L’Europe envisage une nouvelle réglementation : le « Digital Fairness Check ». Son objectif ? Intensifier les efforts pour un environnement en ligne plus équitable et transparent et protéger les…
France
Media, Telecoms, IT, Entertainment
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L’Europe envisage une nouvelle réglementation :
le « Digital Fairness Check ».
Son objectif ? Intensifier les efforts pour
un environnement en ligne plus équitable et
transparent et protéger les consommateurs
contre les pratiques déloyales en ligne telles que
les
dark patterns (interfaces trompeuses qui manipulent les
choix) et le marketing d’influence déloyal sur les
réseaux sociaux.
Contexte d’émergence du Digital Fairness Act
Le Digital Fairness Act s’inscrit dans
la continuité des initiatives
européennes visant
à responsabiliser les acteurs du
numérique. Février 2024 a marqué un
tournant avec l’entrée en vigueur du DSA, imposant aux
grandes plateformes davantage de transparence et de contrôle
sur leurs pratiques.
Dans la foulée, la Commission a publié le rapport
« Digital Fairness Check », révélant des
pratiques en ligne problématiques : interfaces
trompeuses, conceptions addictives, désabonnements
compliqués ou encore manque de clarté sur les
contenus sponsorisés. Sur cette base, la présidente
de la Commission européenne Ursula von der Leyen, a
chargé le nouveau commissaire Michael McGrath de
préparer un texte ciblant ces dérives.
Le Digital Fairness Act (ou DFA) ambitionne
de renforcer les droits des
consommateurs en comblant les zones grises du droit
sans dupliquer les normes existantes. Bien qu’il ajoute une
nouvelle couche à un cadre déjà dense (RGPD,
DSA, DMA), il vise à harmoniser des règles encore
fragmentées et à encourager des pratiques
numériques plus équitables.
Le renforcement législatif porté par le Digital
Fairness Act se justifie par
la généralisation de pratiques
numériques manipulatrices, telles que les dark
patterns, qui exploitent les biais cognitifs des utilisateurs pour
influencer leurs décisions (achat non désiré,
partage excessif de données, désabonnement
compliqué). Ces interfaces trompeuses, d’ores et
déjà interdites par le DSA (cf. article 25),
compromettent le libre arbitre des internautes.
Si ces pratiques peuvent rendre les services plus pertinents,
elles posent aussi un risque d’exploitation des publics
vulnérables, en particulier les mineurs. Le design addictif
de certains services numériques accentue encore cette
pression attentionnelle.
Le rapport Digital Fairness Check estime
le coût de la tromperie numérique
à 7 milliards d’euros pour les
consommateurs en 2023, contre un coût de mise en
conformité bien moindre pour les entreprises.
La portée du Digital Fairness Act
Le champ d’action du Digital Fairness Act
devrait couvrir un large éventail de pratiques
commerciales numériques. Selon les orientations de
la Commission, le texte devrait interdire les dark patterns sous
toutes leurs formes et instaurer des obligations de
« fairness by design » à
l’instar du « privacy by design » : choix
clairs, options par défaut protectrices, facilité de
désinscription, ou encore limitation des incitations
excessives.
La protection des publics
vulnérables, en particulier les mineurs, constitue
un autre point important. Le Digital Fairness Act pourrait imposer
aux plateformes de prendre en compte l’âge et la
vulnérabilité des utilisateurs dans la conception de
leurs interfaces, via des évaluations de risques
spécifiques.
Ces derniers mois, plusieurs géants du numérique
ont été ciblés pour des pratiques
jugées déloyales :
Meta pour des publicités trompeuses et une gestion
problématique des contenus politiques,
TikTok pour un manque de transparence vis-à-vis des
mineurs (avec une amende record de 345 millions d’euros en
2023), Google sous surveillance de l’autorité italienne
de la concurrence, ou encore
Shein, sanctionnée pour pratiques commerciales
trompeuses.
Certains, comme le groupement européen des
régulateurs audiovisuels (ERGA), plaident néanmoins
pour un
meilleur usage des textes existants plutôt
qu’une nouvelle législation.
Quels impacts pour les entreprises ?
Si l’objectif du Digital Fairness Act fait
consensus, ses implications pratiques
soulèvent des inquiétudes, en particulier
chez les acteurs économiques.
L’un des points les plus sensibles concerne
une possible interdiction de la publicité
ciblée. Or, cette forme de publicité
constitue un levier essentiel pour les PME ainsi que les start-ups
qui y trouvent un moyen efficace et accessible de toucher leur
clientèle. En France, la grande majorité des PME
attribuent directement une partie de leur croissance à la
publicité personnalisée. L’interdire risquerait
donc de fragiliser leur compétitivité.
Les médias en ligne partagent cette préoccupation.
Leur modèle repose sur la gratuité financée
par la publicité ciblée, plus rentable que la
publicité classique.
Si on la supprime, deux conséquences pourraient
survenir :
- Les éditeurs de contenus seraient contraints de
réduire leur offre ou de la faire payer ; - De nombreux petits médias, en particulier dans les pays
où le marché publicitaire est modeste, pourraient
voir leurs revenus chuter et certains disparaître, au
péril de la diversité médiatique.
Plus globalement, c’est le poids de la
régulation européenne (RGPD,
DSA, DMA…) qui inquiète. En effet,
si les grandes plateformes ont les moyens de s’adapter, les
structures plus modestes peinent à absorber les coûts
de conformité.
The content of this article is intended to provide a general
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