Les agents intelligents nous font rentrer dans l’ère de la GenAI-as-a-Service – FredCavazza.net


Le marché des applications en ligne a connu une progression spectaculaire depuis le début des années 2000. Le secteur semble cependant à l’arrêt, tant l’IA générative mobilise toutes les ressources et toutes les attentions. Après une première vague de nouveaux services reposant sur les chatbots et le prompting, les éditeurs repensent leur offre autour d’agents intelligents pré-conçus pour faciliter l’adoption et augmenter la valeur d’usage. Mais au-delà des discours pompeux sur l’agentisation de l’IA, nous assistons à un phénomène beaucoup plus profond : une nouvelle ère de l’informatique.

#GenAI


En synthèse :

  • Après deux années de croissance et d’innovation à un rythme effréné, le marché de l’IA générative semble avec atteint un plafond de verre, car l’adoption de solutions reposant sur les modèles génératifs est freinée par la dette numérique des entreprises ;
  • Il y a non seulement un gros retard avec la maturité numérique des collaborateurs, mais également des réticences psychologiques et de nombreux a priori sur l’IA liées à un déficit pédagogique ;
  • Les agents intelligents se positionnent en tant qu’alternatives aux chatbots, en proposant des modalités d’interaction qui ne nécessitent pas l’apprentissage du prompt ;
  • Les agents pré-conçus sont le nouvel apanage des éditeurs de solutions en ligne qui y voient un très bon moyen de faciliter l’adoption d’outils reposant sur les modèles génératifs auprès du plus grand nombre ;
  • Le déploiement d’agents requiert néanmoins des conditions qui ne sont pas forcément remplies (modélisation des processus, disponibilité des données…), d’où l’intérêt d’agents intégrés aux environnements de travail, comme le proposent Adobe ou Microsoft.

Depuis la sortie de ChatGPT, et la prise de conscience du grand public du potentiel des modèles génératifs, tous les éditeurs mobilisent leurs ressources pour surfer sur la vague de l’IA, avec plus ou moins de succès ou de sérieux. Certains se contentent d’exploiter les APIs d’OpenAI ou d’Anthropic, d’autres ont une ambition plus forte avec une vraie vision, et une feuille de route très chargée : Comment les Big Techs vont s’accaparer le marché de l’IA.

Il y a cependant un fossé gigantesque entre d’un côté les startups et labos de recherche qui font la compétition pour sortir le meilleur modèle (ex : OpenAI’s o1-pro is the company’s most expensive AI model yet) ; et de l’autre, des entreprises plombées par leur dette numérique avec des salariés qui ont encore du mal à stocker ou retrouver leurs fichiers dans le cloud : Nous n’avons pas besoin de meilleures IA, mais d’une meilleure compréhension de l’IA.

Dans ce contexte, impossible de déployer l’IA générative dans de bonnes conditions, car l’apprentissage du prompt est un cap bien trop intimidant pour la majorité des utilisateurs potentiels : La maitrise des prompts est une étape indispensable à l’adoption de l’IA générative. Assurément un facteur limitant pour de nombreux professionnels qui sont dans une recherche permanente de gains de performance (vous noterez que cette quête éternelle a débuté il y a de nombreuses années avec les modèles statistiques : Panorama des solutions d’intelligence artificielle pour le marketing).

Tenez-le pour acquis : l’IA fait peur, d’où la réticence des utilisateurs potentiels à tester ou à apprendre à s’en servir. Pour vous en convaincre, il vous suffit de constater cette statistiques alarmante issue de la dernière édition du Baromètre des équipements et usages numériques de l’ARCEP : 2/3 des Français pensent que l’IA est une menace pour l’emploi et la moitié une menace pour la création artistique, alors qu’ils n’étaient que 13% à penser ça de l’internet en 2008.

Vous conviendrez que ce ne sont pas des conditions idéales pour déployer rapidement de nouveaux outils reposant sur l’IA générative. Heureusement, les choses sont en train de changer avec l’avènement des agents intelligents.

Les agents intelligents comme alternative aux prompts

J’ai déjà eu l’occasion de vous expliquer pourquoi le grand public et les collaborateurs lambda trainent des pieds pour s’intéresser à l’IA : L’intelligence artificielle fait peur, surtout à ceux qui ne font pas l’effort de la comprendre.

N’ayons pas peur des potentielles utilisations détournées de l’IA, mais prenons plutôt conscience des limites de nos usages actuels des outils informatiques et numériques, ainsi que des gains qui pourraient être potentiellement réalisés en acceptant de changer nos habitudes. De les changer de façon volontaire et non contrainte, de décider de nos futurs modes de vie et travail plutôt que de nous les faire imposer par manque de curiosité (découvrir de nouveaux usages) ou manque d’ambition (se contenter de ce que l’on a et s’en plaindre).

Les grands éditeurs comme Microsoft et Google ambitionnaient de former tous les salariés au prompt pour accélérer l’adoption de Copilot et Gemini, mais les tutos vidéo et guides du prompting publiés ne semblent pas suffire. Voilà pourquoi ils changent maintenant d’approche et privilégient la simplicité à la liberté avec la mise à disposition d’agents pré-conçus : Microsoft introduces 10 AI agents for sales, finance, supply chain in Dynamics 365. Le but recherché de cette « agentisation de l’offre » est de faciliter la prise en main de l’IA générative par les salariés, et à terme par les particuliers : The Next 10 Years Will Be About the AI Agent Economy.

Suivant cette tendance, Adobe vient de dévoiler sa gamme d’agents lors de son Summit 2025, sobrement appelés « Agents » : Adobe Launches Adobe Experience Platform Agent Orchestrator for Businesses to Activate AI Agents in Customer Experiences and Marketing Workflows. Les utilisateurs de l’Experience Cloud ont maintenant accès à un certain nombre d’agents intelligents pré-configurés pour les aider à optimiser les actifs numériques ou campagnes.

Une dizaine d’agents intelligents sont proposés pour le moment. Pour faire simple, il s’agit d’outils prêts à l’emploi pour des marketeurs qui ne pratiquent pas le prompting. Ces agents couvrent ainsi les principales tâches liées au pilotage d’activités e-marketing :

  • Account qualification agent, qui détecte et évalue le potentiel de nouveaux segments ;
  • Audience agent, qui analyse toutes les données d’engagement pour optimiser les segments existants ;
  • Content production agent, qui génère des contenus en fonction d’un brief tout en tenant compte de la charte éditoriale de la marque ;
  • Data insights agent, qui analyse les données disponibles et génère des visualisations et prédictions ;
  • Data engineering agent, qui intègre, nettoie et sécurise les données entrantes ;
  • Experimentation agent, qui teste des variations sur les actifs et campagnes, et en analyse l’impact pour isoler les meilleures combinaisons ;
  • Journey agent, qui analyse les parcours d’achat et propose des optimisations ;
  • Product advisor agent, qui génère des recommandations de produit aux clients en fonction de leur historique d’achat et profil ;
  • Site optimization agent, qui analyse en permanence un site web pour détecter les problèmes, proposer des solutions et les implémenter ;
  • Workflow optimization agent, qui analyse, évalue la pertinence et propose des améliorations dans les flux de travail.

Comme vous pouvez le constater, la mise en oeuvre de l’ensemble de ces agents apporte un sacré coup de main à des marketeurs qui manquent de temps, car ils ont de plus en plus de supports et opérations à gérer (Adobe makes agentic AI push with Agent Orchestrator, purpose-built agents).

La comparaison qui me vient à l’esprit pour expliquer la philosophie derrière ces agents est l’approche adoptée par Apple qui n’impose pas le prompt à ses utilisateurs dans son offre Apple Intelligence (L’IA est un concept, pas un produit). Vous noterez qu’il existe déjà des solutions pour créer et gérer des agents, mais ces plateformes « agentiques » sont aussi puissantes que complexes, donc trop intimidantes pour les collaborateurs lambda qui ne sont pas familiarisés avec les solutions de type no/low-code. De plus, elles ne sont pas intégrées, donc nécessitent une intégration à la main des sources de données, là où les agents intégrés proposés par Adobe, Microsoft ou Google exploitent les l’ensemble des données existantes dans leur écosystème : Adobe Brings AI Agents to Adobe Experience Cloud for Businesses to Deliver on the Promise of a Unified Customer Experience et Adobe lance une suite d’agents IA compatibles avec les autres écosystèmes.

Vous pourriez me dire que rien ne remplace l’expérience et l’intuition d’un professionnel, mais je vous répondrai qu’il n’est pas ici question de compétences, mais de temps, ou plutôt de manque de temps : les marques et distributeurs sont ainsi forcés de gérer toujours plus de canaux et supports numériques (donc toujours plus d’actifs et de campagnes), alors que le nombre de clients est constant. Donc soit ils font des choix et priorisent certains supports (La rationalisation de votre écosystème numérique passe par des scénarios de conversion), soit ils s’appuient sur des outils pour leur simplifier une partie du travail. Ces nouveaux agents intelligents sont en quelque sorte la continuité de ce qui existait avec Sensei, une solution intégrée à l’écosystème Adobe exploitant des modèles statistiques et non probabilistes.

L’objectif de ces agents est double : faciliter l’adoption d’outils reposant sur l’IA générative pour gagner en productivité, ainsi qu’améliorer l’autonomie des collaborateurs pour qu’ils puissent gérer toujours plus d’actifs numériques et campagnes. Dans l’exemple ci-dessous, l’utilisateur formule une demande très simple et l’assistant lui propose différentes solutions qui peuvent être très rapidement et simplement mises en oeuvre.

À une époque pas si lointaine, les éditeurs pensaient que le simple fait de proposer un chatbot pouvant répondre aux questions des utilisateurs était suffisant. Si les chatbots sont effectivement capables de formuler des réponses pertinentes, encore faut-il poser la bonne question, ou avoir le temps de poser des questions. Voilà pourquoi ces agents intelligents sont précieux, car ils permettent de grandement simplifier l’exploitation des IA génératives, et surtout d’accélérer leur mise en oeuvre.

Après une première période centrée sur les chatbots, nous sommes assurément rentrés dans une seconde phase d’exploitation des modèles génératifs à travers les agents intelligents (Les agents intelligents sont-ils les nouveaux navigateurs web ?). La question est de savoir pourquoi ça n’a pas été fait avant…

Des agents plus intelligents grâce à des modèles de dernière génération

Les agents intelligents sont donc des alternatives aux chatbots, ou plutôt ils augmentent le potentiel des agents autonomes en s’appuyant sur les modèles génératifs qui fournissent les réponses aux chatbots, mais pas que…

Si tout le monde a une (très) vague idée de ce que sont réellement les agents intelligents, c’est que ce terme générique couvre plusieurs réalités informatiques et correspond à différentes promesses formulées par de nombreux éditeurs avec des offres plus ou moins sophistiquées. Pour faire simple : au même titre que « intelligence artificielle » ou « informatique quantique », le terme « agent intelligent » ne veut plus rien dire tellement il est utilisé en toute circonstance : No one knows what the hell an AI agent is. Formulé autrement : on nous vend les agents intelligents comme on nous vendait les enzymes gloutons au XXe siècle. Ceci explique pourquoi leur gestation et leur mise sur le marché a été laborieuse. Mais si vous cherchez une définition, c’est ici : Les agents intelligents en 5 questions.

Le déploiement et l’adoption des agents intelligents est pourtant une étape essentielle, car les chatbots exploitant les modèles génératifs ne sont pas des solutions, mais des ressources informatiques : Si on ne pose pas de question, ou si on pose la mauvaise question, il ne se passe rien ou on obtient la mauvaise réponse. Si l’on veut être certain que ces ressources soient utilisées par le plus grand nombre, sans trop bousculer les habitudes, il faut les intégrer à l’environnement de travail des collaborateurs et les rendre pro-actifs.

Ainsi, dans les démonstrations auxquelles j’ai pu assister (replay disponible ici : Adobe Experience Platform Agent Orchestrator), une notification est envoyée par l’agent Site Optimizer à l’utilisateur pour lui signaler des liens cassés sur son site web. L’agent lui affiche ensuite la liste des liens cassés et les actions correctives à mener :

Une fois validées, les actions correctives sont exécutées et les gains sont évalués :

Ces agents sont-ils magiques ? Non pas du tout. Comme expliqué plus haut, ce sont des mini-programmes autonomes qui s’appuient sur des modèles génératifs. Ils peuvent donc potentiellement consommer beaucoup (trop) de ressources et provoquer de graves failles de sécurité. Voilà pourquoi il est essentiel, dans un premier temps, de ne proposer que des agents pré-conçus : pour éviter les catastrophes et limiter la consommation d’énergie aux actions correctives les plus pertinentes, celles qui présentent le meilleur ratio bénéfice / coût.

Dans un second temps, quand les actions correctives les plus simples à détecter et à mettre en oeuvre seront faites, et que les utilisateurs seront plus familiers avec l’IA générative et le principe d’agent intelligent, il sera alors envisageable de leur laisser la main pour qu’ils puissent concevoir leurs propres agents. Mais ça reste une seconde étape théorique, car nous n’en sommes qu’au tout début.

De suggestions pro-active pour optimiser l’utilisation des ressources

Vous pourriez penser que ces agents intelligents ne sont qu’une nouvelle fonctionnalité parmi tant d’autres, mais il s’agit en fait d’un nouveau paradigme dans notre façon d’exploiter les outils informatiques : ce à quoi nous assistons est une nouvelle page de l’informatique qui s’ouvre avec les débuts de la GenAI-as-a-Service.

Ne vous laisser pas berner par ce terme, l’objectif n’est pas de remplacer les applications en ligne de type SaaS (Software-as-a-Service), mais au contraire d’en augmenter la valeur d’usage grâce à des agents intelligents qui proposent de nouvelles modalités d’interaction pour gagner en performances et en productivité. Dans la capture d’écran suivante, vous pouvez ainsi voir sur la colonne de droite toutes les actions correctives qui sont proposées à l’utilisateur (« Recommended actions« ) :

Ce que je qualifie de GenAI-as-a-Service est u nouveau modèle de délivrance de prestations informatiques : l’accès à une application en ligne ainsi qu’à des agents intelligents permettant de mieux l’exploiter. C’est une évolution du principe de Software-as-a-Service pour les collaborateurs qui veulent bénéficier de l’apport des IA génératives, mais qui ne savent pas ou n’osent pas prompter.

Vous noterez qu’Adobe n’a pas le monopole de ce principe de GenAI-as-a-Service, car la plupart des éditeurs de solutions en ligne repensent maintenant leur offre autour des agents :

Est-ce là le Saint Graal de l’informatique moderne ? Non, car leur déploiement nécessite des conditions qui ne sont pas forcément remplies, et surtout car nous avons encore à découvrir et mettre au point de nombreuses autres façons d’exploiter les modèles génératifs.

Des conditions sine qua non et de nouveaux types de modèles pour de nouveaux usages

Les agents intelligents, de par leur simplicité d’usage et leur pro-activité sont un progrès indéniable par rapport aux interactions reposant sur les prompts, mais nécessitent néanmoins une montée en compétences (culture numérique), ne serait-ce que pour avoir un minimum de compréhension et de maitrise sur les actions menées.

Les agents nécessitent également des conditions préalables à leur déploiement, notamment une modélisation des tâches et l’accès aux données. Les deux principales raisons pour lesquelles le déploiement des agents intelligents sera plus long que prévu sont que d’une part, seul un petit nombre de processus sont modélisés, et ce nombre est encore plus faible pour les procédures de traitement des exceptions et cas particuliers ; et d’autre part, que les données ne sont pas accessibles (APIs) ou pas visibles (piégées dans des fichiers bureautiques) : Why cramming AI agents into old apps is so hard.

Certes, la plupart des entreprises ont déjà mené un travail préalable d’encadrement et définition des cas d’usage pour faciliter l’adoption de l’IA générative, mais qui n’aide pas forcément : L’adoption de l’AI générative ne passera ni par les politiques, ni par les cas d’usage.

Vous noterez que ces facteurs limitants sont communs à toutes les innovations. Ainsi, il y a toujours eu des innovations et des progrès technologiques, mais ceux qui concernent l’IA générative sont trop nombreux et rapides, bien au-delà de la capacité d’évolution des entreprises. D’où la nécessité de simplifier et d’aider les entreprises à concentrer l’effort d’adoption sur les usages les plus pertinents.

Les grands éditeurs comme Microsoft ou Adobe prennent ainsi la responsabilité d’orienter les entreprises vers les usages les plus simples avec des agents pré-configurés pour une adoption en douceur et une montée en compétences progressive.

Sachez enfin que la disponibilité de ces agents est rendue possible grâce aux progrès réalisés sur les différents modèles :

  • les modèles de langage (LLM) qui simplifient l’accès aux connaissances ;
  • les modèles de vision (LVM) qui facilitent la reconnaissance visuelle et la création ;
  • les modèles de parole (LSM) qui améliorent les traductions et synthèses vocales ;
  • les modèles de raisonnement (LRM) qui offrent de nouvelles compétences ;
  • les modèles d’action (LAM) qui offrent de nouvelles capacités.

Dans la mesure où nous n’exploitons les IA génératives que depuis quelques années, il reste de nombreux champs d’application à explorer, notamment avec de nouveaux types de modèles qui vont offrir de nouveaux usages : Artificial IntelligenceFrom Words to Concepts: How Large Concept Models Are Redefining Language Understanding and Generation.

Comme expliqué plus haut, nous n’en sommes qu’au tout début d’une nouvelle ère informatique avec l’agentisation des applications et services en ligne. Pour s’inscrire dans cette évolution, les prochaines étapes pour les entreprises seront de définir leurs priorités (identifier les besoins ou problématiques présentant le meilleur ratio bénéfice / coût) et de remplir les conditions préalables au déploiement des agents (modéliser les processus et assurer la disponibilité des données). Autant dire qu’il y a encore beaucoup de travail à fournir…



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