(Agence Ecofin) – Plébiscitées par les jeunes en quête d’employabilité et les entreprises en quête de compétences opérationnelles, les micro-certifications séduisent de plus en plus en Afrique. Offrant des formations courtes, ciblées et accessibles, elles s’imposent comme un levier complémentaire face au chômage des jeunes. Mais leur reconnaissance institutionnelle et leur accessibilité restent des défis clés que les acteurs du secteur tentent de relever.
Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), le taux de chômage des jeunes en Afrique subsaharienne a atteint 8,9 % en 2023, avec des disparités régionales marquées. Pourtant, la Banque africaine de développement estime que 10 à 12 millions de diplômés arrivent chaque année sur le marché. Cette situation reflète une inadéquation entre les compétences acquises et les besoins du marché du travail. Dans ce contexte, les micro-certifications trouvent un écho croissant. Courtes, ciblées, souvent disponibles en ligne, ces formations aboutissent à une attestation de compétences sur un domaine précis : analyse de données, marketing digital, cybersécurité, maintenance industrielle, etc. Elles offrent une montée en compétence rapide, adaptée aux besoins du marché.
Des initiatives se multiplient en Afrique
L’intérêt pour la formation numérique et l’intelligence artificielle prend une nouvelle ampleur en Afrique. En janvier 2025, Microsoft Afrique du Sud a annoncé son ambition de former un million de personnes aux compétences en IA et en cybersécurité d’ici 2026. Une annonce qui s’inscrit dans un mouvement plus large de montée en compétence sur le continent.
Au Rwanda, le programme « Digital Ambassadors » continue de former des jeunes aux compétences numériques de base via des micro-certificats reconnus. Le pays a accueilli en novembre 2024 un atelier régional sur les micro-certifications, témoignant de l’engagement croissant des institutions africaines.
Dans les pays d’Afrique francophone, des acteurs comme les Orange Digital Centers ou encore l’initiative « Africa Digital Campus » portée par l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) misent sur des formations courtes et professionnalisantes, pensées pour accélérer la transformation numérique.
Ce dynamisme est également soutenu par des plateformes internationales comme Coursera ou edX, qui proposent des micro-certifications reconnues par les employeurs et parfois intégrables à des parcours universitaires. Ces solutions hybrides gagnent du terrain dans les entreprises africaines en quête de talents opérationnels.
Enfin, depuis 2017, le programme « Grow with Google » a permis à des milliers d’Africains de renforcer leurs compétences numériques, que ce soit pour booster leur carrière ou développer leur activité. Des gouvernements, des entreprises technologiques et des ONG s’approprient de plus en plus ces outils pour structurer des stratégies nationales de formation.
Vers une reconnaissance institutionnelle ?
Dans un contexte où les entreprises africaines recherchent des profils plus adaptables et immédiatement opérationnels, les micro-certifications émergent comme une réponse flexible aux besoins de formation. Ces formats courts, accessibles en ligne, permettent à des jeunes souvent éloignés du système académique de valider des compétences précises en quelques semaines. Toutefois, leur développement reste freiné par deux obstacles majeurs : la fracture numérique et l’absence de reconnaissance officielle dans de nombreux pays.
Face à ces limites, plusieurs États africains s’engagent dans une structuration progressive de ces dispositifs. L’Union africaine, dans sa « Stratégie continentale de l’éducation 2016–2025 », recommande l’intégration des micro-certifications comme outil d’inclusion et d’adaptation des compétences aux réalités économiques locales. Elle est soutenue dans cette démarche par des partenaires tels que l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et l’Agence française de développement (AFD), qui appuient des initiatives régionales d’harmonisation.
Au Sénégal, le ministère de la Formation professionnelle a lancé en 2023 une réforme de la certification professionnelle avec l’appui du programme « Solutions for Youth Employment (S4YE) ». Cette initiative vise à intégrer des modules de formation courte certifiants dans les centres de formation publics, en particulier dans les filières du bâtiment, du numérique et de l’agriculture.
En Côte d’Ivoire, le ministère de l’Enseignement technique, de la Formation professionnelle et de l’Apprentissage a lancé en mai 2025, le projet d’élaboration du Cadre national de certification (CNC) avec pour objectif de renforcer l’employabilité des jeunes. Des projets pilotes testent l’intégration de micro-certifications dans les cursus de reconversion professionnelle, notamment dans les secteurs de la logistique et des services à la personne.
Au Bénin, l’État a initié une modernisation de son cadre de certification professionnelle à travers le Projet d’appui à la formation professionnelle et à l’Entrepreneuriat pour l’Emploi au Bénin (PFPEEB), financé par la Banque mondiale. Le pays expérimente depuis 2022 l’introduction de certifications modulaires, notamment dans les métiers techniques, en lien avec les besoins identifiés par les branches professionnelles.
Ces initiatives nationales s’inscrivent dans une dynamique régionale plus large. Le programme « Skills Initiative for Africa (SIFA) » soutient plusieurs projets en Afrique de l’Ouest, dont des travaux d’alignement des micro-certifications sur les cadres nationaux de qualification et leur articulation avec le Cadre continental de qualifications africain (ACQF).
Complémentarité plutôt que substitution
Discrètes, mais efficaces, les micro-certifications amorcent une révolution silencieuse dans la manière d’apprendre, de recruter et de se former en Afrique. En alliant souplesse, utilité et rapidité, elles offrent aux jeunes une voie d’insertion plus pragmatique, et aux employeurs une main-d’œuvre mieux ajustée à leurs besoins.
Faut-il pour autant voir dans les micro-certifications une alternative aux diplômes classiques ? Pas nécessairement. D’ailleurs, la Banque mondiale plaide pour une complémentarité entre l’éducation formelle et la formation professionnelle. À terme, les micro-certifications pourraient s’imposer comme un levier clé pour l’apprentissage continu, dans un contexte où les métiers évoluent rapidement et où l’adaptabilité devient la compétence reine.
Il reste à consolider les mécanismes de reconnaissance, à assurer une qualité homogène des contenus et à garantir l’inclusivité de cette nouvelle offre. Si ces conditions sont réunies, les micro-certifications pourraient bien transformer durablement le paysage de l’emploi et de la formation sur le continent.
Félicien Houindo Lokossou (stagiaire)
Edité par Sèna D. B. de Sodji
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