IBOU, le moteur de recherche français qui veut réinventer l’information en ligne


Sur un marché des moteurs de recherche dominé par les géants américains, une petite équipe française, nourrie de nombreuses années d’expérience dans le référencement naturel et l’intelligence artificielle, prépare un nouveau venu ambitieux : IBOU. Porté notamment par Sylvain Peyronnet (cofondateur de Babbar et YourTextGuru), ce projet annoncé il y a quelques jours n’ambitionne rien de moins que de redéfinir la façon dont les utilisateurs consultent, recherchent et obtiennent l’information sur le web. Sylvain nous livre les coulisses d’un pari technologique et philosophique !

Naissance d’un rêve de longue date

Pourquoi lancer un moteur de recherche en 2025, alors que Google et Bing semblent intouchables ?
Pour Sylvain Peyronnet, c’est avant tout une histoire de maturation technologique et d’opportunité stratégique. Ce rêve a d’abord germé il y a près de vingt ans.

« L’idée d’un moteur de recherche nous trotte dans la tête depuis longtemps. Personnellement mon tout premier algo de moteur date de 2005, et pour le reste de l’équipe Babbar c’est aussi un rêve de longue date. »

Ce qui a changé aujourd’hui, c’est la montée en puissance des modèles de langage et d’IA (LLM, VLM, GNN), capables de comprendre l’intention humaine, de filtrer le bruit et d’organiser l’information de façon autonome. Pour Sylvain, le « moat » (fossé concurrentiel) de Google, construit sur des milliards de clics pour affiner ses algorithmes, n’est plus incontournable.

« Celui qui sait faire la collecte de données, l’indexation thématique et l’architecture système, peut challenger les géants techniquement. »

À quoi ressemblera IBOU ?

Le pari est double : offrir à la fois un système de recommandation de contenu (“push”, proche du “Discover” Google) et un moteur de recherche conversationnel (“pull”), capable de répondre directement aux questions des utilisateurs. L’UX finale reste à définir, car l’équipe n’a pas vocation à penser le produit pour des utilisateurs experts comme elle, mais pour le grand public.

« On est en R&D à fabriquer un POC, et ce que je peux dire, c’est qu’il y aura dès le début deux verticales : une push, c’est-à-dire un système de recommandation de contenu, et une pull, c’est-à-dire un moteur de recherche qui renverra des informations. Ce moteur sera conversationnel. »

  • Conversationnel et agentique : IBOU ne se contentera pas de lister des pages, il générera directement la réponse à la question posée, en s’appuyant sur une multitude de sources, qu’il mettra en avant lorsque cela sera pertinent. L’objectif est de soulager l’utilisateur de la synthèse manuelle de l’information.
  • IBOU Explorer : pour répondre au besoin de découverte, une verticale dédiée à la recommandation personnalisée de contenus de qualité, à la manière de Google Discover, sera proposée sous le nom d’IBOU Explorer. L’accent sera mis sur la qualité et la diversité des contenus recommandés.
  • Expérience utilisateur itérative : l’UX et les fonctionnalités seront peaufinées grâce à des phases de tests en accès privé (alpha, bêta), avant une ouverture progressive au grand public. L’équipe s’engage à écouter les retours pour adapter le produit aux usages réels.

La qualité de l’information comme horizon

Pour Sylvain Peyronnet, la distinction est claire : Google est aujourd’hui un moteur de recommandation de pages, là où IBOU veut être un moteur de réponse.

« Il n’existe de nos jours qu’un seul moteur conséquent qui soit réellement un moteur de recherche au sens originel du terme, et c’est Perplexity […] Google est en fait un moteur de recommandation de contenu. »

La qualité se mesure à la fiabilité de la réponse (« est-ce correct ? ») et à son utilité (« est-ce pertinent ? »). C’est un défi algorithmique, mais l’équipe s’engage à prendre en compte les comportements humains, sans s’enfermer dans des critères purement quantitatifs.

  • Qualité de la réponse, pas seulement des sources : IBOU veut juger la qualité de la réponse elle-même, pas seulement celle des pages web sources. Une réponse peut être incorrecte ou inutile même si elle s’appuie sur des contenus de qualité.
  • Exigence algorithmique et humaine : la qualité est un critère central, mais sa définition reste subtile : correcte ET utile. L’équipe compte sur l’IA pour affiner cette évaluation, tout en intégrant les retours des utilisateurs.
  • Briques techniques matures : l’équipe dispose d’un crawler capable de traiter 2 à 4 milliards de pages par jour, d’un index de 1 500 milliards de pages, de métriques propriétaires, d’un travail avancé sur l’indexation thématique au niveau des « passages » et d’algorithmes sémantiques efficaces. Ces technologies, initialement développées pour Babbar et YourTextGuru, forment le socle technique d’IBOU.

Des fonctionnalités différenciantes ? Trop tôt pour le dire…

À ce stade, le point fort d’IBOU est la flexibilité de son développement. L’équipe compte s’appuyer sur les retours des testeurs pour affiner le produit.

Un axe déjà affirmé : la transparence envers les créateurs de contenu. Des outils seront proposés aux éditeurs pour suivre l’indexation, la présence dans les réponses, et même comprendre la qualité attribuée à leurs contenus.

« Nous avons écrit un manifeste et une de nos valeurs, c’est la transparence vis-à-vis des producteurs de contenus et des éditeurs. Fournir des outils est donc une nécessité à terme. »

  • Vision collective et valeurs : l’équipe privilégie la diversité des sources, la transparence technologique, le respect des droits des créateurs, la sobriété technique (optimisation des ressources) et la valorisation des éditeurs. Ces valeurs sont formalisées dans un manifeste public.
  • Outils pour les producteurs : à terme, IBOU proposera des outils de monitoring pour les éditeurs, afin de suivre la présence de leurs contenus dans l’index et les réponses, et de comprendre les critères de qualité appliqués.

David contre Goliath : le défi de la notoriété

La technologie, Sylvain Peyronnet n’en doute pas, n’est pas le principal obstacle. Le vrai défi est celui de la notoriété, dans un monde où le réflexe Google est ancré chez la quasi-totalité des internautes.

« Le vrai défi, c’est surtout la notoriété (et les moyens pour l’obtenir). […] On dévoilera les étapes importantes, mais on ne va pas transformer le projet en feuilleton. »

IBOU ne fera pas un « build in public » systématique, mais promet d’être transparent sur les grandes étapes du projet.

Quel modèle économique pour IBOU ?

À court terme, l’équipe continue de s’appuyer sur ses outils SEO pour financer le développement, tout en assurant la pérennité de ces services. Sur le long terme, tout modèle est envisagé (freemium, API, B2B…), en fonction de l’adoption du moteur.

« Sur un temps plus long, il faudra des moyens : si la notoriété est au RDV, ce ne sera pas un problème, avec une monétisation classique de moteur, sinon il faudra être créatif. »

Quelles sont les prochaines étapes ?

Aucune feuille de route publique n’est prévue pour l’instant : l’équipe veut garder la liberté d’itérer et de pivoter selon les retours des testeurs.

« Nous sommes encore en phase de R&D forte, nous n’avons pas de roadmap publique car cela nous engagerait sur des choses que l’on ne retiendrait peut-être pas. Il y aura des versions alpha, beta et cie, nous intégrerons à chaque fois des utilisateurs extérieurs, jusqu’à l’ouverture au grand public. »

Éthique et indépendance

Dans un contexte de centralisation massive de l’information, IBOU entend afficher une posture transparente, respectueuse des contenus et des utilisateurs. Son manifeste est lisible en ligne et pose les bases de ce qui veut devenir, à terme, une alternative éthique aux géants du web.

Extrait du manifeste de l’équipe :

Nous voulons un internet qui reste public.
Nous voulons un internet qui reste ouvert.
Nous voulons un internet qui respecte celles et ceux qui le font vivre.
IBOU s’engage à avancer avec vous dans cette direction.

Un test grandeur nature

IBOU n’est pas (encore) un concurrent direct de Google, mais c’est un projet ambitieux, porté par une équipe expérimentée, qui mise sur la convergence des avancées en IA, la qualité des réponses, la transparence envers les producteurs de contenus et une vision « éducation nationale » du web.

Ce n’est ni un fantasme mégalo, ni un simple proof of concept d’ingénieur. C’est un pari sur l’avenir de la recherche d’information, où l’intention, la pertinence et l’éthique retrouveraient une place centrale.

Face à la centralisation massive des données par les géants du web, comment IBOU entend-il faire différemment ? En faisant autrement ! Comme le rappelle le manifeste de l’équipe :

IBOU n’est pas simplement un moteur de recherche. C’est une promesse de respect, de transparence et de contribution à un web où chacun est libre d’apprendre, de partager et de grandir, sans sacrifier ses principes ni ses infrastructures.

Quoi qu’il advienne, le lancement d’IBOU sera un test grandeur nature de la capacité des nouveaux acteurs à s’imposer dans un écosystème formaté par les géants, et un jalon dans la bataille éthique et technologique qui façonne le web de demain.

On remercie Sylvain Peyronnet d’avoir pris le temps de répondre à nos questions !



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