2026 sera l’année de la réalité augmentée (par l’IA) – FredCavazza.net


La nouvelle génération de lunettes Ray-Ban Meta marque une étape décisive pour la réalité augmentée grand public. En combinant affichage interne, capteurs avancés et assistant numérique, Meta transforme un gadget de geek en une véritable interface entre monde physique et monde numérique. Ce lancement, au croisement de l’intelligence artificielle et de l’informatique spatiale, ouvre un marché prometteur au-delà des usages récréatifs. Il illustre la stratégie de Mark Zuckerberg : diffuser une superintelligence personnelle à très grande échelle, et imposer une nouvelle catégorie d’équipements connectés dans notre quotidien.

#AR #XR


En synthèse :

  • Les Ray-Ban Display de Meta sont les premières vraies lunettes de réalité augmentée grand public avec un affichage interne et un prix très attractif de 800$ ;
  • La véritable valeur ajoutée de ces lunettes ne réside pas seulement dans le matériel, mais dans leur association avec un assistant IA, incarnant la vision de Meta de fournir une « superintelligence personnelle » à ses utilisateurs ;
  • Ces lunettes ne concurrencent pas les masques de réalité mixte comme le Vision Pro d’Apple, elles ouvrent un nouveau marché pour un usage polyvalent en extérieur, complémentaire aux smartphones, montres et oreillettes ;
  • Le lancement de ces lunettes intelligentes coïncide avec les avancées majeures de l’IA générative et une lassitude du marché des smartphones ;
  • Plutôt que d’affronter frontalement Google ou OpenAI sur le terrain des chatbots, Meta crée un nouveau marché en associant son assistant numérique à des terminaux dont ils ont la maitrise.

La réalité augmentée est un sujet que j’aborde sur ce blog depuis de nombreuses années (cf. cet article publié en 2009 : Réalité augmentée, le nouvel eldorado des smartphones). Plus qu’un sujet, c’est un réel défi technique qui a connu un passage à vide durant une dizaine d’années avec l’hégémonie des smartphones. Puis, le marché s’y est à nouveau intéressé à mesure que les smartphones étaient en voie de standardisation :

Durant toutes ces années, deux événements majeurs ont secoué le marché de la réalité augmentée :

Avec le recul, nous comprenons maintenant les facteurs d’échec de ces deux produits : des limitations techniques et un problème d’acceptabilité pour les Google Glass (notamment par le grand public), un prix de vent bien trop élevé et l’absence d’applications de référence pour le Vision Pro : Quels scénarios d’adoption pour la réalité étendue ?

Toujours est-il que le génie est sorti de la boite et que les progrès constants alimentent de très gros espoirs pour la réalité augmentée / mixte et pour l’informatique spatiale en général : La réalité mixte est-elle l’avenir des médias ? et La réalité mixte est-elle une réalité de marché ?

Et pendant ce temps-là, le patron de Meta n’a jamais caché ses ambitions dans la réalité virtuelle / augmentée, tout en continuant d’injecter des dizaines de milliards de $ dans la R&D : Réalité mixte : Meta contre-attaque et Meta sur tous les fronts : VR, AR, MR, IA…

Leader incontesté du marché de la réalité virtuelle avec la gamme Quest (près de 85% de parts de marché), Meta subit néanmoins un léger tassement sur ce créneau en l’absence de nouveautés pour stimuler les ventes : Global VR Market Declines 12% YoY in 2024. Rien d’inquiétant, car ils ne peuvent pas assumer une diversification aussi intense alors que l’IA générative englobe une très large partie des ressources humaines, matérielles et financières du groupe.

Mais ça n’a pas empêché les équipes dédiées à la réalité augmentée de poursuivre leurs travaux et de connaitre enfin leur premier moment de gloire.

Et 1, et 2, et 3-0 !

La réalité augmentée existe depuis des décennies. Pour mémoire, il s’agit d’une technologie qui permet d’intégrer des éléments virtuels au sein d’un environnement réel. Les audioguides que l’on trouve dans les musées entrent ainsi dans la catégorie des appareils de réalité augmentée.

Si jusqu’à récemment, l’essentiel des usages se concentrait sur les smartphones, des pionniers comme Magic Leap ou Snapchat se sont aventurés sur le créneau des lunettes connectées dès 2016 avec l’ambition de les faire évoluer en appareils de réalité augmentée. Ils se sont néanmoins retrouvés confrontés à deux problèmes : le coût et l’aspect étrange, voir repoussant, de ces lunettes. Il a fallu attendre 2021 et le partenariat-clé entre Meta et EssorLuxottica pour qu’une première paire décente de lunettes connectées sortent en 2021 avec les Ray-Ban Stories.

Capitalisant sur un premier lancement réussi, les équipes de Meta ont ensuite lancé une seconde version (les Ray-Ban Meta) intégrant des composants plus puissants (notamment le SoC Snapdragon AR1 de Qualcomm) ainsi que l’ajout progressif de fonctionnalités à forte valeur ajoutée pour en faire un très beau succès commercial : Meta’s Ray-Bans smart glasses sold more than 1 million units last year.

Après de nombreux mois de spéculation, les fans de nouvelles technologies ont été ravis de l’annonce officielle d’une troisième version : les Ray-Ban Display (Meta Ray-Ban Display: AI Glasses With an EMG Wristband.). Considérées comme les vraies premières lunettes de réalité augmentée à affichage interne, ces lunettes proposent :

  • Un écran intégré de 600×600 pixels pour afficher des informations ;
  • Un bracelet d’électromyographie pour capter les mouvements de vos doigts ;
  • Un capteur vidéo de 12 MP monté sur la face avant pour faire de la reconnaissance visuelle ;
  • 6 micros pour capter les bruits ambiants ainsi que vos commandes vocales ;
  • Des mini haut-parleurs intégrés aux branches ;
  • Une connectivité Wi-Fi et Bluetooth…

Plus d’infos sur la page de description en français.

Certes, le cadre de ces lunettes est un peu plus large que celui des précédentes versions, mais elles ressemblent toujours à des Ray-Ban et proposent ce qui peut être considéré comme le premier système viable d’affichage interne avec une luminosité de 5.000 nits, le tout pour 70 g.

Ce qui surprend le plus avec cette troisième itération des lunettes connectées de Meta ne sont pas les caractéristiques techniques (d’autres constructeurs proposent des choses équivalentes), mais le prix de vente très agressif de 800$ qui en fait assurément le produit high-tech le plus désirable du moment.

Déjà disponible en pré-commande dans la boutique officielle (Meta Ray-Ban Display), ces lunettes ne sont pas encore commercialisées en Europe, ni les autres, car le partenariat de Meta avec EssilorLuxottica porte aussi sur d’autres marques comme Oakley qui dispose maintenant de sa propre gamme de lunettes intelligentes destinées aux sportifs : Meta unveils its new Oakley Meta Vanguard smart glasses for athletes.

Vous apprécierez leur ambassadeur de choc, notre Kyky national :

Présentées lors d’un événement un peu mouvementé où toutes les démonstrations n’ont pas fonctionné (les aléas du direct qui sont également survenus lors de présentations de Apple ou de Tesla), les équipes de Meta ont eu la bonne idée de distribuer des paires de leurs nouvelles lunettes à de nombreux journalistes et influenceurs pour qu’ils les testent, et le moins que l’on puisse dire est que cette nouvelle mouture est assurément une réussite, avec des améliorations sur de nombreux points : Meta’s new Ray-Ban smart glasses have twice the battery life et Hands-on: Meta Ray-Ban Display Glasses & Neural Band Offer a Glimpse of Future AR Glasses.

N’en déplaise aux sceptiques, ces lunettes existent et elles fonctionnent !

Autant l’arrivée de Meta sur le marché de la réalité virtuelle a eu pour conséquence de faire fuir la concurrence ; autant le lancement des Ray-Ban Display vont stimuler un marché où la concurrence risque d’être acharnée.

Des concurrents présents, mais à la traine

N’allez pas croire que Meta est seul sur le créneau de la réalité augmentée, car il existe déjà un certain nombre de lunettes intelligentes commercialisées par Snapchat ou amazon, ainsi que des projets très concrets chez Google et Samsung :

Et comme c’est désormais systématiquement le cas, il faut aussi compter avec les fabricants chinois historiques qui sont très actifs (HTX et XReal), mais également de nouveaux entrants de taille (Alibaba et Xiaomi) :

Et ce n’est pas tout, car nous pouvons également mentionner l’éditeur de ChatGPT qui a un projet en préparation : OpenAI and Jony Ive poach Apple designers, target key suppliers for hardware push.

Toujours est-il que Meta a réussis son pari, puisque ces lunettes sont bien réelles et elles fonctionnent !

C’est à ce stade de mes explications que vous êtes en droit de vous demander : « Heu… est-ce qu’un parle de lunettes de réalité augmentée ou d’accessoires intelligents ?« . Ce à quoi je répond : Oui.

Lunettes AR + AI = Lunettes AIR ?

Dans la mesure où les précédentes versions des Ray-Ban de Meta (les Stories) ou des Spectacles de Snap ne proposaient pas d’affichage et étaient surtout utilisées pour la captation de séquences vidéo, elles étaient surtout considérées comme des lunettes connectées.

Mais ça c’était avant que Meta ne mette à jour le logiciel interne des Ray-Ban pour qu’il puisse transmettre des instructions vocales ou visuelles à un assistant numérique sur votre smartphone (par exemple, pour faire de la traduction en temps réel). Cette mise à jour les ont fait basculer logiquement dans la catégorie des lunettes intelligentes.

Avec les Ray-Ban Display, nous avons des lunettes qui intègrent un affichage interne, une interface tactile / vocale / visuelle, ainsi qu’un assistant numérique. Ce ne sont plus réellement des lunettes connectées ou intelligentes mais des lunettes de réalité augmentée dans le sens littéral.

Les grincheux pourraient vous dire que ces lunettes sont limitées, car elles nécessitent un smartphone pour pouvoir fonctionner. Certes, mais dans la mesure où nous avons toujours un smartphone avec nous, ça ne fait pas de différence. Laissez-moi également vous rappeler qu’il existe un autre prototype de lunettes de réalité augmentée parfaitement autonomes qui a été conçu par Meta, mais son coût de revient est de 25.000$ (Introducing Orion, Our First True Augmented Reality Glasses), soit un prix de vente à 50.000$ !

La valeur ajoutée de ces Ray-Ban Display n’est pas dans l’affichage interne ou l’assistant numérique, mais dans la combinaison des deux. En ce sens, ces lunettes ouvrent une nouvelle catégorie.

Un produit complémentaire aux montres et oreillettes connectées

Au cas où vous poseriez la question : non, ces Ray-Ban display ne sont pas du tout concurrentes avec le Vision Pro d’Apple qui est un masque de réalité mixte. Non seulement ces deux produits ne sont pas du tout dans la même catégorie de prix, mais ils correspondent à des usages très différents : récréatifs et intérieurs pour le Vision Pro, polyvalents et extérieurs pour les Ray-Ban Display.

Jusqu’à récemment, les analystes estimaient que l’avenir n’était pas à la réalité augmentée ou la réalité virtuelle, mais aux équipements qui sont capables de faire les deux, et même plus, pour pouvoir justifier de prix de vente élevés. Un marché de niche, mais qui montrait des signes encourageants : AR/VR Market Rebounds with 18.1% Growth in Latest Quarter, Mixed and Extended Reality to Drive Long-Term Expansion.

Comme expliqué plus haut, les Ray-Ban Display correspondent à une nouvelle catégorie qui montre une appétence bien plus forte du marché, surtout avec un prix de vente à 800$ : Global Smart Glasses Shipments Soared 110% YoY in H1 2025, With Meta Capturing Over 70% Share.

Mark Zuckerberg, le patron de Meta, croit beaucoup en son produit. C’est la moindre des choses, car il y a investi énormément d’énergie et d’argent (des dizaines de milliards de $). Jusqu’à la semaine dernière, ces investissements étaient considérés comme une lubie de milliardaire, mais avec la commercialisation effective des Ray-Ban Display, on se dit qu’il y a maintenant de bien plus fortes chances que Meta puisse rembourser les investissements en R&D, car le marché potentiel est gigantesque. Au même titre qu’un artisan est pénalisé s’il n’a pas de smartphone (car pas joignable), le patron de Meta pense que le fait de ne pas s’équiper avec des lunettes intelligentes sera pénalisant : Zuckerberg says people without AI glasses will be at a disadvantage in the future.

Toujours est-il que l’on commence à y voir plus clair dans la stratégie de Mark Zuckerberg qui parviens à post-rationaliser sa vision sur le métavers : Meta Reframes Their Reality. Selon sa définition (« The metaverse is where the physical and digital worlds come together« ), le métavers fait référence à l’interconnection du monde physique avec le monde numérique, celui où sont numérisés les personnes, objets et lieux qui nous entourent, de même que les connaissances.

C’est sur ce point-là que Mark Zuckerberg fait taire les critiques : les Ray-Ban Meta ne sont que la première étape d’une stratégie de diffusion à grande échelle de ce qu’il décrit comme une superintelligence personnelle : leur assistant numérique Meta associé à des terminaux connectés qui permettent d’augmenter les capacités des utilisateurs (perception, compréhension, connaissances… cf. La superintelligence va décupler notre capacité d’agir).

Dit comme ça, je vous confirme que ça ôte l’envie de se moquer, car il avait raison : la superintelligence est la pierre angulaire des équipements connectés, de la réalité augmentée / mixte et de l’IA. La seule chose que l’on peut lui reprocher est d’avoir eu raison trop tôt.

Pourquoi maintenant ? Et après ?

Peut-on réellement reprocher à Mark Zuckerberg d’avoir eu raison trop tôt ? Non, car la technologie n’était pas prête, de même que les mentalités. Nous sommes bientôt 3 ans après la sortie de ChatGPT, de gros progrès ont été réalisés sur les modèles génératifs, notamment les modèles d’action et de représentation du monde, ainsi que sur les usages de l’IA générative.

Le lancement des Ray-Ban Display correspond donc à un timing impeccable. Ces lunettes seront logiquement un parfait complément aux montres et oreillettes connectées pour offrir une expérience complète de la réalité augmentée grâce à l’IA.

Suis-je enthousiaste face à cette perspective ? Oui, bien évidemment, car ça fait 15 ans que j’attends ce moment. Je veux croire au succès de ces lunettes de réalité augmentée, car les smartphones sont en fin de cycle : l’évolution se concentre sur des composants toujours plus performants (davantage de pixels et de Mo / Go), mais qui ne changent pas réellement ce que nous faisons avec. Pour vous en convaincre, il vous suffit de constater à quel point les keynotes d’Apple ne passionnent plus les foules, car l’attention est captée par l’IA (Apple Basically Ignored AI at Today’s iPhone Event).

Il y a bien un projet de lunettes de réalité augmentée chez Apple (Report Reveals Apple’s Secretive Vision Products Roadmap), mais elles risquent d’arriver trop tard sur le marché, et surtout de ne pas proposer une valeur d’usage supérieure à la concurrence, car il y a un gros retard sur l’IA.

Dans tous les cas de figure, l’ambition de Meta n’est pas de prendre Apple de vitesse, mais de prendre pied dans le quotidien de ses utilisateurs à travers un terminal dont ils ont la maitrise.

Vous pourriez me dire que Meta est complètement largué par rapport à OpenAI qui peut se vanter d’avoir des centaines de millions d’utilisateurs de ChatGPT (OpenAI says ChatGPT is on track to reach 700M weekly users), mais nous parlons d’un chatbot qui fournit des réponses textuelles. Vous pourriez également mentionner la très bonne progression de Google (Gemini tops the App Store thanks to new AI image model), mai nous parlons d’un modèle génératif de vidéos.

ChatGPT et Gemini sont respectivement un chatbot et un assistant numérique que l’on utilise sur son smartphone. L’assistant de Meta n’est pas en concurrence avec eux puisqu’il est destiné à être utilisé sur une nouvelle catégorie d’équipements connectés (lunettes de réalité augmentée, masques de réalité virtuelle…) et qu’il repose sur un modèle de représentation du monde (un « world model« ). Plutôt que de s’épuiser dans une concurrence frontale avec OpenAI, Google ou Microsoft, Mark Zuckerberg a pris la très bonne décision de s’orienter vers un nouveau marché (c’est la fameuse tactique de l’Océan bleu), et il peut pour cela s’appuyer sur les travaux du « grand père de l’AI » : Why AI Pioneer Yann LeCun Thinks the Real AI Revolution Hasn’t Even Started.

Avec l’officialisation des Ray-Ban Display, Meta n’a pas seulement relancé les marchés de la réalité augmentée ou des accessoires connectés, il a ouvert un nouveau pan de développement pour l’intelligence artificielle, avec l’ambition de la diffuser auprès de ses milliards d’utilisateurs captifs.

Autant vous dire que j’attends avec impatience la disponibilité de ces nouvelles lunettes en France !


Questions / Réponses

Qu’est-ce que la réalité augmentée ?

La réalité augmentée est une technologie qui permet d’intégrer des éléments virtuels (ex : son, images, objets 3D…) dans notre environnement réel. Un exemple simple est l’audioguide dans un musée, qui ajoute une couche d’information sonore à ce que vous voyez.

En quoi ces nouvelles lunettes sont-elles différentes des versions précédentes ?

La principale nouveauté des Ray-Ban Display est l’intégration d’un écran à l’intérieur des lunettes pour afficher des informations. Les versions antérieures étaient surtout des lunettes connectées utilisées pour capturer des photos et des vidéos, mais elles ne possédaient pas d’affichage interne.

Ces lunettes remplacent-elles un smartphone ?

Non, elles sont conçues pour être un complément à votre smartphone, qui reste nécessaire à leur fonctionnement. Elles s’inscrivent dans la même logique qu’une montre ou des oreillettes connectées, en augmentant les capacités de l’utilisateur sans remplacer le téléphone.

Est-ce la même chose que le casque Vision Pro d’Apple ?

Non, ce sont deux produits très différents. Le Vision Pro d’Apple est un masque de réalité mixte bien plus cher, conçu pour des usages récréatifs principalement en intérieur. Les Ray-Ban Display sont des lunettes légères et plus abordables, pensées pour un usage polyvalent en extérieur.

Pourquoi l’intelligence artificielle est-elle si importante pour ces lunettes ?

L’IA est le « cerveau » qui transforme l’usage de ces lunettes grâce à l’assistant numérique de Meta. C’est lui qui permet, par exemple, de comprendre des commandes vocales ou de faire de la traduction en temps réel. La véritable innovation réside dans la combinaison de l’affichage et de cet assistant numérique.



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