Fondée en 2016 par Guillaume Lestrade et Thomas Rebaud, Meero incarnait la réussite à la française. Une plateforme capable de livrer en 24 heures des photos et vidéos professionnelles grâce à l’intelligence artificielle. L’entreprise, qui collaborait avec Airbnb, UberEats ou BNP Paribas Real Estate, revendiquait plus de 40 000 clients dans une centaine de pays et s’appuyait sur un réseau mondial de photographes indépendants.
Mais la mécanique s’est grippée, le modèle de marketplace, dépendant d’une main-d’œuvre externalisée et de marges faibles, s’est heurté à l’érosion des budgets marketing et à la montée du contenu généré par les utilisateurs. Malgré plusieurs tentatives de diversification, le marché de la photo corporate s’est contracté et Meero devait se réinventer pour ne pas disparaître.
En 2022, la société a pris la décision radicale de fermer sa marketplace encore active pour se transformer en éditeur de logiciels. Repositionnée sous le nom de Diffusely, elle s’est recentrée sur une offre SaaS d’intelligence artificielle appliquée à la création de visuels pour les entreprises. L’idée n’était plus de connecter des photographes à des clients, mais de permettre aux marques de produire elles-mêmes leurs images à grande échelle grâce à des modèles propriétaires.
Ce pivot complet a permis de repartir d’une nouvelle base, mais il s’est fait au prix d’une restructuration profonde : réorientation technologique, départs en série, refonte de la gouvernance et abandon de pans entiers de l’activité historique. Trois ans plus tard, Diffusely revendique 12 millions d’euros de revenus récurrents annuels et 1 500 clients, principalement dans les secteurs de la mode et de l’automobile.
La société a cédé ProperShot, son produit dédié à la photographie immobilière, à Nodalview, afin de concentrer ses ressources sur deux verticaux à forte intensité de contenu. Une décision motivée autant par la cohérence technologique que par la nécessité de dégager des liquidités pour soutenir la croissance.
La levée de 11 millions d’euros annoncée cet automne s’inscrit dans cette logique de consolidation. Le tour a été mené par Alven, Eurazeo et Prime Ventures, déjà actionnaires, avec l’entrée de 50 Partners.
Diffusely a su recréer un récit de croissance crédible, la société se positionne désormais comme un acteur verticalisé de l’IA visuelle, avec deux produits phares : CarCutter, pour les réseaux de concessionnaires, et AutoRetouch, pour les marques de mode. En s’appuyant sur plus de 200 millions d’images propriétaires, elle promet une réduction de 80 % des coûts de production et un time-to-market 90 % plus rapide.
Les investisseurs misent sur une consolidation du modèle d’ici à 2026, date visée pour la rentabilité. Mais le véritable enjeu du pivot n’est plus seulement technologique. Il est culturel et financier. Meero avait bâti un empire de papier sur la croissance externe et l’hyper-scaling. Diffusely prouve qu’une entreprise née dans la frénésie des années 2010 peut survivre dans un cycle d’austérité et se recréer, un pari mené avec talent sous la direction de Gaétan Rougevin-Baville et les équipes de Diffusely.
Dans sa première vie, Meero a levé un total de 293 millions de dollars, avec une dernière opération en 2020 qui l’avait valorisée au rang de licorne. La startup avait réussi à convaincre des fonds majeurs comme EURAZEO, WHITE STAR CAPITAL, AGLAÉ VENTURES, ou encore ALVEN.