Dans un paysage numérique en perpétuelle mutation où chaque innovation technologique promet de révolutionner notre façon de communiquer, l’email fait figure d’exception remarquable. Loin d’être un vestige du passé, l’email s’impose aujourd’hui comme un atout majeur pour les marques qui cherchent à reprendre le contrôle de leur relation client. Dans un contexte économique tendu où chaque investissement doit être justifié, l’email marketing augmenté par l’IA générative pourrait bien représenter le parfait équilibre entre innovation et pragmatisme.
En synthèse :
- Malgré l’émergence continue de nouveaux terminaux, canaux et supports numériques, l’email reste un point de contact direct, standardisé et indépendant des plateformes tierces, offrant une maîtrise rare dans un paysage numérique fragmenté ;
- Trop souvent relégué à un rôle secondaire, l’email redevient central face à l’érosion de la portée organique sur les médias sociaux et aux barrières à l’entrée des plateformes et applications mobiles ;
- L’utilisation de l’IA générative transforme l’email marketing, elle permet d’automatiser les tâches répétitives et de renforcer l’impact relationnel (individualisation et contextualisation des messages) ;
- Dans un contexte de saturation des canaux et de limitation des ressources, les marques doivent rationaliser leur écosystème numérique, l’email s’impose alors comme un levier rentable, optimisable et immédiatement actionnable ;
- Loin d’un simple support technique, l’email permet un dialogue structuré et individualisé. Couplé à l’IA, il devient un outil puissant pour concilier efficacité opérationnelle et exigence relationnelle.
J’ai eu l’occasion cette semaine d’intervenir lors d’un webinaire organisé par Mailjet : Parlons Email – L’emailing à l’ère de l’IA générative. Une prise de parole particulièrement rafraichissante, car elle m’a permis de me sortir la tête de l’IA générative, un sujet qui monopolise quasiment toute mon attention et mon énergie depuis plus de 2 ans. C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que je me suis penché sur la question de la pertinence de l’email à l’ère de l’IA générative.
Une synthèse de ma prise de parole est disponible ici : L’emailing à l’ère de l’IA générative, dernier rempart ou nouvel Eldorado ?, mais laissez-moi tout de même la possibilité de vous convaincre de l’importance de l’email dans votre stratégie e-marketing et surtout sa place centrale dans votre écosystème numérique.
Un support éternel à l’épreuve du temps
Depuis plus de 30 ans, l’email résiste. Il résiste à l’obsolescence technologique, à la saturation des usages, aux nouvelles tendances… Chaque nouvelle innovation (messageries instantanées, médias sociaux, applications mobiles, chatbots…) a tenté de le supplanter, sans succès. L’email reste là, solide, discret, mais toujours aussi efficace. L’email résiste, mieux : il prospère (Number of sent and received e-mails per day worldwide).
Comment expliquer cette résilience ? Car l’email repose sur une promesse simple : un canal direct, personnel, standardisé, que les annonceurs peuvent exploiter sans dépendre d’une plateforme tierce. Dans un environnement numérique où chaque contact est filtré, conditionné ou manipulé par des algorithmes, cette promesse prend une valeur nouvelle, d’autant plus que sa prise en main est plutôt simple, idéale pour internaliser les opérations et campagnes.
À l’heure où les agents conversationnels et les plateformes tierces menacent de phagocyter la relation client, l’email pourrait bien être le dernier bastion des marques et distributeurs.
Un canal numérique clairement sous-côté
Pendant longtemps, l’email a été considéré comme un outil d’appoint. Pratique, bon marché, mais pas assez innovant pour mériter l’attention des grandes marques qui lui préfèrent des supports numériques plus modernes comme TikTok ou Roblox. Cette sous-estimation s’explique en partie par l’évolution des usages numériques.
Au fil des ans, nous avons pu constater une explosion des usages (partage, jeux en ligne, streaming…), des profils (des pré-adolescents aux seniors+) et des terminaux (smartphones, tablettes, masques de réalité mixte…), ce qui rend le ciblage et la personnalisation des messages de plus en plus ardus.
En parallèle, les alternatives à l’email ont montré leurs fragilités. Les médias sociaux, malgré leurs promesses initiales d’humanisation et d’engagement direct, sont souvent devenus des caisses de résonance pour la désinformation et la polarisation, générant une méfiance croissante de la part des utilisateurs. Leurs algorithmes opaques et leurs modèles économiques reposant sur la publicité ont rendu la portée organique quasi nulle, forçant les entreprises à payer pour atteindre leur propre audience.
Quant aux applications mobiles, bien qu’elles offrent une expérience utilisateur riche, elles sont la chasse gardée des Big Techs. Les barrières techniques et économiques à leur développement, distribution et promotion sont ainsi considérables, enfermant les marques dans des écosystèmes propriétaires et coûteux (cf. Pourquoi les Progressive Web Apps sont la seule alternative viable aux applications natives).
Face à ces difficultés croissantes, l’email fait figure d’exception. C’est un canal universel : chaque internaute possède une adresse email. Il repose sur des standards ouverts, est simple à intégrer dans les outils marketing existants, et surtout, il reste l’un des rares points de contact qu’une marque peut réellement maîtriser.
IA générative et emailing, une rencontre évidente
L’avènement de l’IA générative redonne à l’email une puissance nouvelle. Car l’email repose sur des contenus textuels et conversationnels, un format que les modèles de langage maîtrisent parfaitement. La convergence entre IA générative et email marketing semble donc naturelle. Là où la création de contenu était autrefois un goulot d’étranglement, elle devient désormais un levier créatif. L’IA permet d’automatiser, d’accélérer, d’adapter… sans sacrifier la pertinence, ni l’intention.
Les capacités offertes par les modèles génératifs sont multiples et enrichissent chaque aspect de l’emailing :
- Profilage client et segmentation dynamique. L’IA peut analyser des quantités massives de données comportementales et transactionnelles pour nourrir des profils clients et segmenter les audiences de manière beaucoup plus fine, allant au-delà des critères démographiques basiques.
- Rédaction et enrichissement des messages. Plus de blocs de texte génériques, l’IA peut générer des objets d’email percutants et optimisés pour l’ouverture, rédiger des corps de message avec des tonalités variées, personnaliser les appels à l’action et même créer des résumés concis pour des lecteurs pressés.
- Création ou adaptation des visuels. Au-delà du texte, l’IA générative peut également produire ou modifier des visuels (images, illustrations, schémas…) qui s’accordent parfaitement au message et à la segmentation, garantissant une cohérence visuelle et un impact maximal.
- Traduction, localisation, reformulation. Pour les marques opérant à l’international, l’IA permet une traduction instantanée et une localisation culturelle des messages. Elle peut aussi reformuler des contenus complexes en langage « Facile à Lire et à Comprendre » (FALC) pour inclure toutes les audiences.
- Analyse des retours et enrichissement de la base CRM. L’IA peut analyser les performances des campagnes (taux d’ouverture, clics, conversions…) de manière granulaire, identifier les schémas comportementaux, et même enrichir la base de données CRM avec des insights clients précis.
- Préparation de réponses automatiques et de reporting narratif. Au-delà de l’envoi, l’IA peut pré-rédiger des réponses automatiques pour les requêtes fréquentes et générer des rapports de performance narratifs, transformant des chiffres bruts en explications compréhensibles pour les équipes et la direction.
Dans cette logique, le rôle du marketeur change : il ne rédige plus chaque message à la main, mais conçoit les scénarios, supervise les intentions, ajuste les paramètres. Il devient le chef d’orchestre d’un marketing augmenté. Cette synergie aboutit inévitablement à un fonctionnement hybride (humain + IA) où les modèles génératifs automatisent les tâches répétitives et amplifient la créativité humaine. Cette approche permet aux équipes de se concentrer sur la performance en optimisant considérablement l’utilisation des ressources (budgets, temps…). Une perspective réaliste, mais qui néanmoins ne passe pas chez certains, faute de maturité numérique (Col blancs et IA générative : entre promesses d’augmentation et risques de substitution).
Rationaliser pour mieux performer
Nous vivons une époque de prolifération numérique : chaque trimestre naissent de nouvelles plateformes, de nouveaux outils, de nouveaux formats. Le rêve d’une présence omnicanale permanente des marques se heurte à une dure réalité : celle de la dispersion des moyens. Multiplier les points de contact, c’est ainsi diluer son message, fragmenter ses données, complexifier ses parcours clients. Et trop souvent, cela se traduit par une baisse de performance.
Dans ce contexte, il est urgent de se recentrer. De revenir aux fondamentaux. De miser sur les canaux que l’on maîtrise vraiment, que l’on peut optimiser sans intermédiaire, et qui délivrent de la valeur concrète. L’email coche toutes ces cases. Il offre un terrain d’expérimentation sans limite, mais aussi un cadre structurant pour bâtir des scénarios de conquête et de fidélisation cohérents.
Plutôt que de céder à chaque nouvelle mode, il est temps pour les marques et distributeurs de rationaliser leur écosystème numérique, dans lequel l’email occupe une position centrale. Non pas par nostalgie, mais par pragmatisme : Dans un marché extrêmement tendu où chaque euro dépensé doit être justifié, concentrer ses efforts sur un canal rentable et maîtrisable devient un impératif de survie. L’email marketing, dopé par l’IA générative, répond parfaitement à cette exigence.
Au-delà du support, le dialogue
L’erreur serait de croire que l’email est figé dans ses usages passés. Ce n’est pas le canal en lui-même qui doit nous intéresser, mais la dynamique qu’il permet : celle d’un dialogue direct, structuré, mesurable avec les clients et prospects. Ainsi, le support technique peut évoluer (HTML / CSS, AMP, mode sombre, interactivité…), mais l’essentiel reste : établir une relation durable. À l’heure où tout est média, où chaque interaction est transformée en flux anonyme, l’email reste un espace d’individualisation. Une preuve que la marque s’adresse vraiment à quelqu’un, et non à un segment abstrait. Jusqu’à preuve du contraire, les humains sont des mammifères sociaux, le besoin de communication directe et authentique perdurera.
L’association de l’IA générative et de l’email marketing ouvre cependant une voie nouvelle : celle d’une relation client directe restaurée dans un monde saturé d’intermédiaires. Alors que les plateformes numériques s’interposent de plus en plus entre les marques et leurs clients, captant au passage une part croissante de la valeur créée, l’email offre une alternative crédible.
L’ajout de l’IA dans cette équation permet d’imaginer un avenir où l’email redevient un point de contact privilégié : personnalisé voir individualisé, réactif, engageant, mais aussi respectueux et assumé (L’IA exacerbe la relation ambivalente entre clients et automates). Un levier d’alignement entre efficacité opérationnelle et exigence relationnelle.
Revaloriser l’email pour mieux piloter la relation client
Longtemps relégué au second plan, il est plus que temps d’accorder à l’email une nouvelle légitimité. L’IA générative agit comme un révélateur : elle montre tout ce qu’il est possible de faire avec un outil simple, ouvert et robuste. Bien utilisé, l’email peut redevenir un centre de gravité marketing, un canal stratégique pour dialoguer, convaincre, fidéliser…
Pour les annonceurs, la marche à suivre est assez claire : recentrer les efforts sur ce qui fonctionne, automatiser là où cela a du sens, et reprendre la main sur des campagnes d’acquisition et de fidélisation qui se complexifient. Grâce à l’IA générative, l’email marketing entre dans une nouvelle ère. Ceux qui sauront la saisir prendront une longueur d’avance décisive sur leurs concurrents encore dispersés dans la course aux nouveaux canaux.
J’ai déjà eu l’occasion de vous mettre en garde contre le techno-solutionnisme, l’email est la parfaite incarnation d’un marketing raisonné et pragmatique (Non, l’IA générative n’est pas gratuite, alors qui va payer et pour quoi ?). Avec cet article, j’espère sincèrement vous avoir convaincu de revoir vos priorités et surtout de prendre un minimum de recul par rapport à la frénésie ambiante sur les chatbots et les moteurs de recherche génératifs qui ne représentent pour le moment qu’une infime partie des visiteurs de votre site ou de vos clients.
Si je suis absolument incapable de prédire ce qui va se passer en 2030, je suis en revanche tout à fait compétent pour vous rappeler qu’il y a des impératifs de performance et de rentabilité des opérations auxquels aucune marque ne peut se soustraire. D’où la nécessité de reconsidérer les pratiques d’emailing dans votre stratégie marketing, ainsi que la place le rôle de l’email dans votre écosystème numérique.
Questions / Réponses
Pourquoi continue-t-on à parler d’email marketing alors que les réseaux sociaux et les messageries instantanées dominent ?
Parce que l’email reste un canal direct, universel et indépendant des plateformes tierces. Contrairement aux médias sociaux soumis à des algorithmes opaques, l’email garantit un contact maîtrisé avec le client, dans un format ouvert et standardisé.
En quoi l’email est-il considéré comme sous-côté ?
L’email a longtemps été perçu comme un outil daté, peu innovant, souvent éclipsé par les canaux ou supports plus récents. Pourtant, il conserve des avantages structurels majeurs : accessibilité, faible coût, maîtrise des données, et compatibilité avec tous les terminaux numériques.
Que change l’IA générative dans la pratique de l’email marketing ?
L’IA générative automatise et enrichit la production de contenus : rédaction personnalisée, création de visuels, traduction, segmentation dynamique, analyse des performances… Elle permet de gagner en efficacité sans sacrifier la pertinence des messages.
L’email est-il encore pertinent dans un environnement omnicanal saturé ?
Oui, car il offre une alternative viable : face à la dispersion des canaux et des efforts marketing, l’email permet de recentrer les ressources sur un levier rentable, optimisable, et intégré de manière cohérente dans l’écosystème numérique de l’entreprise.
L’email est-il destiné à disparaître avec l’arrivée des chatbots et assistants IA ?
Non, bien au contraire : dans un paysage numérique saturé d’intermédiaires, l’email permet de maintenir une relation directe et individualisée avec les clients. L’IA (à travers les chatbots et assistants numériques) ne remplace pas l’email, elle l’augmente, en renforçant son efficacité, sa réactivité et sa capacité à dialoguer de manière authentique. De plus, vous constaterez avec amusement qu’il faut une adresse email pour se créer un compte sur ChatGPT ou Claude…