ils sortent du laboratoire avec Zenbaia


Décidément, les agents IA étaient à l’honneur au BtoB Summit de 2025. Après Salesapps, je suis allé discuter avec notre confrère Philippe Guiheneuc. Celui-ci m’a expliqué les principes du nouveau projet Zenbaia d’Hervé Gonay. J’ai interviewé Philippe lors du BtoB Summit de juillet 2025, qui ma décrit sa démarche concrète et pragmatique pour déployer ces agents IA afin qu’ils soient utiles aux métiers. 

Zenbaia : quand les agents IA sortent du laboratoire

agents IA
Philippe Guiheneuc sur le stand de Zenbaia au BtoB Summit 2025

L’adoption d’agents IA prend enfin une tournure concrète et pragmatique. Loin des promesses futuristes, certaines sociétés proposent aujourd’hui des solutions opérationnelles qui transforment réellement les processus métiers. C’était le cas de Salesapps, que nous avons étudié précédemment, c’est aussi celui de Zenbaia. 

La nouvelle startup d’Hervé Gonay mise sur une approche « prête à l’emploi » des agents IA. Philippe Guiheneuc, responsable marketing ventes chez Zenbaia, m’a expliqué comment la jeune pousse compte démocratiser l’usage de ces agents IA dans les organisations. 

Une technologie encore perçue comme complexe

Le nom même de Zenbaia est le résultat d’une fusion entre « Zen » et IA. Il illustre la philosophie de ce nouveau service : rendre sereine l’adoption d’une technologie encore perçue comme complexe.

Philippe explique le principe avec une simplicité qui tranche avec le jargon technique habituel du secteur. Cette approche volontairement accessible masque en réalité une stratégie réfléchie. Il s’agit de faire en sorte que l’IA devienne aussi naturelle à utiliser qu’un tableur Excel.

Le paradoxe de l’adoption : entre connaissance et appropriation

L’analyse de Philippe Guiheneuc sur l’état actuel de l’IA en entreprise met le doigt sur un paradoxe frappant.

« Tout le monde sait utiliser un ChatGPT, un Mistral, un Perplexity. Par contre, réintégrer cette utilisation et surtout les capacités en termes de productivité dans des processus d’entreprise, c’est une autre histoire », observe-t-il avec justesse.

Tout le monde sait utiliser ChatGPT, mais réintégrer cette utilisation dans des processus d’entreprise, c’est une autre histoire

Pour les Agents IA comme dans d’autres domaines, il y a la réalité et la fiction. Zenbaia a décidé de se placer du côté de la réalité — image réalisée avec Midjourney dans notre mode personnalisé

Finalement, il en est pour l’intelligence artificielle comme pour les innovations précédentes, contrairement à ce qui a pu être dit ici et là.

Selon Philippe, cette problématique dépasse largement le seul secteur commercial, même si les métiers marketing et vente sont particulièrement concernés. « Nous nous intéressons aussi aux applications pour d’autres métiers comme la production, l’industrie, les RH — l’analyse de CV par exemple », précise-t-il.

Quelques exemples d’agents IA tirés du site Zenbaia.com

Agents IA : tester immédiatement avant d’investir

Face à cette problématique, Zenbaia propose une méthode pragmatique. Plutôt que de commencer par de lourds projets d’intégration système, dont on connaît les conséquences, l’entreprise prône l’expérimentation immédiate avec des outils standard.

« Nous partons du postulat, parce qu’on a vécu ça dans d’autres révolutions technologiques, qu’il faut faire le contraire de ces projets trop complexes. Il faut d’abord tester, essayer, s’amuser avec des applications sur étagère, prêtes à l’emploi », explique Philippe. Cette philosophie rappelle les débuts des premiers logiciels en SaaS, appelés ASP à l’époque, qui ont révolutionné l’informatique personnelle et professionnelle, en permettant l’adoption rapide de nouveaux outils sans investissement lourd dans les infrastructures.

Les applications proposées couvrent un spectre large : analyse de profils LinkedIn, création de contenu pour webinaires, veille concurrentielle, analyse réglementaire. « Ces applications sont “pré-promptées”, “pré-paramétrées” et prêtes à l’emploi », ajoute Philippe. L’idée est de permettre aux utilisateurs de découvrir le potentiel réel de l’IA avant de s’engager dans des développements sur mesure.

La personnalisation comme étape naturelle

Cette approche « boîte à outils » n’est que la première étape d’un processus de long terme. Une fois les utilisateurs familiarisés avec ces agents IA standard, Zenbaia propose un studio de personnalisation qui permet d’adapter les outils aux besoins spécifiques de chaque organisation.

« Une fois qu’il a utilisé ces applications et vu leur apport en gain de temps, l’utilisateur désire des fonctionnalités supplémentaires ». Cette progression naturelle de l’adoption vers la personnalisation semble plus prudente que les approches « big bang » traditionnelles.

La question cruciale des hallucinations dans le cas des agents IA

Impossible d’évoquer les agents IA sans aborder la question des hallucinations, ces erreurs que peuvent produire les modèles de langage. Car dans une application liée aux processus métiers, il faut de la rigueur, et les dérapages ne sont pas autorisés. 

Philippe Guiheneuc adopte encore ici une posture pragmatique.

« Les hallucinations s’améliorent petit à petit avec le temps. Il en reste encore », reconnaît-il sans détour. Plutôt que de nier le problème ou de promettre leur disparition imminente, Zenbaia mise le contrôle et la vérification. « Ce que nous mettons en place, ce sont des outils de contrôle et de vérification. Avec Zenbaia, l’utilisateur récupère les sources qui lui permettent de vérifier que les informations sont justes. »

Les utilisateurs du Web, désormais accoutumés au « zéro clic », ont un peu tendance à oublier ce qu’est une source. Mais les professionnels, eux, ne peuvent se permettre ce type d’approximations, ou du moins pas très longtemps. 

Souveraineté et sécurité des données

La question de la localisation des données lors de la fourniture de documents à une IA (RAG) constitue un enjeu majeur pour l’adoption des agents IA en entreprise. Pour répondre à cette légitime demande, Philippe Guiheneuc propose une approche nuancée qui distingue clairement les usages selon la sensibilité des informations traitées.

« Si les informations ne sont pas sensibles et confidentielles, auquel cas le plus simple et probablement le plus performant, c’est d’utiliser le cloud », explique-t-il. Pour les données sensibles, Zenbaia propose des solutions d’hébergement localisé, « chez le client, ou chez nous, en toute sécurité dans des data centres français ».

Cette flexibilité permet de répondre aux exigences de conformité tout en optimisant les performances selon les cas d’usage. Une approche qui devrait rassurer les entreprises françaises soucieuses de souveraineté numérique.

Agents IA : accélération du temps plutôt que productivité

L’une des réflexions les plus intéressantes de Philippe concerne l’impact réel des agents IA sur le travail. Les premiers retours d’expérience montrent que, plutôt que de parler d’augmentation de productivité, un sujet plus complexe qu’il y paraît, il vaudrait mieux évoquer « l’accélération du temps ».

« L’IA permet de produire un résultat en 3 heures là où il fallait 5 jours auparavant, à condition de bien l’utiliser. Cela laisse plus de temps pour réfléchir à la présentation et sa stratégie commerciale », ajoute Philippe en prenant l’exemple de ces clients pressés qui veulent les résultats dans des temps très courts. L’IA permet selon lui « d’accélérer le temps » de répondre positivement à ces clients exigeants.  

Cette vision optimiste mérite cependant d’être nuancée. Philippe lui-même reconnaît les effets pervers potentiels : « Certains utilisent l’IA pour répondre automatiquement à leurs emails, car ils en reçoivent trop. Donc leurs interlocuteurs utilisent l’IA aussi pour les lire. Ce qui leur permet de répondre plus vite. En fin de compte, ils reçoivent encore plus de mails ». 

Un joli effet rebond qui rappelle que toute technologie peut devenir contre-productive si elle est mal maîtrisée. Et dans l’exemple précédent, on imagine que le client pressé pourra demander un résultat encore plus rapide en encore moins de temps, sans oublier la nécessaire baisse de prix, car cet acheteur impatient aura l’impression que l’IA seule aura fait le travail.

Premiers retours d’expérience sur les agents IA

Les premiers déploiements de Zenbaia commencent à livrer leurs enseignements. Philippe évoque notamment le partenariat avec « un gros industriel spécialisé dans la communication par l’objet » pour lequel un agent IA réalise « une analyse de marché complète sur l’Europe, avec recherche de contacts et personnalisation d’emails d’invitation ».

Cela me rappelle mes premières missions Internet dans les années 90. A l’époque, nous proposions des études de marché en nous basant sur les résultats des moteurs de recherche. Comme dans ces temps préhistoriques du Web, les résultats automatiques de ces phases de « desk research » doivent être systématiquement complétés par de l’analyse et de la vérification, et si possible un ou plusieurs terrains ad hoc. 

Un exemple d’utilisation de Zenbaia par le Crédit Agricole

Vers une démocratisation des agents IA

Le modèle économique de Zenbaia est de 20 euros par utilisateur et par mois plus un tarif à la consommation. Ceci permet selon Philippe de calculer facilement le retour sur investissement en comparant le temps machine au coût salarial équivalent. Une approche transparente qui devrait faciliter l’adoption en entreprise.

Les agents IA sont un vocable quelque peu nébuleux. Ils sont souvent présentés comme une panacée informatique, destinée à résoudre tous les problèmes de manière magique. La magie, malheureusement, cache souvent un truc. Et nombre de solutions d’agents IA sont encore plus impénétrables que le vocable qui les rassemble. 

L’approche de Zenbaia, tout comme celle de Salesapps, permet de rendre l’approche dite « agentique », plus concrète et moins superficielle. Reste à voir si cette approche « bottom-up » parviendra à fournir les résultats escomptés et si les utilisateurs apprennent à contourner les effets rebond. 

Une chose est certaine, comme toujours dans le domaine digital, les autoprophéties sont à la source de l’innovation. Même si la notion d’agent IA est mal définie, ce sont des applications comme celle-ci qui finiront par lui donner un sens. 

Une évolution qui pourrait bien transformer notre rapport au travail plus profondément que toutes les grandes transformations digitales annoncées.


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