“To be or not to be coaché ?” La question ne devrait pas se poser pour tout dirigeant ou CMO si l’on en croit ceux qui ont accepté un accompagnement personnalisé. Devenir “la meilleure version d’eux-mêmes” aurait changé leur vie professionnelle et même personnelle. Loin des poncifs liés à cet exercice galvaudé et moqué dans les années 1980-1990, le coaching en entreprise semble être devenu un allié de poids pour affronter les pressions en tout genre exercées sur les managers. Certains sont à la limite du burn-out, d’autres recherchent de la performance, doivent gérer une charge mentale trop forte, des conflits, ou encore améliorer leur posture managériale…
Les raisons qui motivent les candidats sont multiples. “Tout dirigeant devrait être coaché, car il y a toujours quelque chose à apprendre. C’est aussi un cadeau que l’on fait à ses collaborateurs, un service que l’on rend à l’entreprise, car dans ce collectif, tout le monde devient meilleur”, précise Laurent Evain, actuel directeur stratégie et marketing data de Decathlon France, ex-fondateur de start-up qui a suivi pendant deux ans un programme dédié.
Lillois, il s’est tourné vers un cabinet de consulting, créé par deux passionnés de psychologie et de performance humaine, qui se sont inspirés de méthodes reconnues aux États-Unis consistant à travailler sur la prévention de la santé. “Nous avons constaté beaucoup d’engagement de la part des leaders dans leur métier, mais aussi beaucoup de méconnaissance du fonctionnement du corps humain et du mental”, explique Marie-Camille Myin, cofondatrice de Brikx Consulting.
L’objectif de leur accompagnement est de travailler la performance en préservant les ressources. “Il faut que je puisse accélérer ma charge de travail sans m’épuiser”, résume la coach. Les programmes proposés par les professionnels sont des méthodes éprouvées permettant de faire face à l’inconnu, de développer la performance dans un contexte mouvant et de maximiser la performance individuelle au service du collectif. “Cette stratégie permet d’aborder chaque sujet en étant performant. Il faut apprendre à dégager des objectifs atteignables à l’appui d’une méthode qui englobe la respiration, l’alimentation, la visualisation… Ne pas se laisser emporter par le courant et reprendre les rênes. J’ai désormais des marqueurs pour savoir si je suis performant”, analyse Laurent Evain.
Un coaching durable
Car il ne s’agit pas de résoudre une difficulté ponctuelle dans ses fonctions, mais de trouver un mode d’emploi qui dure, une méthode qui fonctionne. Les missions peuvent s’étendre de quelques mois à plusieurs années. Même si parfois les demandes prennent la forme “d’un coup de fil à un ami“ en attendant la prochaine séance de coaching dans des moments de difficulté. Arnaud Vanpoperinghe, P-DG de Tikamoon, est coaché depuis 2016. “La vie de dirigeant apporte inévitablement son lot de tempêtes professionnelles ou personnelles, physiques ou mentales. Outre la technique, c’est le mindset qui prime. Comme les sportifs de haut niveau, il faut s’entraîner mentalement et physiquement“.
Les CMO, en quête d’agilité
Au coeur du mouvement, en lien direct avec la digitalisation de leur métier, les CMO sont un public de choix. Le marketing évolue en permanence (attentes des consommateurs, nouveaux territoires…) et la fonction implique d’installer la confiance et de développer une grande capacité d’adaptation. “Il y a encore beaucoup de gens qui voient le coaching comme un aveu de faiblesse. Or, il s’agit de prendre du recul pour prendre son élan. Après un accompagnement, on se sent grandi”, argumente Sandra Niot, dirigeante d’IDH Performance.
Les directeurs marketing ont des enjeux managériaux, des objectifs grandissants et bien souvent des budgets qui diminuent. Il faut donc développer des capacités pour maîtriser ce contexte instable. “On ne peut pas changer l’environnement, mais on peut se changer soi. C’est cela que l’on va challenger. Comment travailler sa flexibilité comportementale pour mieux s’adapter dans un environnement changeant”, explique Marie-Camille Myin.
Les directeurs marketing pilotent dans l’anticipation et ont toujours un coup d’avance. “Forts en gestion de crise, ils sont l’aiguille qui est constamment en train de piquer l’organisation, mais dans un sens positif, empêchant le Codir de s’endormir, le poussant à se questionner avant même que la question se pose officiellement” , analyse Sandra Niot.
Le recours à un coach par un CMO revêt donc une dimension véritablement productive, au service du business : “Lorsque nous parlons de coaching, nous avons souvent ce sentiment que c’est seulement pour prendre soin de soi et de son équilibre. Je pense qu’au contraire, cet accompagnement est vraiment au service du business. Le coach est une sorte de business partner”, confirme Charlotte Coloos-Gillardeau, directrice marketing de KPMG France, qui a déjà fait appel à la plateforme de coaching Simundia. Selon elle, cette démarche lui permet de préparer au mieux sa feuille de route et l’aide à poser un cadre indispensable à son activité.
Jouer collectif
Au-delà de ce que certains qualifient comme “une rencontre avec soi-même”, se faire coacher a aussi des répercussions sur l’organisation de l’entreprise dans son ensemble. “C’est vraiment un travail sur soi au service du collectif”, synthétise Charlotte Coloos-Gillardeau. “Le métier évolue de plus en plus vers le coaching organisationnel, l’évolution du leader au sein de son équipe” , précise, quant à lui, Robert Weisz, enseignant et fondateur de ComProfiles Institut, cabinet spécialisé dans le coaching stratégique d’organisation.
Qui dit performance individuelle dit performance collective. Même si un accompagnement personnel permet de briser la solitude du dirigeant, le coaching doit s’insérer dans l’organisation globale pour être efficient. “On le sait, quand un dirigeant ne sait pas gérer ses émotions, ne sait pas accueillir un conflit, c’est toute l’organisation qui en pâtit” , précise Sandra Niot.
Mieux recruter et intégrer de nouveaux entrants, favoriser l’expression du potentiel de chaque collaborateur, lui permettre d’être plus autonome et responsable, telles sont les missions attendues d’un chef d’équipe. Pour les remplir, la confiance et le leadership sont clés. “Dans ce contexte, je pense que le développement relationnel est plus important que le développement personnel. Car, la relation est première. C’est la qualité des relations qui génère la confiance. Quel est l’indicateur de mesure du leadership ? C’est l’impact positif ou moins positif sur l’efficacité des membres de l’équipe” , avance Robert Weisz.
Coacher un dirigeant sert à améliorer son rôle de leader pour avoir un impact sur sa prise de décision stratégique et le partage de sa vision. À l’intérieur d’un Comex se jouent des enjeux qui sont de l’ordre de la communication interpersonnelle. “Les membres sont souvent financiers, calculateurs, politiques, parce qu’ils savent qu’ils prennent des risques. Et puis, finalement, ce qui se joue pour eux n’est pas là, mais c’est dans leur division, au sein de leur équipe au regard des résultats collectifs” , nuance Robert Weisz en professionnel d’expérience.
S’adapter aux nouvelles générations
À l’instar de l’adaptation nécessaire face à l’évolution constante du secteur du marketing à travers l’apparition de nouveaux usages et de nouvelles technologies, l’accompagnement par un coach offre la possibilité aux CMO de se confronter aux nouvelles règles de management. “Aujourd’hui, le management est très changeant avec, notamment, une hiérarchie qui est de plus en plus horizontale. Les attentes de la génération Z nous poussent à évoluer et cela demande un certain travail sur notre leadership et notre savoir-être. L’accompagnement avec un coach est particulièrement pertinent à cet effet” , prétend Charlotte Coloos-Gillardeau.
Un constat partagé par Estelle Cadoret, CMO chez Simundia : “L’aspect managérial est l’un des principaux enjeux de coaching au sein de notre plateforme. Et cela s’applique d’autant plus pour les CMO, car ils doivent être capables de gérer une équipe multidisciplinaire“.
Coaching situationnel : une réponse rapide aux enjeux concrets
D’après elle, le recours à un coach est aussi très efficace pour répondre à un problème ponctuel. “L’une des spécificités du service que nous proposons est un coaching situationnel. À travers un format assez court (trois à six séances d’une heure maximum), l’objectif de ce type d’accompagnement est de répondre à une situation de travail très concrète. Il peut s’agir d’une prise de poste managériale, d’un conflit ou encore d’une prise de parole à prévoir. Et l’idée est d’arriver très rapidement à un plan d’action concret permettant au collaborateur de résoudre son problème” , précise-t-elle.
Un tremplin pour une prise de parole réussie
Autre axe sur lequel les CMO peuvent s’améliorer à travers un accompagnement par un coach : la prise de parole en public. “Ce sont des postes à responsabilités qui imposent de garder une certaine posture de leader, dont la communication est fondamentale” , expose Camille Wallecan, coach et formatrice spécialisée dans la prise de parole en public. Pour leur permettre de se perfectionner sur ce point précis, plusieurs exercices leur sont proposés : “Nous pouvons, par exemple, améliorer la technique oratoire grâce à un travail sur la voix, la respiration et l’usage du corps. C’est très important pour gagner en leadership et en légitimité” , ajoute la coach. D’après elle, un CMO doit également être doté d’une certaine capacité d’improvisation afin de ne pas être déstabilisé quand un imprévu se produit. “Et cela aussi, ça se travaille !” , certifie-t-elle. Il en va de même pour la gestion du stress ou plus généralement des émotions, qui peuvent nuire à la qualité oratoire. À cet effet, la spécialiste de la prise de parole en public préconise entre trois et huit séances de coaching : “Une seule ne suffit pas pour avoir des résultats satisfaisants à long terme, mais il est, en même temps, essentiel d’autonomiser au maximum les personnes qui font appel à un coach. Il ne faut donc pas excéder 8-9 séances” .
Apprendre le lâcher-prise
Et cela porte ses fruits, à l’image de l’expérience d’Estelle Cadoret, qui s’est elle-même prêtée au jeu du coaching. “Au départ, je n’appréciais pas le fait de prendre la parole en public. J’ai donc travaillé cet exercice avec un coach et je me suis rendu compte que j’avais tendance à trop préparer mes prises de parole, ce qui était source de stress. J’ai donc appris à improviser en préparant seulement les grandes lignes de ce que je voulais dire, ce qui me permet d’être nettement plus à l’aise” , témoigne-t-elle. Une fois maîtrisée, ce qui compte dans la prise de parole, c’est aussi la manière dont le message est accueilli et son impact, en interne, auprès des équipes. Le partage d’une vision implique une communication claire. “Un bon dirigeant doit aussi faire preuve d’humilité et d’une capacité d’écoute visant à faire grandir chaque collaborateur dans un esprit créatif plutôt que dans une sagesse personnelle” , conclut Robert Weisz. À bon entendeur…
The Galion Project, le coaching entre pairs
Une autre forme d’accompagnement consiste à s’inspirer d’autres professionnels, en réseau. À l’instar d’un club d’échange, The Galion Project permet aux entrepreneurs de la tech de s’enrichir des meilleures pratiques liées à leur communauté. Seule exigence, et non des moindres : avoir levé au moins 1 million d’euros avec un fonds de capital-risque. “Notre approche ressemble davantage à du mentoring qu’à du coaching. On ne rentre pas dans l’aspect psychologique du coaching, mais plutôt dans le concret des problématiques. Les 400 membres échangent entre eux dans un esprit Silicon Valley”, précise Jean-Baptiste Rudelle, créateur de The Galion Project en 2015. Adhérer, c’est bénéficier d’une aide opérationnelle pour débloquer les situations, trouver le bon prestataire, recommander la bonne plateforme logicielle, être capable de développer son entreprise aux États-Unis, à l’international. “Attention, les gens ne sont pas là pour faire du business et trouver des clients, mais s’entraider de manière bienveillante. Cet état d’esprit est très particulier à la tech. Moi, j’ai connu cela en Californie et c’est un secteur où les succès des uns aident les autres. Donc, c’est pour ça qu’il y a une très forte solidarité”, témoigne l’ex-CEO de Criteo. Des entrepreneurs de talent comme Frédéric Mazzella, fondateur de BlaBlaCar et plus récemment de Dift, continuent de partager au sein de ce collectif. “Je suis très bien entouré par mes proches, qui m’aident à garder la tête froide et les pieds sur terre, mais je continue à m’enrichir au sein du Galion. Cela permet de partager des problématiques et de les résoudre ensemble”. De quoi stimuler son ambition et contrer la solitude de l’entrepreneur.