Interview du mois – Laurent Foiry, Co-Founder and Managing Partner de Spring Invest


1/ Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer la mission de Spring Invest dans l’écosystème du retail et du e-commerce ?

Spring Invest est un fond de capital investissement adressant de manière exclusive les entreprises qui contribuent au futur du commerce. Nous finançons les nouveaux modèles de distribution et de consommation tels que la marque Cabaia, l’e-commerçant Hardloop, le réseau de néo-boulangeries Tranché ou encore l’acteur de la seconde main Smala, ainsi que les fournisseurs de technologies au service de l’écosystème du commerce (e-commerçants, retailers, marques…) tels que Acolyt (logistique omnicanale), Mediarithmics (Retail Media), Dataiads (acquisition client), Ouidrop (robotisation de drive) ou encore Xpln.ai (mesure de l’attention).

2/ Quels types de modèles ou de nouveaux métiers dans l’e-commerce voyez-vous émerger au sein des startups que vous accompagnez ?

Avec le développement de l’omnicanal, les e-commerçants ont recruté au cours des derniers années des directeurs retail en charge du développement du réseau de magasins physiques qui viennent compléter l’activité historique de l’e-commerce. L’agrégation de nouveaux canaux de distribution a complexifié l’acquisition et la transformation client démocratisant la fonction de CRO (Chief Revenue Officer). En charge de la stratégie de croissance de la société, ils travaillent à l’optimisation des revenus de la société en alignant les ventes, le marketing et le service client. Nouveau levier de croissance pour les acteurs de l’e-commerce spécialisé, le retail media s’est accompagné du recrutement de profils faisant l’interface avec les annonceurs intéressés à communiquer auprès d’une audience qualifiée. Enfin, l’essor des moteurs d’IA oblige les e-commerçants à repenser leur métier pour exploiter ce nouveau canal. Les fonctions d’acquisition manager évoluent ainsi pour intégrer les compétences en GEO (Generative Engine Optimization). Les fonctions IT relatives au CMS vont quant à elles devoir prochainement évoluer pour intégrer pleinement les multiples moteurs d’IA comme nouveau canal d’acquisition et de distribution.

3/ Selon vous, quelles compétences et métiers clés sont aujourd’hui incontournables pour réussir dans ce secteur hautement concurrentiel ?

L’e-commerce est d’abord un métier de commerçant dont les fondamentaux restent inchangés : se concentrer sur l’adéquation entre son offre et son marché cible, la relation client et surtout l’optimisation des marges. Ce dernier point s’est considérablement complexifié au cours des dernières années avec la multiplication des canaux de distribution dans un contexte où les coûts d’acquisition ont explosé. L’agilité et la frugalité sont aujourd’hui des compétences clés pour naviguer dans cet environnement à la fois contraint et mouvant. L’e-commerce est un secteur impitoyable qui demande une extrême rigueur. Une activité mal exécutée ou mal suivie sera très vite sanctionnée.

4/ En tant qu’investisseur, comment percevez-vous le rôle de l’accompagnement et du mentoring continu pour aider les entreprises à s’adapter aux évolutions rapides du marché ?

L’accompagnement opérationnel des entreprises que nous finançons est au cœur de notre modèle avec 2 objectifs : apporter expérience et expertise pour éviter aux dirigeants de réinventer la roue et de reproduire les erreurs que d’autres ont déjà commises. Les sujets à appréhender sont si nombreux et les cycles sont aujourd’hui si rapides qu’il est illusoire de penser arriver le premier en naviguant seul. La complexité des modèles et l’évolution très rapide du marché obligent à rester sans cesse à l’écoute pour ne pas rater les bonnes pratiques du moment ou le prochain outil qui fera gagner de précieux points de marge. Pour éviter de tomber dans le piège de la fausse bonne idée, le partage d’expérience avec ses pairs reste imparable.

5/ L’intelligence artificielle transforme profondément les usages et les modèles. Quel impact observez-vous sur les startups que vous suivez, et sur les compétences qu’elles doivent développer ?

L’IA impacte directement l’e-commerce à 2 niveaux : les fonctions internes et l’infrastructure de l’e-commerce. Toutes les fonctions de l’e-commerce sont concernées. L’IA offre aujourd’hui la possibilité de personnaliser de manière inédite l’expérience client en automatisant massivement les processus métiers, de la recommandation produit jusqu’au service client. L’IA permet de simplifier de nombreuses tâches (génération de contenu, descriptif produit, visuels, référencement, marketing personnalisé…) augmentant considérablement la productivité des équipes. Les algorithmes permettent également d’analyser des volumes colossaux de données (navigation, achats, météo, réseaux sociaux…) pour adapter en temps réel l’offre et optimiser les flux logistiques. Mais nous ne sommes qu’au début de la révolution de l’IA. La part du trafic e-commerce passant par les moteurs d’IA est en très forte croissance obligeant les e-commerçants à repenser leurs infrastructures, catalogues, nomenclatures, données et flux devant s’adapter à ces nouveaux canaux. La manière de travailler le référencement évolue aussi au gré des algorithmes, le GEO venant s’ajouter aux traditionnels SEO et SEM, demandant une réflexion profonde sur la manière dont un site marchand doit aujourd’hui être construit.

6/ Comment anticipez-vous l’évolution des parcours des fondateurs et dirigeants dans l’e-commerce ? Les formations et expériences actuelles sont-elles adaptées aux défis que vous constatez sur le terrain ?

Nous sommes dans une phase de recalibrage du marché. L’accès aux capitaux est devenu plus compliqué et certains segments de l’e-commerce sont devenus plus difficiles (concurrence, baisse de la consommation…). Les e-commerçants doivent aujourd’hui faire plus avec moins. Les dirigeants les plus frugaux et les plus agiles devraient tirer leur épingle du jeu dans cette période complexe. La génération d’« entrepreneurs DNVB » a beaucoup appris des difficultés à lancer une marque à partir de 0. Expérience douloureuse pour certains, ils en sortent néanmoins grandis, avec une perspective intéressante pour les entreprises d’e-commerce plus établies, de nouvelles approches du marketing digital et tous les outils d’acquisition, transformation et rétention client qui ont fait leur agilité.

7/ Enfin, quels conseils donneriez-vous aux acteurs du e-commerce pour réussir à capter l’attention des investisseurs et accélérer leur croissance dans le contexte actuel ?

Les investisseurs recherchent aujourd’hui des activités à la croissance saine et maîtrisée. Avant de rentrer dans le détail des produits et de leur positionnement, il faudra les rassurer sur la robustesse du modèle en étant transparent sur ses chiffres (panier moyen, marge brute, coût d’acquisition client et taux de réachat) et en démontrant une excellente maîtrise des opérations. Enfin, les options de sortie pour un investisseur en e-commerce sont souvent limitées. La stratégie LBO (Leverage Buy-Out) étant la voie la plus commune, le modèle « investisseur compatible » devra être très efficient et ne pas sacrifier les marges au profit de la croissance.



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