Quand les communautés de marque prennent le pouvoir à l’ère du Web3 et du métavers


Le métavers et toutes les technologies qui y sont associées sont en train de changer à bas bruit les modes de consommation. La place du consommateur ne peut plus être la même avant qu’après. Comment les marques doivent-elles en tenir compte pour rester dans la compétition ?


L’essor du Web3 et du métavers annonce une nouvelle ère d’innovation pour les entreprises, ouvrant ainsi la voie à la création de modèles d’affaires disruptifs où les consommateurs deviennent des acteurs clés, des cocréateurs actifs voire des copropriétaires de produits. Avec une architecture décentralisée du Web3, les utilisateurs auront la possibilité de créer, de posséder et d’échanger des objets virtuels en toute liberté avec une totale maîtrise sur leurs données.

Simultanément, nous assistons depuis quelques années à une multiplication d’environnements immersifs en 3D associant la réalité virtuelle et l’intelligence artificielle, appelés métavers. Dans ces nouveaux univers, les frontières entre les mondes physique et virtuel s’estompent pour proposer aux utilisateurs des expériences immersives avec les possibilités de naviguer d’une manière fluide entre les différents univers virtuels interconnectés.

Un changement majeur

Ces innovations devraient conduire à un changement majeur dans la conception des stratégies d’innovation des entreprises qui deviennent plus ouvertes et collaboratives. Dans ce contexte, les membres de la communauté deviennent des cocréateurs de valeur qui participent activement à toutes les étapes du processus d’innovation : du partage de l’information, à l’idéation en passant par le vote, le test des prototypes jusqu’à la conception.




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Le métavers s’impose comme un levier stratégique pour des entreprises en quête de solutions innovantes, efficaces, et rapides. Par sa dimension immersive, il permet à des individus d’horizons variés de se concerter virtuellement en vue de mutualiser leurs expertises et leurs connaissances pour dénouer de façon créative des problèmes complexes. Cet univers collaboratif devient un terrain dynamique où les idées se croisent et s’enrichissent pour stimuler l’intelligence collective et favoriser l’émergence de solutions innovantes.

L’exemple frappant de l’association Pencils of Promise proposant à ses collaborateurs et à ses membres bienfaiteurs une expérience immersive au sein d’une salle de classe au Ghana, à l’issue de laquelle les participants sont parvenus à mieux identifier les besoins réels et les défis de l’éducation dans cette région. Cette approche a ainsi facilité la conception de solutions pertinentes et ciblées, parfaitement adaptées aux réalités du terrain.

L’irruption de l’ethnographie immersive

Le succès d’une stratégie d’innovation réside dans la connaissance fine des attentes des consommateurs et de leurs comportements. Aujourd’hui, pour affiner les études de marché traditionnelles – telles que les groupes de discussion et les tests A/B, transposables dans des environnements virtuels –, l’ethnographie immersive s’impose plus en plus. Grâce à l’observation fine des expériences des utilisateurs, elle permet aux entreprises d’accéder et d’analyser, en temps réels, une multitude de données comportementales et émotionnelles. L’exploitation de ces informations permet de mieux saisir les motivations profondes des utilisateurs, d’identifier leurs besoins latents ainsi que leurs insatisfactions, rendant les stratégies d’innovations des entreprises proactives et agiles.

La réussite d’un nouveau produit ne relève pas seulement de son originalité, Il dépend surtout de sa fiabilité et de sa capacité à répondre aux attentes des consommateurs. Dans ce contexte, la phase de test préalable au lancement ainsi que la participation active des consommateurs dans ce processus de validation deviennent des étapes clés. Traditionnellement, les tests de produit s’appuient sur des descriptions verbales, des dessins, des images ou même des listes de caractéristiques. Bien qu’utiles pour fournir les premières impressions des utilisateurs sur le produit, ces techniques restent informatives et peu pertinentes en raison de l’absence d’interactions réel avec le produit, les feed-back des utilisateurs demeurent superficiels.

Jumeaux numériques

L’avènement des jumeaux numériques, des répliques virtuelles d’objets physiques modifient la donne avec une approche plus authentique et expérientielle à cette phase de test. En effet, grâce à des simulations immersives et interactives, les entreprises sont en mesure de tester virtuellement leurs prototypes par un grand nombre d’utilisateurs. L’observation en temps réel des réactions des utilisateurs lors de l’usage du produit, accompagnées de feed-back riches et pertinents, oriente les entreprises bien en amont sur les dysfonctionnements, les pistes d’améliorations et les nouvelles opportunités de développement. Ces décisions proactives limitent considérablement le taux d’échec des nouveaux produits.

Copropriété numérique

Les innovations ne s’arrêtent pas là. Faire participer activement les membres de la communauté au développement des produits n’est pas une nouveauté en soi. En revanche, leur offrir une copropriété numérique, un pouvoir de décision et une maîtrise complète de leurs données est totalement disruptif.

Kiki World, une start-up du secteur de la beauté a réussi ce pari en bousculant les codes de l’industrie. Le modèle économique de la marque repose sur deux innovations majeures.

D’une part, la démarche de faire participer la communauté à toutes les phases de conception du produit en l’invitant à voter pour les produits qu’elle souhaiterait voir naître, puis lui permettre de contribuer à leur cocréation lors d’ateliers virtuels, de discussions communautaires et de séances de brainstorming en ligne.

Le modèle économique participatif de Kiki World est en parfaite adéquation avec les attentes du marché puisqu’il a réussi à mobiliser une communauté comptant plus de 12 000 membres autour de la création de produits cosmétiques. Chaque nouveau lancement suscite l’enthousiasme de la communauté, confirmant l’attractivité d’une approche collaborative pour les consommateurs. Cet engouement communautaire s’est traduit par une levée de fond de 7 millions de dollars soutenu par des investisseurs de renom, dont a16z Crypto et New Incubation Ventures d’Estée Lauder.

D’autre part, l’innovation de la marque réside dans son système de récompense fondé sur la blockchain. Les membres se voient attribuer pour chacune de leurs contributions des points échangeables contre des produits gratuits ainsi qu’un jeton numérique non transférable (NFT). Le jeton étroitement lié au profil permet au bénéficiaire d’acquérir la propriété numérique des produits qu’il crée. La marque possède l’une des plus grandes communautés, avec plus de 1 500 détenteurs de jetons. Les membres les plus actifs créent des expériences décentralisées grâce à des objets de collection NFT spécifiques aux produits contribuant ainsi à la création de la valeur.

Xerfi Canal 2022.

Un obstacle éthique ?

Hyperconnectée et créative, la génération Z semble être la cible idéale pour s’engager dans des stratégies de cocréation avec des entreprises innovantes. Néanmoins, bien que technophile, cette génération affiche un réel scepticisme à l’égard de l’utilité et l’usage des technologies du web3 et du métavers, souvent perçues comme abstraites et complexes.

La méconnaissance, conjuguée à un cadre juridique encore ambigu, soulève des questions éthiques cruciales touchant à la confidentialité, à la sécurité des données et aux droits de propriété (intellectuelle, ndlr), incertitudes qui entravent l’enthousiasme de collaborer avec les marques et accentuent la réticence à partager les données.

La démocratisation de l’IA générative ouvre la voie à de nouvelles stratégies d’innovation automatisée profondément dynamiques. En effet, disposant d’outils capables de générer des idées et des concepts et de les concrétiser en un temps record, de plus en plus de marques cèdent leur processus créatif à des plateformes comme MidJourney.

Ces nouvelles stratégies qui s’appuient sur des algorithmes réduisent drastiquement le temps, les coûts et les risques associés à l’innovation. Alors, des interrogations et des questions cruciales s’imposent d’elles-mêmes : sommes-nous sur le point de signer la fin de l’ère de la cocréation ? Les communautés de marque risquent-elles à terme de se faire détrôner par les algorithmes ?



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