Êtes-vous prêt pour le web agentique ? – FredCavazza.net


L’essor des agents intelligents ouvre une nouvelle phase de l’IA, au croisement des modèles génératifs, des chatbots et des assistants numériques. Ces programmes capables d’observer, raisonner et agir de façon autonome annoncent l’avènement d’un web « agentique » où les interactions, recherches et transactions seront en grande partie automatisées. Portée par d’importants investissements et l’émergence de standards techniques, cette évolution promet de transformer profondément les usages numériques. Elle questionne tout autant les modèles économiques que la relation entre marques, éditeurs et utilisateurs. Un changement de paradigme qui pourrait survenir bien plus vite qu’on ne l’imagine.

#GenAI


En synthèse :

  • Les agents ne sont pas des IA plus intelligentes, mais une nouvelle façon d’appliquer le principe d’intelligence artificielle, c’est-à-dire des programmes qui agissent de manière autonome pour atteindre les objectifs que nous leur fixons.
  • Le marché pousse à une adoption forcée pour rentabiliser les investissements colossaux dans l’IA et pour répondre au besoin constant d’une nouvelle « killer app« .
  • Le web agentique est vu comme l’avènement du Web4, où les agents deviennent des intermédiaires entre les entreprises et les consommateurs, créant un nouveau modèle « Business-to-Agent-to-Consumer ».
  • Si les navigateurs resteront, nos usages numériques vont être bouleversés, car les agents réduiront notre temps de consultation des sites et d’utilisation des services en ligne en faisant les choses à notre place.
  • La transition sera exceptionnellement rapide, contrairement aux ruptures précédentes, car des standards techniques émergent déjà pour garantir une adoption sans friction, rendant l’adaptation urgente.

Dans deux mois, nous fêterons le 3e anniversaire du lancement de ChatGPT. Trois années très intenses pendant lesquelles quasiment tous les acteurs du numérique (des géants historiques aux startups) se sont lancés dans une folle course à l’innovation. Une innovation qui porte essentiellement sur le coeur des IA : les modèles génératifs.

Nous commençons néanmoins à avoir une offre de services reposant sur l’IA générative de plus en plus vaste : chatbots, moteurs de recherche générative, outils de création, assistants numériques… Et dans le spectre des différents services d’IA, les agents intelligents sont ceux qui sont censés apporter le plus de valeur ajoutée, notamment dans les entreprises : When can AI make good decisions? The rise of AI corporate citizens.

Les IA dites « agentiques » sont-elles plus intelligentes que les IA traditionnelles ou les IA génératives ? Non, rien à voir, les agents intelligents sont simplement une autre façon de mettre en application le principe d’intelligence artificielle en combinant moteurs de règles et modèles génératifs.

J’ai déjà publié plusieurs articles sur le sujet des agents intelligents, dont Web agentique : quand l’industrie de l’IA cherche sa nouvelle ‘Next Big Thing’, mais je profite de l’occasion pour clarifier le terme.

Vous avez ainsi très certainement pu constater la très désagréable habitudes des américains à utiliser des termes jargonneux sans chercher à les expliquer. Ces derniers mois, les professionnels du numérique et de l’IA abusent du terme « agency« , très mal traduis en français pas « agence ». En réalité, le terme désigne la capacité d’agir, la faculté d’un individu ou d’une entité à agir sur son environnement, c’est-à-dire : prendre des décisions, exercer un choix, initier une action… Un « agent » est l’entité qui exerce l’agence (dans le sens « capacité d’agir »).

En informatique, un agent est un programme capable d’agir de manière autonome pour atteindre des objectifs qui lui sont fixés. Un agent intelligent est une évolution de ce concept, donc un programme qui g^race à l’IA générative est capable de percevoir son environnement, de raisonner pour prendre des décisions et d’agir en conséquence pour accomplir une tâche spécifique (cf. What are AI Agents?).

Maintenant que nous avons traité le « Quoi ? », il est temps de parler du « Pourquoi ? ».

Le marché veut sa nouveauté !

Aviez-vous remarqué que les usages numériques sont régulièrement bouleverser par de nouvelles pratiques ou technologies ?

  • il y a 25 ans, c’était les places de marché (ex : Ebay, Amazon…) ;
  • il y a 20 ans, c’était les médias sociaux (ex : Facebook, YouTube, LinkedIn…) ;
  • il y a 15 ans, c’était les smartphones et applications mobiles (ex : Uber, Deliveroo…) ;
  • il y a 10 ans, c’était la blockchain (ex : cryptomonnaies) ;
  • il y a 5 ans, c’était le métavers (ex : Fortnite, Roblox…).

Après l’arrivée fracassante des chatbots, ou plutôt DU chatbot (ChatGPT), le marché est logiquement en attente de sa nouvelle « killer app », une évolution prévisible dont je parlais déjà l’année dernière : Les scénarios d’adoption de l’IA générative pour 2025 et après.

N’allez pas penser que l’IA agentique est une nouvelle mode, comme le métavers ou les NFT, car les agents intelligents sont le point de convergence de différentes technologies : chatbots, logiciels en ligne, assistants numériques, objets connectés…

Du fait de la récence de ce concept, et de l’ambigüité avec les agents autonomes et les assistants numériques, un certain flottement persiste sur ce que sont les agents IA, ce qu’ils peuvent faire ou ne pas faire : Les agents intelligents sont-ils les nouveaux navigateurs web ?

Précisons tout de suite que non, les agents ne sont pas les nouveaux navigateurs web, puisqu’il faut un navigateur web pour créer et piloter un agent. Ceci étant dit, comme pour les applications mobiles, leur utilisation va nécessairement diminuer le temps passé sur les sites web. C’est là une subtilité importante à comprendre.

Pour éviter de devoir expliquer cette subtilité, certains éditeurs tentent de prendre le marché de vitesse et s’activent pour intégrer des agents aux navigateurs ou pour lancer des navigateurs qui intègrent leurs agents :

Le créneau embryonnaire des navigateurs agentiques a connu un pic d’enthousiasme avec la rumeur d’un projet de navigateur développé par l’éditeur de ChatGPT : OpenAI to release web browser in challenge to Google Chrome.

Impossible de savoir si cette rumeur est fondée ou non, elle doit très certainement l’être, car il y a des dizaines de projets parallèles chez OpenAI. Mais ce qui est certain, c’est que les navigateurs sont le plus petit dénominateur commun de nos usages numériques. Si les chatbots grignotent petit à petit l’audience des moteurs de recherche, les agents risquent non pas de diminuer notre besoin en navigateur, mais de modifier nos habitudes, notamment de consultation de sites web et d’utilisation de services en ligne. Car c’est ça la promesse des agents : faire les choses à notre place.

Ces changements d’habitudes se feront-ils à court terme (d’ici quelques mois) ? Difficile de le dire pour le moment, même si toutes les pièces du puzzle sont disponibles.

Une extension naturelle des chatbots

Comme précisé en début d’article, voilà presque 3 ans que ChatGPT est disponible, trois années que le grand public se familiarise petit à petit à l’utilisation des chatbots et découvre ce qu’il est possible de faire avec les modèles génératifs.

Nous avons maintenant un peu de recul sur la question et pouvons constater que l’adoption ne suit pas un schéma linéaire, et surtout ne porte pas du tout sur les services et usages qui sont les plus promus par les grands éditeurs. Pour vous en convaincre, il vous suffit de consulter la liste des services les plus utilisés (Top 100 GenAI consumer apps), la montée en puissance des chatbots religeux (Finding God in the App Store), ainsi que le statistiques d’utilisation fournies par les éditeurs de chatbots : New data from OpenAI and Anthropic show how people actually use ChatGPT and Claude.

Si les précédentes vagues (médias sociaux, smartphones…) ont mis quelques années à déferler, la vague des agents intelligents risque bien d’être plus rapide, car elle va bénéficier de nombreuses améliorations technologiques (notamment les modèles de raisonnement et d’action) ainsi que d’une maturation des usages (déjà près d’1 milliard d’utilisateurs des chatbots).

À la limite, je serai tenté de vous dire que votre avis ou le mien sur l’horizon de réalisation du web agentique ne comptent pas dans la mesure où nous ne décidons pas du rythme d’adoption du marché. En revanche, les géants numériques ont la capacité d’infléchir ce rythme. Et ils ne vont pas s’en priver dans la mesure où des investissements colossaux ont déjà été réalisés dans les infrastructures, sans commune mesure avec ce que nous avons connu par le passé : Record Data Center Construction Spending Surges to $14B.

Les acteurs historiques (Microsoft, Google, Amazon, SalesForce, Adobe…) comme les startups (OpenAI, Anthropic, DeepSeek…) ont l’obligation d’amortir au plus vite cette frénésie d’investissements, ou de démontrer une capacité à rentabiliser pour rassurer les actionnaires en période de surchauffe : Sierra CEO Bret Taylor on why the AI bubble feels like the dotcom boom.

Attendez-vous donc à une adoption à marche forcée, quitte à mettre les agents de force entre les mains des utilisateurs (Les agents intelligents nous font rentrer dans l’ère de la GenAI-as-a-Service). Nous ne sommes pas dans une configuration « Build it, and they will come« , mais « Build it, and they wil pay » !

Tenez-le pour dis : de profonds bouleversements sont à venir. Profonds comment ? Plus que vous pouvez vous l’imaginer…

Déjà le Web4 ?

J’avais émis l’année dernière quelques hypothèses sur l’évolution des usages numériques, d’un point de vue macro-économique (Du Web4 à la Société 5.0), mais les choses semblent se préciser avec l’avènement des agents intelligents.

Prédire l’évolution des usages et technologies numériques est un exercice compliqué, car le champ des possibles s’agrandit tous les ans. Ceci étant dit, il faut bien reconnaitre que les modèles génératifs ont tout balayé sur leur passage et que nous voyons maintenant tout sous le prisme de l’IA :

Avec l’arrivée à maturité des agents intelligents, c’est tout un pan de nos usages numériques que vous allons pouvoir faire évoluer : finis les recherches fastidieuses d’informations ou les formulaires à remplir, car ce sont les agents qui le feront pour nous. Ainsi, après une première époque où le web était consultatif (Web1), puis une seconde où il est devenu participatif (Web2), et une troisième où les utilisateurs ont pu devenir des contributeurs actifs (Web3), nous entrons potentiellement dans une nouvelle ère avec le web agentique.

Ce nouveau stade de maturité des usages numériques va faire émerger de nouvelles pratiques comme le BtoA(toC). Ainsi, les agents intelligents, et par extension les assistants numériques, vont devenir les nouveaux intermédiaires, faisant évoluer les interactions et transactions entre les utilisateurs et les fournisseurs de contenus, produits ou services. Selon le schéma du « Business to Agents to Consumers« , les marques ne vont plus traiter plus avec les consommateurs, mais avec leurs agents : AI is your newest audience: The B2A(2C) design challenge

Oui, ce modèle va changer beaucoup de choses, notamment les rapports de force : L’agentisation du web va-t-elle asservir les éditeurs et annonceurs ? et Serons-nous tous des esclaves du techno-féodalisme ? La question n’est plus de savoir si nous devons nous préparer à ces changements, mais combien de temps il nous reste…

Comment se préparer au web agentique ?

L’adaptation au changement est un processus chaotique, surtout quand les technologies ne sont pas mûres ou quand elles évoluent tout le temps. Nous avons ainsi encore en tête la douloureuse et laborieuse transition des ordinateurs vers les smartphones, avec la nécessité de développer successivement des applications natives, puis hybrides, puis progressives, et dernièrement la notion d’interfaces transparentes, le fait d’adapter l’interface au niveau de maturité ou aux besoins de chaque utilisateur (GenUI : de la personnalisation aux concierges numériques).

Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve, mais je doute fortement que la période de transition du web tel que nous le connaissons au web agentique va s’étaler sur une dizaine d’années. Aussi, il est urgent de réfléchir dès à présent à la meilleure manière d’adapter vos contenus et services en ligne (cf. Du SEO au GEO : Comment adapter votre référencement à l’ère des IA génératives, chatbots et assistants ?).

Les précédentes ruptures technologiques avaient été particulièrement laborieuses du fait d’absence de standards techniques, mais les choses sont différentes avec les agents intelligents, car il existe déjà un certain nombre de standards émergents qui sont non seulement très pertinents, mais aussi complémentaires :

Ici, des explications techniques :

Comme vous pouvez le constater, les choses avancent vite, ou du moins, tout est mis en oeuvre pour qu’il n’y ait aucun obstacle à une adoption rapide des agents intelligents. Certes, le rythme d’adoption va beaucoup dépendre de la volonté des utilisateurs d’adopter de nouveaux usages, donc d’abandonner les anciens, mais vous pouvez faire confiance à la ténacité des géants numériques pour leur forcer la main.

À priori, l’adoption la plus rapide va se faire dans des environnements qui sont en recherche de gains de temps et de performances, notamment dans le BtoB (ex : approvisionnements) ou avec des usages très mûrs où l’offre est éparpillée (ex : voyage).

Encore une fois, je suis incapable de prédire l’avenir, mais je présuppose que ls choses vont bouger très vite et que les retardataires vont être pénalisés. La bonne nouvelle est que l’effort d’adaptation est moindre, ou du moins que des solutions d’adaptation vont très rapidement être disponibles.

À vous de jouer maintenant !


Questions / Réponses

Qu’est-ce qu’un agent intelligent ?

C’est un mini-programme qui, grâce à l’IA générative, perçoit son environnement, raisonne et agit de manière autonome pour accomplir une tâche, bien au-delà d’un simple chatbot.

En quoi le web « agentique » diffère-t-il du web actuel ?

Il s’agit d’une nouvelle ère pour les usages numériques où les agents réalisent des actions en ligne (ex : recherche, réservation, transactions…) pour le compte des utilisateurs, réduisant le besoin d’interactions directes avec les sites web.

Pourquoi parle-t-on d’une adoption rapide des agents intelligents ?

Les grands acteurs du numérique ont déjà investi massivement et des standards d’interopérabilité émergent, ce qui supprime de nombreux freins techniques et accélère la diffusion.

Quelles sont les conséquences pour les entreprises et les marques ?

Les relations avec les consommateurs vont évoluer vers un modèle « Business to Agents to Consumers » où les marques traiteront de plus en plus avec des agents plutôt qu’avec les utilisateurs finaux.

Quels secteurs adopteront en premier les agents intelligents ?

Les environnements où les gains de temps et de performance sont cruciaux, comme le BtoB ou le tourisme, devraient être les premiers à déployer ces solutions à grande échelle.



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