23/09/2025
Pourquoi faut-il décarboner les campagnes marketing aujourd’hui ?
Arnaud Tomasi – Parce qu’il faut tout décarboner ! Les campagnes marketing et la publicité restent des leviers puissants de croissance et de développement, mais elles peuvent être très émettrices de CO₂. Or, ces campagnes ne doivent pas être rejetées par les consommateurs au prétexte que leur impact climatique serait mal maîtrisé. Notre rôle est d’accompagner les marques sur ce chemin : fournir des diagnostics précis, proposer des solutions concrètes, et montrer qu’efficacité marketing et performance environnementale peuvent s’aligner.
Quels critères faut-il prendre en compte pour mesurer l’empreinte carbone d’une campagne ?
A. T. – Il faut raisonner en analyse de cycle de vie (ACV), c’est-à-dire depuis les ressources mobilisées pour concevoir une campagne (papier, serveurs, terminaux, énergie), jusqu’à la fin de vie et au recyclage des supports utilisés. Dans le digital, les principaux postes d’émission viennent de la consommation énergétique des serveurs. Pour le courrier, ils sont surtout au niveau de la production du papier et du transport. Mais l’impact n’est pas limité aux émissions de CO₂ : la consommation d’eau ou de ressources non renouvelables compte aussi. Nous avons donc une vision multicritère, qui évite de réduire les émissions d’un côté tout en aggravant d’autres impacts de l’autre.
Quels sont les leviers disponibles pour réduire l’empreinte carbone des actions marketing sur tous les canaux ?
A. T. – Le premier levier, c’est le ciblage. Un message envoyé à la mauvaise personne est un pur gaspillage, à la fois économique et environnemental. Nettoyer régulièrement une base de données pour éliminer les adresses obsolètes, c’est réduire jusqu’à 10% d’envois inutiles… soit autant
d’émissions évitées ! Ensuite vient l’écoconception : sur le papier, choisir des grammages adaptés et recyclés ; sur le digital, réduire le poids des contenus. Notre filiale Isoskèle propose une solution qui réduit de 50 à 70% le poids des vidéos, sans perte de qualité. Enfin, nous avons développé une calculette carbone qui mesure l’empreinte de tous les canaux et identifie les marges de progrès.
Observez-vous des freins à la décarbonation des campagnes ? Comment les surmontez-vous ?
A. T. – Le principal frein est la perception d’un arbitrage entre efficacité marketing et transition écologique. Certains clients craignent que l’écoconception coûte plus cher, ou qu’elle dégrade la performance. Nous démontrons l’inverse : en travaillant sur le ciblage ou l’optimisation des supports, on améliore simultanément l’efficacité et l’impact carbone. Il peut aussi y avoir une inertie culturelle, par exemple pour convaincre une entreprise de mettre à jour sa base de données afin d’éviter les envois inutiles. Dans ce cas, nous avançons pas à pas, en montrant les gains immédiats, financiers comme écologiques.
Comment les marques peuvent-elles concilier transition écologique et ROI marketing ?
A. T. – Il n’y a pas d’opposition entre les deux ! Une campagne conçue efficacement est, par nature, plus respectueuse de l’environnement, mais ça passe mieux en l’expliquant. Par exemple, Renault a récemment choisi le courrier papier pour s’adresser à ses prospects. Une ACV avait montré que l’option papier était plus vertueuse que son remplacement par le tout-digital, qui nécessite la mise en place de nombreux leviers. Renault a accompagné son courrier d’un QR code renvoyant vers une vidéo pédagogique sur ses choix. Ce geste a permis de déconstruire les idées reçues (« le papier détruit les forêts ») et son engagement écologique a été valorisé. Autre exemple : le prospectus publicitaire. Les magasins qui le suppriment doivent mettre en place sept à huit leviers digitaux pour le remplacer, c’est énorme ! La transition écologique devient donc une composante essentielle du ROI marketing, et les marques qui réussiront demain seront celles qui embarqueront leurs clients dans cette démarche.
Crédits photo : ©Adobe Stock et ©Damien Grenon