Après quinze années de succès, la profession de community manager connaît une crise majeure. Face à la pression accrue, à la stagnation des salaires et à la concurrence exercée par l’intelligence artificielle, les professionnels du secteur s’interrogent quant à l’avenir de cette profession emblématique du numérique. Les entreprises s’orientent dorénavant vers des profils davantage spécialisés et à vocation stratégique.
Une profession devenue délaissée et insuffisamment reconnue
Le constat s’avère désenchanté pour de nombreux community managers : confrontés à une pression incessante, à des horaires décalés, à une modération lourde et à des rémunérations stagnantes, ils ne perçoivent plus ce métier comme un idéal professionnel. Les rémunérations offertes demeurent comprises entre 24 000 et 35 000 euros brut annuels, en dépit d’exigences renforcées en matière de polyvalence et de réactivité.
La polyvalence est portée à son paroxysme, faisant du CM un véritable « homme-orchestre du digital », sans bénéficier d’une reconnaissance proportionnée. Chaque année, il incombe à ces professionnels d’acquérir de nouvelles compétences, de maîtriser des outils innovants et de maintenir une veille permanente quant à l’évolution du secteur. Une confusion s’instaure également concernant le poste, dans la mesure où le community manager est fréquemment désigné comme social media manager dans les offres d’emploi, sans que la rémunération ne reflète cette évolution des responsabilités.
L’intelligence artificielle modifie profondément les règles du jeu
L’avènement des intelligences artificielles génératives a promptement bouleversé le paysage numérique. En l’espace de quelques mois, des outils tels que ChatGPT ont rendu possible la production rapide de contenu, remettant en cause la nécessité d’engager un community manager lorsque l’intelligence artificielle est capable de générer des publications en quelques secondes et d’assurer la gestion de multiples tâches.
Bien que la valeur humaine demeure irremplaçable pour établir des liens, appréhender les communautés et gérer les crises, l’intelligence artificielle rivalise désormais avec certaines fonctions traditionnelles du community manager. Les entreprises accordent fréquemment la priorité à la simplicité et à la rapidité au détriment de la qualité, optant parfois pour le recours à des community managers indépendants tout en déléguant le reste à des outils automatisés.
Les profils récemment sollicités par les entreprises
Les recruteurs ne recherchent plus uniquement des community managers traditionnels, mais privilégient désormais des profils hybrides aptes à maîtriser plusieurs domaines d’expertise simultanément. Le social media strategist ou manager se caractérise par une vision stratégique, assurant le suivi des indicateurs clés de performance et orchestrant les campagnes en étroite collaboration avec le département marketing. Il assure directement la responsabilité de la performance numérique sur les réseaux sociaux.
Le content strategist ou manager possède une expertise approfondie dans la création de contenu dépassant le cadre des réseaux sociaux, incluant le référencement naturel (SEO), la rédaction de blogs, les newsletters ainsi que les vidéos YouTube, le tout guidé par une approche axée sur la performance et le retour sur investissement. Le growth hacker, situé à l’intersection du marketing et de la technologie, mobilise des leviers d’acquisition afin de développer rapidement une audience par le biais de l’automatisation, des tests A/B et de l’analyse des données.
L’apparition de disciplines techniques spécialisées
Avec l’essor des interfaces conversationnelles et des applications mobiles, le rôle de l’UX writer ou content designer s’impose désormais comme essentiel. Ce profil excelle dans l’art d’orienter l’utilisateur à l’aide des termes appropriés, au moment opportun, à l’intersection du copywriting et de l’expérience utilisateur.
Le curateur de contenu en intelligence artificielle, ou ingénieur en prompts IA, incarne une nouvelle profession consistant à élaborer des prompts pertinents, à employer les outils de génération adéquats, ainsi qu’à structurer et réviser les résultats tout en assurant une cohérence éditoriale. Néanmoins, ces instruments demeurent en cours de développement et ne sauraient se substituer intégralement à la dimension humaine ainsi qu’à la réflexion comportementale.
Confrontés à cette réalité, les community managers contemporains disposent de deux options. La première option consiste à progresser vers un poste à vocation plus stratégique, en développant des compétences approfondies en analyse de données, publicité en ligne, référencement naturel ou création de contenu spécialisé. Cette méthode offre la possibilité de mieux se positionner sur le marché, avec un salaire potentiellement plus avantageux, notamment pour le poste de social media manager.
La seconde option requiert une spécialisation, qu’elle porte sur une plateforme particulière (TikTok, Discord, Twitch) ou sur une expertise sectorielle (B2B, finance, santé, gaming). Les community managers qui réussiront seront ceux ayant saisi que cette profession ne saurait plus se limiter à ce qu’elle était à ses origines, compte tenu des exigences contemporaines en matière de rapidité d’exécution et de retour sur investissement immédiat.
Un avenir qu’il convient de réinventer plutôt que de condamner
La cessation du community management ne s’est pas encore produite, toutefois ce rôle se doit impérativement d’évoluer afin d’assurer sa pérennité. La profession telle qu’elle se présentait il y a quinze ans ne permet plus de satisfaire les attentes contemporaines des entreprises, lesquelles sont stimulées par l’essor de l’intelligence artificielle, les impératifs de performance et la reconnaissance accrue des compétences stratégiques.
Pour les entreprises, il s’agit de veiller à ce que les systèmes d’automatisation ne supplantent pas intégralement l’intervention humaine. Le lien avec les communautés, l’écoute attentive ainsi que la créativité demeureront des atouts irremplaçables par les intelligences artificielles ou les outils actuels. Il s’avère désormais essentiel de réévaluer la fonction du community manager au sein de l’écosystème numérique actuel.