, à un éditeur digital et télé en 2025”, déclare Ronan Dubois, directeur général de 20 Minutes. Depuis l’acquisition d’une fréquence TNT Île-de-France, le groupe a opté pour une phase d’apprentissage avant d’intégrer pleinement la télévision dans sa stratégie. “Nous avons testé et développé des formats. Dès janvier, la chaîne sera plus concrètement intégrée à 20 Minutes.”

L’objectif est de refléter les habitudes de l’audience, avec une grille de programmes qui évolue au fil de la journée. “Le matin, nous proposons des informations chaudes, mais l’après-midi se concentre sur des contenus plus serviciels, comme le divertissement ou la culture, précise Ronan Dubois. La télévision est le pendant du site. Nous cherchons à accompagner les Français dans leur quotidien, avec des contenus informatifs et utiles, dans le style qui nous caractérise.”

À nous de nous adapter à chaque spécificité des plateformes. Nos verticales éditoriales seront disponibles sur tous les points d’entrée, car le cœur reste le contenu, et il faut l’adapter à chacun de nos supports.

La chaîne s’appuie sur les verticales éditoriales du groupe : santé, emploi, lifestyle… “Nous créons des contenus spécifiques pour chaque verticale, diffusés sur l’ensemble de nos écosystèmes, des réseaux sociaux à la télévision. Notre logique, c’est que le contenu s’adapte aux spécificités des supports, mais qu’il soit omniprésent. L’idée est donc bien de partir de nos contenus, de nos verticales, pour créer des émissions qui collent à la ligne éditoriale magazine.”

Cette stratégie s’accompagne d’investissements importants : des équipes spécifiques, un plateau et un studio ont été créés pour enrichir la grille. Le modèle économique repose entièrement sur la publicité. Et avec un investissement de 2 millions d’euros par an, l’objectif est d’atteindre l’équilibre en 2025. “Nous ne cherchons pas à concurrencer les grandes chaînes d’information, mais à produire des contenus qualitatifs, accessibles sur tous nos supports”, insiste Ronan Dubois.

Une évolution nécessaire pour capter les audiences

Ces stratégies témoignent d’une transformation inéluctable pour les médias traditionnels. Bertrand Gié résume ainsi la démarche du Figaro : “L’écran permet un temps long. Il offre une chance d’analyser, de décrypter et de donner du sens, des choses essentielles dans notre positionnement.” Ronan Dubois complète : “L’objectif prioritaire reste un contenu de qualité, consulté quels que soient le support et le mode de consommation.”

Dans un paysage médiatique en pleine mutation, Le Figaro et 20 Minutes montrent qu’il est possible de conjuguer héritage et innovation. Télévision, digital, réseaux sociaux : ces initiatives reflètent une volonté commune de répondre aux attentes des audiences modernes, tout en assurant leur pérennité. Et l’arrivée en 2025 de OFTV, la chaîne TNT nationale de Ouest-France, s’inscrit pleinement dans cette évolution.



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