Le Retour au pays natal d’Aimé Césaire est devenu une réalité pour bien des Sénégalais issus de la diaspora. Ces repats comme on les appelle sont de plus en plus nombreux à revenir au bercail pour y mener leurs activités.
« Galsen moy daw suñu derett, lu mu gudi gudi da ñu ñibissi » (NDLR : Le Sénégal est notre pays et tôt ou tard, nous rentrerons au bercail), chante le célèbre groupe Dara J Family dans son clip Cosaan. Ces mots résonnent particulièrement chez les repats. Ce terme désigne les Sénégalais généralement bardés de diplômes et d’expérience internationale, qui décident de revenir au pays pour y créer des entreprises.
C’est le cas de Mame Kankou Traoré Mboup. La Sénégalaise a décidé de dire au revoir à la France pour revenir au pays natal. Elle a passé une bonne partie de sa vie au pays de Marianne. Après l’obtention de son bac à Dakar, la nouvelle bachelière s’envole pour la France, où elle intègre une école de commerce à Paris.
« J’ai fait mes armes dans le marketing digital dans deux grandes structures françaises, avant d’intégrer un média spécialisé dans la construction et l’architecture pendant plus de dix ans. Plus tard, j’ai pris l’engagement de me battre pour faciliter l’investissement immobilier au Sénégal », confie la cofondatrice de Batiboom, une agence immobilière basée à Dakar.
Mame Kankou Traoré Mboup n’hésite pas à répondre à l’appel du pays natal après 20 ans en France. Avec son mari et ses enfants, elle prend un vol direct pour le Sénégal, pays d’opportunités pour l’entrepreneure.« J’ai toujours voulu entreprendre au Sénégal. Mais ce n’est qu’en 2021 que je m’y suis consacrée totalement, en quittant mon emploi et en cofondant la société Batiboom. Notre retour a été effectif en 2024, lorsque mon mari a trouvé un poste à Dakar. J’ai donc fait plusieurs allers-retours pour les besoins de Batiboom avant le grand départ », raconte-t-elle.
L’appel de la patrie
Ousseynou Guèye a également tout plaqué pour venir investir dans son pays. Aujourd’hui, il a mis sur pied Polaris Asso. Son étoile polaire, bien qui éclaire sa voie, bien loin de la grisaille parisienne. « C’est une organisation basée à Dakar et implantée dans cinq pays : le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Bénin et la Gambie. Nous éveillons le pouvoir citoyen des populations en utilisant le numérique », explique le directeur exécutif.
Mais l’association ne se limite pas à cela. Au siège de Polaris, sis à Ngor, plusieurs jeunes s’affairent derrière leurs ordinateurs. Ici, ça travaille à tous les étages dans des espaces de coworking. C’est aussi l’une des missions de l’association.
« Nous utilisons également le numérique pour former et sensibiliser les jeunes, les acculturer à un certain nombre de sujets liés à la vie publique, à l’accès aux données publiques, au fonctionnement de leur territoire, de leur commune, de leur collectivité territoriale, de l’État, de nos institutions, et au rôle qu’eux-mêmes peuvent y jouer. Nous sommes près d’une quarantaine de personnes », détaille l’ancien enfant de troupe du Prytanée Militaire de Saint-Louis. « J’ai fait toutes mes humanités ici. Après un cursus entamé à Rufisque, j’ai eu la chance de bénéficier d’une école d’excellence : le Prytanée Militaire de Saint-Louis, de la sixième à la terminale L », raconte le lauréat du concours général de français.
Impacter
Le prodige enchaîne avec trois années de licence en droit et en science politique à l’UGB avant de s’envoler pour la France.« J’ai fait part à ma mère de mon ambition de revenir au bercail. Parce que je ne peux pas me permettre d’acquérir des compétences et d’en faire profiter un autre pays », affirme-t-il avec conviction.
Fort de ses expériences en sciences politiques et de son parcours chez Google, Ousseynou Guèye revient au Sénégal en décembre 2019 avec une vision claire de ce qu’il souhaite apporter à sa patrie.« Mon but est d’utiliser le numérique pour éveiller le pouvoir citoyen chez les jeunes », explique-t-il. Une manière pour le trentenaire de prouver qu’il est bien possible d’être issu de la diaspora et de revenir pour avoir un impact dans son pays.
Mame Kankou Traoré Mboup croit aussi au potentiel de la diaspora pour le développement du Sénégal.« Quand on a la chance de voyager, on apprend que malgré toutes les belles aventures que l’on peut expérimenter, on n’est jamais mieux que chez soi », soutient-elle.
Pour la cofondatrice de Batiboom, le retour au pays est une bénédiction. Elle estime qu’il doit se faire sans hésitation. Mais elle souligne l’importance de préparer ce saut. « Il faut se fixer des objectifs clairs, apprendre la flexibilité et la patience, s’organiser financièrement et être prêt à s’adapter en toutes circonstances, aussi bien d’un point de vue personnel que professionnel », préconise-t-elle.
Mariame Wone a également su identifier le bon moment pour sauter le pas. Directrice et fondatrice du cabinet de coaching et de formation Action Impulsion Coaching, elle a créé son entreprise tout en vivant à Orléans. « Je suis un pur produit de l’école sénégalaise. Si je peux participer à l’épanouissement de sa jeunesse – et même des moins jeunes – pourquoi pas ? C’est une mission que je me suis donnée », affirme-t-elle avec conviction.
Ces appels à un retour au bercail entrent en parfaite ligne avec les nouveaux dirigeants. Lors d’une visite officielle en Gambie en décembre 2024, Ousmane Sonko a réaffirmé son engagement envers les Sénégalais vivant à l’étranger. Il a annoncé son souhait de mettre en place des mécanismes pour encourager ces derniers à investir dans leur pays d’origine et à participer activement à son développement.
Il a informé également que le gouvernement prévoit de promouvoir des initiatives pour accompagner les expatriés dans leurs projets économiques, notamment par le biais de financements, de formations et de partenariats avec des organisations internationales. Dans ce même sillage, en visite au Nigeria en juin dernier, le président de la République a annoncé l’organisation prochaine d’une Journée nationale dédiée à la diaspora, afin de mieux structurer l’accompagnement des Sénégalais de l’extérieur et valoriser leur rôle dans le développement du pays.
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Arame NDIAYE