Autonomisation économique des femmes : Un défi national aux enjeux multiples


Le domaine de l’autonomisation économique des femmes est considéré comme l’une des portes d’entrée fondamentales vers l’établissement de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce champ s’inscrit dans la déclinaison des dispositions constitutionnelles qui ont placé l’autonomisation économique, sociale et politique des femmes comme déterminent fondamental de la consolidation de l’État de droit.

L’autonomisation économique des femmes marocaines reste un enjeu majeur du développement socio-économique du Royaume. Pourtant, les chiffres montrent une réalité préoccupante. Selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP), le taux d’activité des femmes est en chute libre, passant de 28% en 2000 à seulement 19% en 2023. Cette tendance met en évidence les obstacles persistants à l’accès des femmes au marché du travail, notamment en raison des normes socioculturelles, des responsabilités familiales disproportionnées et d’un manque de mesures facilitant l’insertion professionnelle.

Par ailleurs, la structure familiale évolue progressivement. En 2024, près d’un ménage sur cinq (19,2%) est dirigé par une femme, contre 16,2% en 2014. Cette hausse est plus marquée en milieu urbain (21,6%) qu’en milieu rural (14,5%), témoignant d’une lente progression vers une plus grande indépendance économique des femmes.

Un plan gouvernemental ambitieux

Face à ces défis, le gouvernement a mis en place le Plan gouvernemental pour l’égalité 2023-2026, un programme qui ambitionne d’augmenter le taux d’activité des femmes à plus de 30% d’ici 2026. Ce plan repose sur plusieurs axes :

• L’amélioration de l’accès des femmes aux opportunités d’emploi.

• Le renforcement de l’entrepreneuriat féminin.

• La mise en place de dispositifs favorisant la conciliation entre vie professionnelle et vie privée.

Si ces mesures sont bien accueillies, leur efficacité dépendra de la capacité des autorités à garantir leur application sur le terrain et à mobiliser l’ensemble des acteurs économiques pour soutenir cette dynamique.

Le rôle clé de la société civile et du secteur privé

Au-delà des actions gouvernementales, la société civile et le secteur privé jouent un rôle essentiel dans l’inclusion économique des femmes. Des initiatives innovantes voient le jour pour favoriser l’autonomisation financière des femmes en situation précaire.

Parmi elles, l’Association Amal pour les arts culinaires en faveur des femmes nécessiteuses, fondée en 2012 à Marrakech, offre des formations en cuisine et en gestion hôtelière aux femmes issues de milieux défavorisés. Ce programme leur permet d’acquérir une qualification et de décrocher un emploi dans le secteur de la restauration, leur garantissant ainsi une indépendance financière.

D’autres projets s’inscrivent dans cette dynamique, notamment dans le secteur de l’artisanat et de l’agriculture, où des formations et des coopératives sont mises en place pour aider les femmes à mieux valoriser leurs compétences et à accéder aux marchés nationaux et internationaux.

Vers une participation plus active des femmes dans l’économie

Pour que l’autonomisation économique des femmes marocaines devienne une réalité tangible, il est impératif de renforcer les politiques publiques en faveur de l’égalité des sexes, de soutenir les initiatives du secteur privé et de sensibiliser la société à l’importance de l’inclusion économique des femmes. Avec une mobilisation accrue des acteurs publics et privés, et une évolution progressive des mentalités, le Maroc pourrait amorcer un changement structurel permettant aux femmes de jouer un rôle plus actif dans le développement économique du pays. nPrès de 1 ménage sur 5 dirigé par une femme au Maroc en 2024

L’évolution démographique joue un rôle clé dans cette dynamique. Le nombre moyen de personnes par ménage a connu une réduction constante, passant de 4,6 personnes en 2014 à 3,9 en 2024. Cette diminution touche à la fois les zones urbaines (3,7 personnes) et rurales (4,4 personnes). Cette tendance structurelle facilite l’émergence de ménages dirigés par des femmes, souvent composés d’un nombre réduit de membres. Malgré cette évolution positive, les ménages dirigés par des femmes continuent de faire face à des défis économiques considérables. Bien que le taux d’activité des femmes ait progressé, il reste encore faible, à 16,8% en 2024, contre 47,6% pour l’ensemble de la population active. Cela a un impact direct sur les revenus des ménages dirigés par des femmes, qui sont souvent inférieurs à la moyenne nationale.

Programme national intégré d’autonomisation économique des femmes et des filles, à l’horizon 2030 : «Maroc – Attamkine»

Le premier axe du plan «ICRAM2» souligne l’importance du renforcement de l’employabilité des femmes et leur autonomisation économique, à travers la mise en place d’un cadre pour l’autonomisation économique des femmes. Ce cadre revêt des dimensions multiples :

• Il couvre la promotion de l’égalité d’accès au travail décent et la garantie de possibilités d’avancement professionnel en faveur des femmes.

• Il favorise le succès de l’entrepreneuriat féminin.

• Il améliore les conditions économiques des femmes rurales en leur permettant l’accès aux moyens de production et au foncier.

Entrepreneuriat féminin : Vers un écosystème innovant et plus inclusif

L’Association des femmes-chefs d’entreprises du Maroc (AFEM) s’assigne pour mission «de fournir les outils, le soutien et les réseaux nécessaires pour que chaque femme entrepreneure puisse réaliser pleinement son potentiel». L’association, qui explique agir comme «un catalyseur pour l’empowerment économique des femmes, en mettant l’accent sur l’innovation, la durabilité et le leadership équitable», s’engage à promouvoir et à développer l’entrepreneuriat féminin, et ce depuis sa création.

Croissance économique, leadership féminin, développement régional inclusif, valorisation des talents locaux, innovation entrepreneuriale : autant d’axes stratégiques cruciaux qui sont au cœur de la gouvernance de l’AFEM. Depuis sa création, l’organisation dit œuvrer «sans relâche pour créer un écosystème propice à l’épanouissement et à la réussite des femmes entrepreneures à travers le pays».

Des efforts qui ont porté leurs fruits. «L’AFEM a soutenu la création et l’expansion de plus de 3.000 entreprises dirigées par des femmes à travers le Maroc depuis 2000. Ces entreprises ont généré des milliers d’emplois, dynamisant l’économie locale et renforçant les communautés». L’Association a aussi organisé «plus de 400 ateliers de formation et séances de mentorat, touchant plus de 10.000 femmes, leur fournissant les compétences nécessaires pour réussir dans un marché compétitif».

Des programmes ont été mis en place, notamment pour soutenir l’innovation féminine. «She Impulse» se présente comme un catalyseur de cette dernière et se veut «le moteur de l’innovation au sein de l’AFEM, conçu pour inspirer, former et habiliter les femmes entrepreneures du Maroc à devenir des leaders dans leurs domaines respectifs et à modeler activement l’avenir économique du pays». «She Impulse» se décompose lui-même en plusieurs sous-programmes dédiés au suivi, à la formation continue ou encore au numérique.

«She Start», à titre d’exemple, est un «programme dédié à l’accompagnement des femmes dans le lancement de leurs projets entrepreneuriaux». Le suivi, «intensif», peut perdurer jusqu’à deux ans, dont 6 mois d’incubation. Le mentoring, couplé à l’intelligence artificielle, est par conséquent personnalisé et accessible 24/7. «She Start» fournit aussi «un accès à une banque de plus de 100 projets à zéro budget ou low budget prêts à l’emploi» en plus d’un accès à des ressources dites clés (outils de gestion, conseils en propriété intellectuelle, accès à des réseaux d’investisseurs).

«She Impulse» propose aussi un accès à une plateforme d’apprentissage en ligne dédiée aux femmes entrepreneures. «She Learn» dispose de parcours d’apprentissage à la demande, «avec la possibilité d’opter pour un accompagnement payant en mode Copilot». L’option est renforcée «par des agents IA (intelligence artificielle) accessibles 24 h/7 j qui aident les apprenantes à personnaliser les connaissances acquises et à les implémenter dans leurs entreprises de manière concrète et adaptée à leurs besoins».

Élargir les horizons des femmes entrepreneures

L’AFEM a aussi pensé à celles qui mûrissent l’idée de se lancer dans l’aventure industrielle. «She Industriel» offre lui aussi l’accès à «une banque de plus de 180 projets de substitution à l’import». Ce programme, soutenu par le ministère de l’Industrie et du Commerce, ouvre ainsi la voie à des «opportunités industrielles stratégiques». Il comprend par ailleurs des formations spécialisées couvrant «la gestion industrielle, l’innovation technologique et la production durable», de même qu’il propose un «accès privilégié à des financements et subventions grâce à des partenariats stratégiques avec des institutions financières locales et internationales».

En phase avec son époque et pour ne pas risquer de rater le virage digital, l’entrepreneure peut bénéficier du programme «She Digital» qui a pour vocation d’ériger un véritable écosystème numérique «où les femmes entrepreneures marocaines ne se contentent pas de participer, mais dirigent et redéfinissent l’économie mondiale». La plateforme «She Digital» dispose de contenus approfondis en e-commerce, marketing digital et data science. Elle met aussi en place un «concours d’innovation annuel qui récompense les initiatives entrepreneuriales qui redéfinissent le marché par leur créativité et leur impact».

Enfin, pour celles qui ont la main verte, l’AFEM définit ainsi la vision du programme «She Green» : «Transformer l’entrepreneuriat féminin au Maroc en un modèle de durabilité et d’éco-responsabilité». L’Association aspire «à éveiller une prise de conscience écologique chez les femmes entrepreneures et à les équiper pour qu’elles puissent incorporer et adopter des pratiques commerciales durables qui bénéficient à la fois à leurs entreprises et à l’environnement». «She Green» est déployé à travers un ensemble d’initiatives : le développement de programmes de formation qui mettent l’accent sur l’éco-responsabilité et les méthodes de production durable, le lancement de la «Caravane Green» (une initiative itinérante pour sensibiliser les communautés locales au développement durable), et l’offre de subventions pour des audits énergétiques. nAu-delà des frontières

Au moment où vous lisez ces lignes, une initiative baptisée «Export Morocco Now Women» bat son plein. Elle est décrite comme la plateforme clé pour concrétiser l’ambition des entrepreneures de franchir les frontières de l’export. Portée par l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE), en partenariat avec le ministère de l’Industrie et du commerce et l’AFEM, la deuxième phase 2025-2026 de ce programme a débuté en février dernier. «Les participantes suivront des séminaires spécialisés couvrant les bases du commerce extérieur et les accords de libre-échange dont bénéficie le Maroc, notamment la Zone de libre-échange continentale africaine». À partir de juin, le programme mettra l’accent sur «l’adaptation des produits aux normes internationales et la transformation digitale pour accéder aux marchés en ligne».





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