Le digital au service des équitants


Alors que 92% des Français sont connectés quotidiennement et que le marché du numérique poursuit sa croissance, les professionnels du secteur équin commencent, eux aussi, à intégrer ce paramètre dans l’optimisation de leur travail. Applications de gestion, plateformes de transports mutualisés, solutions d’assurances adaptées et autres outils numériques pour les écuries… autant de services qui transforment peu à peu un milieu encore attaché à ses traditions. Pourtant, si l’adoption du digital reste progressive chez les équitants, elle répond à des besoins concrets : gain de temps, simplification des tâches administratives, optimisation des ressources et amélioration des conditions de vie des équidés.



En 2025, il est devenu presque impossible d’ignorer le digital. Présent dans notre quotidien depuis près de deux décennies, il a profondément transformé nos vies, redéfinissant nos habitudes, nos interactions et nos modes de consommation. Internet, les réseaux sociaux et les applications en ligne façonnent aussi bien les habitudes des particuliers que des professionnels. En 2024, le marché du numérique a connu une croissance de 3,5% et, en janvier 2025, se sont 7,42 milliards de smartphones qui seraient utilisés dans le monde selon une étude publiée par Statista Research Department, soit 3,6% de plus qu’en janvier 2024. Le commerce en ligne a, quant à lui, généré 175 milliards d’euros en 2024 dans l’Hexagone, soit une hausse de 9,6% en seulement un an, d’après la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD).

Si le digital a transformé de nombreux secteurs, son intégration dans la filière équine reste progressive et sélective. “Comme tout, il faut savoir faire du tri entre l’utile et l’inutile. De nombreuses propositions fleurissent dans certains domaines, parfois peu rémunérateurs – je pense aux multiples projets avortés du côté des mises en relations de propriétaires et de demi-pensionnaires, par exemple. Créer des usages de toutes pièces ne me paraît pas adapté au secteur, de façon générale. Il y a néanmoins des sujets sur lesquels travailler, comme la sécurité, un véritable enjeu chez nombre de cavalières et cavaliers, d’extérieur ou non”, analyse Lucie Piriou, propriétaire. En effet, si de nombreux projets numériques voient le jour, tous ne survivent pas. Seuls ceux réunissant expertise équestre, compétences technologiques et compréhension des besoins des cavaliers et professionnels parviennent à s’imposer. Pour qu’une solution numérique s’installe durablement, elle doit ainsi apporter une réelle valeur ajoutée aux acteurs du milieu équestre et s’intégrer facilement dans leurs habitudes: qu’il s’agisse d’optimiser l’organisation des écuries, d’améliorer la gestion des transports ou de proposer des formations en ligne, le digital doit avant tout simplifier le quotidien des utilisateurs.



Une solution complète pour la gestion des écuries

“Ma fille et moi avons créé Kataklop il y a maintenant cinq ans. Au départ, ce n’était qu’une simple application web pour suivre l’alimentation et la santé de notre cheval atteint du syndrome métabolique équin. Puis d’autres propriétaires ont souhaité y avoir accès, et c’est ainsi que tout a commencé”, confie Guillaume Tilleul, fondateur de Kataklop. Aujourd’hui, cette plateforme 360° permet de gérer tous les aspects liés aux écuries et aux chevaux: administration, suivi vétérinaire, gestion des soins, communication et optimisation des infrastructures. Rien n’est laissé au hasard.  “Notre plateforme permet de gérer les chevaux, les cavaliers, les réservations, le suivi vétérinaire et alimentaire. Tout est centralisé, ce qui fait gagner énormément de temps aux gérants d’écuries”, explique Guillaume Tilleul. L’un des principaux atouts du logiciel est son ergonomie et sa simplicité d’utilisation. Par exemple, la gestion des contrats est un enjeu majeur pour les écuries, notamment celles comptant de nombreux clients. « Une écurie avec cinquante propriétaires doit gérer énormément de documents chaque année. Avec Kataklop, les contrats sont signés directement en ligne et les relances automatiques évitent toute paperasse supplémentaire. Aujourd’hui, trois cents écuries sont inscrites sur la plateforme, dont une quarantaine l’utilisent pleinement », affirme Guillaume Tilleul.

Parmi elles, l’écurie des Herbières, à Tertre, en Belgique, reprise depuis maintenant deux ans par Émilie Paulet, âgée de vingt-sept ans. Finis les carnets de notes dispersés. Kataklop propose une solution tangible et efficace qui permet aux professionnels et particuliers de suivre de près leurs chevaux. Parmi ses innovations majeures, on retrouve la plaque de box 2.0, équipée d’un QR code donnant un accès instantané à la plateforme. “Il était important pour moi d’avoir quelque chose de propre et de visible pour noter les rations et les compléments. Je voulais éviter les grandes traces de craie sur les boxes. Avec la plaque personnalisée et reliée à une application, tout est bien plus professionnel et structuré”, témoigne la gérante de l’écurie des Herbières. Cette technologie facilite l’accès aux informations essentielles, du suivi des soins vétérinaires et de l’alimentation à la gestion des contacts des professionnels de santé tels que les vétérinaires, maréchaux-ferrants et ostéopathes. Elle permet également de centraliser l’historique des soins et d’automatiser les rappels. “Je peux voir immédiatement les fiches des chevaux présents dans mon écurie : date du dernier vaccin, vermifuge, professionnels associés… En cas d’urgence, je n’ai plus besoin de chercher longtemps : il me suffit de scanner la plaque pour accéder à toutes les informations importantes comme le nom, le téléphone et l’adresse mail du propriétaire”, explique Émilie Paulet. “Un jour, un cheval de propriétaire a dû être transporté en clinique, et j’ai pu retrouver instantanément son contrat sur Kataklop et vérifier qu’il m’autorisait à l’emmener. C’est une véritable base de données pour la gestion de ma structure”, continue-t-elle.

Cette écurie de propriétaires est également la première à être devenue un point de vente Cavalor à travers Kataklop Business. Ce module innovant dédié au commerce permet aux écuries de générer des revenus supplémentaires. Grâce à des partenariats avec des marques, les infrastructures peuvent alors proposer des ventes directes via un système de dépôt automatisé. “Les écuries cherchent aussi à augmenter leurs revenus. C’est pourquoi nous avons mis en place Kataklop Business, qui leur permet de se transformer en points de vente, sans aucune charge logistique supplémentaire. Nous gérons l’approvisionnement, la facturation et le paiement des clients, le tout automatiquement via notre plateforme”, explique le concepteur de l’application. Un modèle gagnant-gagnant, qui facilite l’accès aux produits essentiels pour les chevaux tout en offrant un service clé en main aux gérants d’écuries. “Grâce à Kataklop Business, j’ai transformé mon écurie en point de vente Cavalor et Xanthus. Cela m’a déjà été d’une grande aide : par exemple, lorsqu’un cheval refusait son médicament dans son alimentation habituelle, j’ai pu proposer immédiatement un sac de mash à son propriétaire, directement disponible dans mon écurie”, partage Émilie Paulet.

En 2025, Kataklop poursuit son expansion avec une priorité stratégique : son déploiement international et le lancement de Kataklop ID, un passeport digital équin Lauréate d’un concours en Belgique dédié à la blockchain (technologie de stockage et de transmission d’informations telles qu’un registre ou encore une grande base de données, offrant de hauts standards de transparence et de sécurité), cette innovation permet de créer un passeport digital sécurisé pour chaque cheval. Ce dernier fonctionne comme un dossier médical et administratif unique, qui se met à jour automatiquement après chaque visite vétérinaire ou intervention d’un professionnel. “Notre objectif est de créer une sorte de France Connect du cheval: en clinique, le propriétaire pourra, via son application, autoriser l’accès aux données de son cheval, garantissant un suivi complet et sécurisé via un réseaux d’huissiers”, explique Guillaume Tilleul. Cette technologie est déjà en cours de développement dans des pays comme le Qatar, Dubaï et la Belgique. Le lancement officiel de la plateforme est prévu pour avril 2025. “Nous essayons vraiment de tout centraliser en un seul endroit”, conclut le créateur de Kataklop.


Exemple d’une plaque de box renvoyant à l’application Kataklop à l’aide d’un code QR.

Exemple d’une plaque de box renvoyant à l’application Kataklop à l’aide d’un code QR.

© DR/Kataklop





Une solution pour un transport équin durable


En 2024, la plateforme Ogalo a remporté le Prix Hippolia au salon Equita Lyon.

En 2024, la plateforme Ogalo a remporté le Prix Hippolia au salon Equita Lyon.

© DR/Ogalo



“Je me suis rendu compte qu’acheter un véhicule était très compliqué. Cela représente un coût important pour un faible taux d’utilisation. C’est de là qu’est née l’idée”, explique Johnatan Héraudet, fondateur d’Ogalo. Ce projet est l’aboutissement de plusieurs années d’expérience dans le transport, et plus particulièrement du transport équin. Fondée en 2022 par cet ancien vendeur automobile, l’entreprise répond à un manque flagrant d’outils numériques dans ce secteur. En effet, il n’existait jusqu’alors aucune plateforme permettant de mettre en relation les demandes de transports et les transporteurs professionnels, tout en optimisant les trajets. Selon une étude menée par Horse Development, agence marketing de stratégie spécialisée dans l’univers équestre, un camion pour chevaux n’est utilisé que 3,96 % du temps, ce qui signifie qu’il reste inutilisé pendant 96 % de sa durée de vie. Face à cette problématique et aux enjeux écologiques qu’elle soulève, Johnatan Héraudet a décidé de créer Ogalo. “C’est une plateforme mettant en relation des demandes de transports avec des transporteurs professionnels certifiés et qualifiés. J’insiste sur ce point, car c’est essentiel”, précise-t-il. L’entreprise, qui a glané le Prix Hippolia au salon Equita Lyon l’an dernier, répond à une double problématique: d’un côté, l’absence d’une solution digitale dédiée à la gestion du transport des chevaux et, de l’autre, la nécessité d’une approche sécurisée. Cette digitalisation ouvre la voie à de nouvelles pratiques, comme la mutualisation des trajets vers les concours ou la recherche d’hébergement via des plateformes dédiées. “L’idée est que toute personne souhaitant voyager avec son cheval puisse le faire simplement grâce à Ogalo et, pourquoi pas, trouver un hébergement en complément, un peu comme sur Booking”, explique Johnatan Héraudet.

Le fonctionnement d’Ogalo est simple et efficace. Lorsqu’un propriétaire émet une demande de transport sur l’application, celle-ci est automatiquement diffusée auprès des transporteurs partenaires présents sur la plateforme. Ces derniers peuvent alors y répondre et proposer un devis en quelques instants. La plateforme prend en compte divers critères tels que les frais de péage, les kilomètres parcourus à vide ou à plein, afin de générer un tarif précis de manière quasi automatique. Une fois le devis établi, il est directement transmis au client via l’interface, supprimant ainsi la nécessité d’échanges par courriels ou de documents PDF. “Avec Ogalo, notre ambition est de proposer une plateforme qui réponde à tous les besoins en matière de transport équin. Aujourd’hui, notre rôle est d’adapter à notre secteur ce qui existe déjà pour le transport de marchandises, tout en intégrant des innovations”, déclare son fondateur.

Le service propose également une fonctionnalité permettant aux transporteurs d’effectuer un état des lieux de l’équidé à son arrivée, grâce à des photos et des vidéos. “J’ai régulièrement changé mes chevaux de région ou d’écurie ces dernières années, et trouver un transporteur de confiance est souvent fastidieux: entre les conflits d’agendas, le manque de sérieux, l’inquiétude des arnaques ou des personnes peu scrupuleuses n’ayant pas d’assurance professionnelle, il est délicat de faire le tri. C’est possible, mais très chronophage. Je n’avais pas le temps de m’en occuper”, partage Lucie Piriou. “Ogalo proposait une plateforme de mise en relation et mettait en avant son tri des professionnels inscrits, s’assurant que tout était administrativement réglementaire. J’avais besoin d’être rassurée, d’éviter toute annulation de dernière minute, et de savoir que mes chevaux voyageraient confortablement comme prévu. J’ai reçu trois propositions dans les quarante-huit heures. Avoir le choix m’a également rassurée!”, continue-t-elle.

Autre enjeu majeur du secteur, la question des assurances. En France, les chevaux transportés sont considérés comme des marchandises, au même titre que des vêtements ou du matériel. Par conséquent, les assurances proposées ne couvrent ni les besoins des propriétaires, ni ceux des cavaliers. Actuellement, la responsabilité civile des transporteurs couvre les chevaux à hauteur de 1 600 euros seulement ; une somme souvent dérisoire par rapport à la valeur réelle des équidés. Pour y remédier, l’équipe d’Ogalo s’est mobilisée et a dû traverser la Manche afin de trouver des solutions adaptées. “J’ai eu la chance de rencontrer Géraldine Richshoffer, de Pegase Insurance, via LinkedIn, ce qui nous a permis de nouer un partenariat. Grâce à cette collaboration, nous avons pu concevoir deux premiers produits d’assurance. Pour y parvenir, nous avons dû nous tourner vers un assureur britannique, car aucune compagnie française n’était prête à nous accompagner dans ce projet”, raconte Johnatan Héraudet.

L’aspect environnemental est aussi un facteur moteur dans le développement d’Ogalo puisqu’actuellement, 43% des trajets effectués via la plateforme sont réalisés à vide ou avec des places disponibles. L’objectif est donc de faciliter la mise en relation entre les transporteurs et les propriétaires, tout en optimisant les trajets, réduisant ainsi l’empreinte carbone des véhicules polluants, dans une approche similaire au covoiturage. Bien sûr, certaines contraintes ne permettent pas toujours le transport mutualisé – notamment lorsqu’une jument en chaleur ne peut voyager aux côtés d’un entier, ou encore en raison de réglementations sur le poids des véhicules. “Néanmoins, la priorité reste de limiter autant que possible les trajets à vide”, déclare Johnatan Héraudet. En janvier 2024, riche d’expériences et d’objectifs clairs, Ogalo a levé des fonds pour renforcer son équipe et accélérer son développement. L’arrivée de Mickaël Lehoux et Maud Sénégas en février 2024 a ainsi marqué une étape décisive. Pendant plusieurs mois, l’équipe a travaillé intensément sur la deuxième version d’Ogalo, officiellement lancée en juin de la même année. “Nous avons vraiment commencé l’activité économique le 1er octobre 2024”, précise Johnatan Héraudet. Ogalo connaît une montée en puissance rapide, avec déjà plusieurs milliers de demandes de transports enregistrées, alors que l’entreprise n’a pour l’instant presque pas communiqué et repose uniquement sur le référencement naturel de son site internet. “Nous avons construit l’outil en collaboration avec nos utilisateurs, en partant d’une page blanche. La difficulté est d’apporter du digital dans le monde équestre”, conclut son concepteur.



Une adoption progressive par les équitants

“C’est un milieu qui fonctionne encore de manière traditionnelle. Sans vouloir être trop critique, il y a un retard de dix à quinze ans par rapport à d’autres secteurs”, constate le créateur d’Ogalo. Toutefois, cette dynamique évolue positivement ces dernières années, notamment grâce à l’arrivée des nouvelles générations, davantage habituées à ces réseaux de communication. La transmission des structures équestres aux enfants de la filière, qui ont grandi avec le digital et l’intègrent naturellement à leur activité, ou l’émergence de jeunes entrepreneurs se multiplient. “C’est une évolution logique et dans l’air du temps. Étant moi-même assez jeune, je n’y vois aucune difficulté, au contraire, je suis même une adepte!”, témoigne Émilie Paulet. “En revanche, c’est parfois plus compliqué pour mes clients… Cela nécessite un smartphone, une adresse mail… Or, certains ne disposent pas de ces outils et doivent s’adapter”, précise-t-elle. Si de plus en plus de dirigeants d’écurie adoptent ces solutions numériques, la principale difficulté reste l’adhésion d’une clientèle hétérogène. “Le plus difficile lorsque l’on digitalise une écurie, c’est l’appropriation par les clients. Si ces derniers ne sont pas prêts à utiliser la technologie, alors le logiciel ne fonctionnera pas”, souligne Guillaume Tilleul. Selon lui, le frein principal n’est pas tant le coût des outils numériques que la réticence à payer pour un service auquel les écuries ne sont pas encore habituées. “Il faut leur démontrer la valeur ajoutée”, insiste-t-il. Conscientes de cet enjeu, les entreprises du secteur développent des stratégies d’accompagnement. “Notre objectif en 2025 est de démocratiser le digital dans les écuries. Nous voulons accompagner les professionnels pas à pas et leur montrer les avantages concrets du numérique au quotidien”, explique Guillaume Tilleul. Finalement, “le digital doit s’adapter aux habitudes des écuries, et non l’inverse”, analyse le concepteur de Kataklop.

Au-delà des domaines déjà mentionnés, le digital s’est également imposé dans d’autres aspects du monde équestre, tels que la communication, l’accès à l’information, l’influence, le recrutement et le marketing digital spécialisé. “Je garde toujours un œil sur les innovations et je suis ravie de voir des initiatives vertueuses dans le monde du cheval”, conclut Lucie Piriou. Loin d’être réfractaire à cette transformation, la filière équestre semble finalement prête à embrasser pleinement le numérique.










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