L’IA générative s’est imposée en quelques années comme un bouleversement majeur des usages numériques, porté par une multiplication rapide de modèles et de services spécialisés. Trois ans seulement après le lancement de ChatGPT, la course effrénée à l’innovation technologique crée malheureusement une confusion qui freine l’adoption réelle, aussi bien chez les particuliers que dans les entreprises. L’amalgame qui persiste entre chatbots, agents intelligents, assistants numériques, outils de création… devient réellement problématique. Le véritable enjeu n’est ainsi plus la performance des modèles, qui se valent désormais largement, mais bien notre capacité à comprendre ce que ces services permettent concrètement de faire, et comment les intégrer intelligemment dans nos pratiques. Ce panorama propose une grille de lecture en 8 catégories pour enfin y voir clair.

En synthèse :
- La course effrénée à l’innovation et les sorties quotidiennes de nouveaux modèles génératifs créé une terrible cacophonie qui brouille la compréhension des offres reposant sur l’IA générative ;
- L’attention médiatique se focalise sur la comparaison des modèles entre eux, alors que les utilisateurs ont besoin de pédagogie : comprendre ce que l’IA permet de faire, comment elle fonctionne différemment des outils traditionnels, et pourquoi l’utiliser ;
- L’adoption des l’IA générative est freinée car cette dernière n’est pas juste un nouvel outil, mais une nouvelle façon de penser et de travailler, ce qui demande un effort d’adaptation bien supérieur à celui des précédentes ruptures technologiques comme le cloud ou le smartphone ;
- Les quatre services leaders (ChatGPT, Claude, Gemini et Copilot) couvrent quasiment tous les usages, mais cette polyvalence brouille la compréhension de ce qu’ils peuvent réellement accomplir et empêche les utilisateurs d’en cerner le potentiel réel ;
- Pour s’y retrouver, il faut dépasser la notion unique d’IA et identifier les services selon leur fonction réelle (chatbots, moteurs de recherche génératifs, agents intelligents, assistants numériques…).
Vous souveniez-vous que ChatGPT a été lancé le 30 novembre 2022 ? Seulement 3 ans depuis la sortie du célèbre chatbot… et une incroyable course à l’innovation ayant menée au lancement de tout un écosystème de briques technologiques et services reposant sur les modèles génératifs.
La première année du lancement de ChatGPT a été comme un round d’observation, mais les suivantes ont été complètement folles, avec des nouveautés tous les jours. Rien que ces deux dernières semaines sont sorties de nouvelles versions majeures des trois principaux éditeurs :
Difficile de s’y retrouver dans cette profusion d’annonces, car tous ces modèles se tiennent dans un mouchoir de poche :

Lapin compris*
* Grosse référence de boomer, mais ce n’est pas grave, j’assume totalement 😉
Lequel des modèles dernièrement sortis est le meilleur ? Impossible de le dire sans les tester vous-même ; et encore, ça dépend des situations…
Le problème est que malheureusement, l’attention se porte sur les performances des modèles génératifs, mais ces derniers sont le coeur du réacteur, l’équivalent des bases de données, ce ne sont pas les services qui nous permettent d’interagir avec. Il en découle une confusion permanente dans les médias, et nécessairement dans la tête des utilisateurs : Nous n’avons pas besoin de meilleures IA, mais d’une meilleure compréhension de l’IA.
Dire en 2025 que l’IA va tout balayer et bouleverser le monde du travail est comme de dire en 1985 que l’informatique va tout balayer et bouleverser le monde du travail : une prévision très vague, insipide, sans réelle prise de risque ni conviction. C’est simplement un moyen d’attirer l’attention, d’occuper l’espace médiatique.
Comme toujours, l’esbroufe l’emporte sur le pragmatisme, et on se retrouve avec des légions de pseudo-experts de l’IA sur LinkedIn qui commentent inlassablement les derniers score de benchmarks de tel ou tel modèle.
Ce dont les potentiels utilisateurs ont réellement besoin pour adopter sereinement les outils reposant sur des modèles génératifs est de plus de pédagogie : (ré)expliquer ce qu’est l’IA, ce qu’elle permet de faire ou ne pas faire, la façon dont elle le fait différemment des outils informatiques traditionnels, les différents types d’IA…
Tout ceci est bien dommage, car nous assistons à un bouleversement majeur de nos usages et des outils numériques, mais dans un laps de temps beaucoup trop court pour que le marché puisse correctement assimiler tous ces changements et toutes ces nouveautés : Des limites de la capacité d’absorption du marché avec l’IA.
Malgré une proposition de valeur simple à comprendre et extrêmement désirable (le web dans votre poche), il a fallu près de dix ans pour que la moitié de la population en soit équipée en smartphone.
Avec l’IA, le défi est d’une tout autre ampleur, car cette technologie est plus complexe à appréhender pour les utilisateurs lambda. Il ne s’agit pas simplement d’un nouvel appareil, mais d’une nouvelle manière de penser et de travailler. Le changement de paradigme nécessaire pour tirer des bénéfices concrets de l’IA générative est profond et demande un effort d’adaptation considérable. De plus, les avis sur ses implications, ses risques et ses bénéfices divergent radicalement, créant une confusion qui freine l’adoption.
Un décalage se forme entre les éditeurs / spécialistes qui sont lancés dans une course folle à l’innovation, et les utilisateurs lambda qui ne savent plus trop où donner de la tête : L’IA générative victime d’un emballement technologique et d’une adoption tardive.
Il existe un sentiment d’urgence pour adopter au plus vite les outils et pratiques qui reposent sur l’IA générative. Malheureusement, tout ceci se fait dans la précipitation et que l’urgence n’est justement pas d’accélérer (investissements, R&D…), mais plutôt de ralentir pour laisser le marché reprendre son souffle et envisager sereinement l’avenir et ses nombreux défis.
Si les modèles génératifs peuvent (presque) tout faire, encore faut-il savoir quoi leur demander, comment les intégrer dans les flux de travail, et surtout pourquoi les utiliser.
L’adoption passe donc par une phase de recherche, d’appropriation et d’acculturation aux nouveaux usages. Et c’est là que le bât blesse : la compréhension de l’intelligence artificielle reste souvent superficielle, les expérimentations isolées, et les résultats probants difficiles à généraliser.
C’est donc l’occasion pour moi d’ajouter une nouvelle pierre à cet édifice, de contribuer à ma petite échelle, à l’évangélisation de l’IA.
8 catégories et une trentaine de services-types reposant sur l’IA générative
Si vous lisez régulièrement ce blog, alors vous savez déjà qu’il me tient à coeur de décrypter le jargon numérique (début 2023, je publiai : Mythes et réalités des IA génératives).
Si la vocation initiale d’OpenAI était de s’assurer que l’intelligence artificielle allait bénéficier à l’humanité, force est de constater qu’avec ChatGPT ils ont trouvé la nouvelle Poule aux oeufs d’or, la technologie miracle qui va révolutionner l’informatique et l’humanité. Peut-être est-il temps de prendre du recul par rapport à cette “révolution” et de rappeler certains faits.
J’ai ainsi à de nombreuses reprises insisté sur l’importance d’utiliser du vocabulaire précis, notamment de distinguer IA et modèles génératifs, de bien comprendre les différences entre chatbots, agents intelligents et assistants numériques.

Néanmoins, la confusion persiste, car j’entends tout et n’importe quoi pour décrire les services qui reposent sur les modèles génératifs : « assistants digitaux », « agents automatiques » ou encore « IA intelligentes » (véridique !).
Il existe des cartographies de service d’IA générative pour essayer d’y voir plus clair, mais ils ne font qu’ajouter de la confusion :

Pour vous aider à mieux comprendre la segmentation du marché de l’IA générative et à facilement distinguer les services entre eux, je vous propose ce panorama de l’IA générative à fin 2025 :

J’ai volontairement conçu ce panorama pour qu’il soit le plus simple à comprendre. Le principal enseignement est que nous avons aujourd’hui 4 services qui couvrent potentiellement l’ensemble des besoins (ChatGPT, Claude, Gemini, Copilot) et qui sont sans aucun doute à l’origine de la confusion entre les différents usages : leur polyvalence n’aide pas à comprendre ce qu’ils peuvent vous permettre de faire.
Ces 4 services sont donc logiquement au coeur de mon panorama, qui se décompose en 8 catégories dans lesquelles nous allons trouver moins d’une trentaine de services emblématiques, ces derniers illustrant la segmentation des services exploitant l’IA générative :
- Les chatbots qui permettent aux utilisateurs de dialoguer avec un modèle génératif en posant des questions ou en leur demandant de réaliser des tâches (rédiger un texte, corriger une phrase, expliquer un concept…). ChatGPT peut être assimilé à un chatbot, mais ce service est aujourd’hui capable de couvrir bien plus de tâches, c’est pourquoi il est au centre. Poe est très certainement le service qui est le plus facilement classable dans la catégorie « chatbot ». Nous pouvons également citer les services chinois DeepSeek ou Kimi qui ressemblent à des chatbots, mais proposent des fonctionnalités supplémentaires comme la recherche ou la création.
- Les moteurs de recherche génératifs représentent une évolution majeure de la recherche d’information. Ils ne se contentent plus d’afficher une liste des liens, mais synthétisent des réponses complètes, contextualisées et actualisées à partir de multiples sources. On pense tout de suite à Perplexity qui était pionnier sur ce créneau.
- Les agents intelligents qui sont des mini-programmes pouvant agir de manière autonome (naviguer sur un site, exécuter des scripts, planifier des actions complexes…). Ils reposent sur des modèles d’action et sont en interaction continue avec de nombreuses sources d’information et services en ligne. Manus est assurément l’exemple le plus emblématique, mais nous pouvons également citer Genspark qui propose en plus des fonctionnalités de création très intéressantes.
- Les assistants numériques qui sont proposés par les grandes sociétés technologiques, et sont intégrés à leur écosystème. Ceci leur permettant d’accompagner les utilisateurs dans leurs tâches quotidiennes (résumer des mails, générer un planning, organiser un projet…), mais de façon proactive. Outre Gemini et Copilot déjà cités précédemment, nous pouvons mentionné Meta AI que l’on retrouve dans Facebook, Instagram ou WhatsApp. Nous pouvons distinguer les assistants numériques grand public, comme celui de Meta, des assistants numériques professionnels, comme Cohere ou Amazon Q. Nous avons enfin des services à mi-chemin entre assistant numérique et agents intelligents (Monica), ainsi qu’entre assistant numérique et outils de collaboration (Zoom AI Assistant).
- Les outils de collaboration qui offrent la possibilité de travailler différemment en s’appuyant sur les modèles de langage, de recherche et de raisonnement pour améliorer à la fois la productivité et la créativité, comme Notion AI et Slack AI qui propose également des fonctions de recherche plus poussées.
- Les outils de création qui permettent de créer et de manipuler tous types de contenus multimédia, Firefly d’Adobe est le meilleur exemple. Ils combinent souvent interface utilisateur intuitive et moteur génératif pour faciliter la production de contenus riches et variés (ex : Adobe Express).
- Les outils de création spécifiques qui utilisent des modèles spécifiquement entraînés pour générer des types de contenu bien précis (Runaway pour la vidéo, Suno pour la musique, Gamma pour les diaporamas, Quillbot pour les articles, Napkin pour les schémas, Synthesia pour les avatars…).
- Les outils de génération de code qui analysent le besoin ou l’existant informatique et produisent du code, voire des sites web et applications entières. Dans cette catégorie, les services les plus connus sont Cursor, Replit et Lovable, de même que Devin qui propose des fonctions agentiques plus poussées.
J’insiste sur le fait que cette trentaine de services ne représente qu’une fraction de tout l’écosystème de l’IA générative, mais ce sont les plus représentatifs de chaque catégorie (ou de plusieurs catégories en même temps).
J’éditerai dans les prochaines semaines un fascicule plus complet à télécharger, dans la droite ligne de mon B-A-BA de l’IA ou mon Guide du prompting, et peut-être même mes 15 questions pour mieux comprendre l’IA générative. Trois documents qui seront également mits à jour d’ici la fin de l’année.
Questions / Réponses
Pourquoi est-il si difficile de suivre l’actualité de l’intelligence artificielle ?
L’innovation avance à un rythme effréné, avec des nouveautés toutes les semaines, que l’on nous présente toujours comme révolutionnaires. De plus, les médias et experts se concentrent souvent sur les performances techniques des modèles plutôt que sur les services, ce qui crée une confusion permanente pour les utilisateurs.
L’IA générative est-elle comparable à l’arrivée du smartphone ?
Oui quelque part, notamment dans l’ampleur du bouleversement, mais le défi est plus grand : Si le smartphone a mis dix ans pour équiper la moitié de la population, l’IA demande un changement de paradigme plus complexe : il ne s’agit pas juste d’un nouvel appareil, mais d’une nouvelle façon de penser et de travailler qui nécessite un fort effort d’adaptation.
Pourquoi distingue-t-on ChatGPT, Claude, Gemini et Copilot des autres outils ?
Ces quatre services sont au cœur du panorama des services d’IA générative, car ils sont extrêmement polyvalents et couvrent quasiment l’ensemble des besoins. Cette polyvalence est d’ailleurs souvent source de confusion, contrairement aux autres outils spécialisés (création vidéo, génération de code, collaboration) qui répondent à des usages précis.
Quelle est la différence entre un chatbot et un agent intelligent ?
Un chatbot est un site web qui permet de dialoguer pour obtenir du texte ou des réponses. Un agent intelligent va plus loin : c’est un mini-programme capable d’agir de manière autonome, comme naviguer sur un site, exécuter des scripts ou planifier des actions complexes.
Quelle est la priorité pour adopter l’IA générative aujourd’hui ?
L’urgence n’est pas d’augmenter les investissements technologiques, mais au contraire de ralentir pour privilégier la pédagogie. Une adoption réussie passe par une phase d’acculturation pour comprendre ce que l’IA permet réellement de faire (et ne pas faire) et comment l’intégrer pertinemment dans les flux de travail.