«C’est vrai ou c’est du marketing ?», Patrice Chevallier (Chevallier Conseil)


« C’est vrai ou c’est du marketing ? » Surprenante, cette question posée par un journaliste à un industriel sur une station de radio. D’un côté, une évidence : le marketing cherche, à travers tout son mix, à convaincre les publics qu’il vise ; il s’agit donc de persuasion et non pas d’information. Mais, d’un autre côté, les arguments qu’il puise dans la matière informative que détient la marque et qu’il choisit d’utiliser sont forcément vrais. Forcément, car l’annonceur, qui investit des millions d’euros et utilise des arguments objectivement faux, est sûr de perdre sa mise.

Le premier message de la pub, puisque c’est d’elle qu’il s’agit au premier chef, c’est que c’est de la pub et, dès lors, même si le consommateur en a souvent assez de subir la pression publicitaire, il sait très bien, depuis que la réclame a fait son temps, que la « partie » informative du message est vraie. La réclame, se préoccupant seulement de notoriété, proposait des énoncés mnémotechniques comme « Du Bo Du Bon Dubonnet », « C’est Shell que j’aime », etc. On ne se souciait que de présence à l’esprit de la marque.

Peu à peu, alors que la concurrence s’intensifiait, on s’est intéressé au fond du message et le marketing a fait son apparition, brandissant l’USP (unic sailing proposition) comme une épée à même de transpercer les concurrents. Bientôt, un coup d’épée dans l’eau, avec la prolifération des « meetoo product », qui a conduit à des campagnes de plus en plus dithyrambiques, dans l’espoir d’échapper à la banalité de promesses objectivement semblables à celles des concurrents.

Exalter les vérités du produit

Le registre de la pub, bras armé du marketing, est, comme chacun le sait, celui de la persuasion, en cela semblable à celui de l’avocat, même si dans son cas il s’agit de défendre, alors que, pour la pub, il s’agit de promouvoir. Chacun d’eux recherchera le décalage et, partant, usera et abusera de la métaphore figure de style de la rhétorique, « discours » (cf. Aristote) de la persuasion.

David Ogilvy comparait la confection de la cuisine à celle de la pub, puisque, aussi bien, le publicitaire cherche, parmi les vérités du produit, celle qui répondra le mieux aux attentes des publics visés, d’une part, et, d’autre part, sera la plus compétitive, à charge, ensuite, pour le créatif de l’exalter en la métaphorisant ; mais, celui-ci ne « sortira », en aucun cas, de la vérité. Sinon, ce n’est pas un créatif.

« La pause », cette expression utilisée par le speaker de la TV pour annoncer la séquence publicitaire en dit long sur la haute estime dans laquelle on tient la publicité, qui ne peut se permettre aucune fake news, tandis que sa consœur, l’information, peut, théoriquement (c’est rare, bien sûr et très fréquent sur les réseaux) se le permettre, parce qu’elle est, d’emblée, formellement, plus crédible que la publicité.

Le contenu des innombrables dossiers de presse qui envahissent les rédactions relève de l’information, certes, mais d’une information légitimement orientée, qui in fine, ne se présente pas ainsi pour le lecteur. Je sais bien qu’un journaliste professionnel utilise le dossier de presse comme un outil de travail et ne prend pas ce qu’il contient pour argent comptant. Je ne résiste pas, en conclusion, à forcer le trait en proposant l’énoncé suivant : « C’est vrai, ou c’est de l’information ? »



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