comment concilier performance et durabilité ?


Le marketing et la publicité digitale prennent-ils vraiment en considération l’impact environnemental de leurs actions ? Si on s’intéresse aux indicateurs de performance, on remarque que l’efficacité d’une campagne en tient peu compte. À quand un coût CO2 pour 1 000 ?


Dans l’univers du marketing digital, les indicateurs de performance sont bien connus : impressions, clics, taux de conversion ou encore nombre de visionnages. Ces « métriques » structurent la prise de décision et guident les stratégies des marques. Mais une autre donnée, encore peu visible, gagne en importance : l’empreinte carbone des campagnes digitales. Ce phénomène reste largement sous-estimé, alors même que le digital représente aujourd’hui 4,4 % de l’empreinte carbone nationale en France.

Une étude de 2022, menée par Fifty-Five, le cabinet français spécialisé dans la data et le marketing digital a permis de quantifier l’impact d’une campagne standard : jusqu’à 71 tonnes de CO2 émises, soit l’équivalent de 35 allers-retours Paris-New York ou l’empreinte carbone annuelle de sept personnes. Ces émissions proviennent non seulement de la diffusion des contenus, mais aussi de leur production, de leur hébergement et de leur consultation par les utilisateurs finaux.

Une chaîne publicitaire énergivore

Tous les formats digitaux n’ont pas le même poids carbone : les vidéos, surtout en haute résolution ou en lecture automatique, sont parmi les plus énergivores. Un spot de 15 secondes diffusé sur mobile consomme ainsi plus qu’un visuel statique consulté avec une connexion wifi. Les plates-formes comptent aussi : TikTok se révèle plus gourmande que YouTube ou Facebook en raison du volume de données et de ses algorithmes intensifs.




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Enfin, l’ensemble de la chaîne de diffusion, depuis la sélection des acteurs jusqu’à l’analyse des performances en passant par les canaux, le ciblage, l’achat programmatique et les pixels de tracking, mobilise des ressources techniques dont l’impact carbone reste largement ignoré.

Un angle mort des indicateurs de performance

Cette réalité soulève un paradoxe : les campagnes sont conçues pour maximiser leur performance, mais sans intégrer de critères environnementaux dans l’équation. Les indicateurs traditionnels de performance comme le taux de clic, le coût par conversion ou le taux d’engagement n’intègrent pas la consommation énergétique des supports ou des canaux utilisés. Autrement dit, plus une campagne est performante selon ses indicateurs, plus elle risque d’être énergivore, un paradoxe rarement pris en compte dans la mesure digitale.

Des outils émergents, comme le CO₂ PM ou CarbonTag, tentent d’introduire une lecture environnementale des campagnes en traduisant les impressions ou les vues en équivalent CO2. Toutefois, ces méthodes restent limitées et peu adoptées par les marques, car elles ne permettent pas d’évaluer avec précision l’empreinte carbone à toutes les étapes d’une campagne digitale.

Vers un marketing plus responsable

Ce constat invite à repenser les arbitrages entre performance publicitaire et sobriété énergétique. Il pose la question de la capacité de tous les acteurs de l’écosystème publicitaire à concevoir des campagnes efficaces et responsables, sans sacrifier la qualité des contenus ni l’engagement des publics.

Notre étude, menée auprès de 22 experts en France et aux États-Unis comprenant des annonceurs, des régies publicitaires, des agences média et de conseil ainsi que des spécialistes en data analytics, a permis de définir des stratégies publicitaires conciliant efficacité et impact environnemental. L’objectif final était de parvenir à un consensus et de proposer une liste de solutions capables de maintenir la performance tout en réduisant l’empreinte carbone. De cette façon, les bases de nouveaux indicateurs de performance (ou KPI en anglais, pour key performance indicators) pour la publicité numérique pourraient être mises au point.

L’idée de réutiliser du contenu déjà diffusé a été fréquemment évoquée lors des entretiens. À un moment où le recyclage s’impose comme une approche courante dans de nombreux domaines, cette pratique est identifiée comme l’une des stratégies possibles. Cependant, elle reste reléguée au bas de la liste, en raison d’un problème principal : l’ancien contenu risque de ne plus avoir d’impact sur les consommateurs, tout en nécessitant plus d’efforts et de ressources pour être adapté.

Compter, tracer, économiser

L’option suivante, moins attrayante, consiste à travailler sur les données générées ou exploitées dans le cadre des campagnes digitales (données clients, comportementales, etc.), car leur stockage nécessite l’usage de serveurs, qui polluent en grande partie. Le nettoyage des données est donc un moyen simple de réduire l’empreinte carbone. Il existe quelques contraintes, par exemple, une obligation légale de conserver les données pendant un certain temps. Comme le recyclage, ce sont des stratégies inscrites dans la durée.

Ces deux stratégies, à savoir la gestion responsable des données et la réutilisation des contenus existants, reposent sur une idée simple : il faut d’abord mesurer pour pouvoir agir. Le suivi précis des émissions, complété par des économies d’énergie même modestes au sein des organisations, contribuera à améliorer l’empreinte globale des campagnes. Dans cette optique, l’intégration d’indicateurs environnementaux permettrait ensuite d’optimiser en continu et de corriger la trajectoire dès qu’un seuil critique est franchi.

La précision est la reine !

Les changements directs dans les campagnes digitales concernent avant tout la précision du ciblage. Plus il est fin plus l’impact est fort, car les contenus peuvent être mieux adaptés. La deuxième dimension clé réside dans la diffusion : choisir le bon canal, qu’il s’agisse du wifi ou du mobile, au moment et à l’endroit appropriés, reste l’une des approches les plus efficaces.

De Vinci Executive Education, 2025.

Le choix des partenaires est un élément clé de la solution au problème. Si toutes les parties prenantes suivent les mêmes KPI, en choisissant d’abord l’environnement, toute la chaîne de performance sera améliorée. Comme disait un des participants :

« Dans le but de réduire les émissions de carbone dans le monde numérique, l’idéal serait de choisir des plateformes et des services économes en énergie » (Digital Account Manager)

Parce qu’il est important de travailler avec des partenaires ayant de sincères « préoccupations écologiques », il est crucial de créer un label pour les partenaires qui respectent et prennent en compte les émissions de CO2 dans leur stratégie publicitaire numérique. De nombreux intervenants utilisent plusieurs outils qui remplissent des fonctions similaires, ce qui entraîne des émissions de CO2 supplémentaires. L’utilisation d’outils redondants est à éviter.

En mettant en œuvre ces recommandations, les parties prenantes peuvent contribuer de manière significative à l’obtention d’une performance médiatique élevée et d’une réduction de l’impact environnemental.



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