Pour l’ouverture de Your Marketing Day, organisé par Emarketing.fr au Parc des Princes le 27 novembre, Franck Gervais, directeur général du groupe Pierre & Vacances – Center Parcs, a expliqué comment son parcours, forgé dans deux décennies de transformation du secteur du voyage, l’a préparé à remettre sur pied l’un des groupes touristiques emblématiques du paysage européen. Et surtout, comment il a bâti une stratégie de réinvention devenue un cas d’école post-Covid.
« Je suis dans l’environnement du travel et de l’hospitality depuis plus de vingt ans », lance d’entrée Franck Gervais, passé chez Thalys puis à la tête de voyagesncf.com, avant de diriger l’Europe du groupe Accor. C’est ce « bel environnement du voyage et des loisirs » qui l’a conduit jusqu’au groupe Pierre & Vacances – Center Parcs en 2021, au moment où celui-ci vivait « sa plus grande crise depuis sa création ».
Lorsque Franck Gervais en prend la direction générale, le groupe sort effectivement de dix années de pertes et vient d’essuyer une crise sanitaire particulièrement lourde. « Pendant un an, comme beaucoup, nous n’avons accueilli quasiment aucun client. » Le modèle historique, encore très centré sur un patrimoine immobilier des années 1970, a aussi montré ses limites. « On reposait un peu trop sur notre passé de promoteur immobilier. Nous n’avions pas encore mis les marques, l’expérience client, le rôle d’opérateur au cœur de notre stratégie ».
Une renaissance après deux années de crise
Cette situation extrême devient l’opportunité d’une rupture stratégique profonde. « La crise nous a obligés à bouger. » Et bouger fortement : restructurations financières, procédures judiciaires, mandats ad hoc… Deux années particulièrement difficiles, que Franck Gervais décrit sans détour, mais qui débouchent sur une renaissance : un milliard d’euros de dette en moins, 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires et une profitabilité retrouvée. « On se retrouve avec un groupe qui a de très belles marques, qui est profitable, et qui attire de plus en plus de clients. »
Cette transformation, Franck Gervais la conceptualise sous un nom : « Réinvention ». Elle s’appuie sur une conviction née pendant la pandémie : le bouleversement du rapport au voyage. « Pendant le Covid, notre rapport au temps et à nos proches a profondément changé. » Les voyages lointains et rapides s’effacent au profit de séjours proches, réguliers, axés sur le confort et le cocon. « Les clients veulent un quotidien amélioré, pas un dépaysement total. »
Cette analyse devient le socle stratégique du groupe. Center Parcs est repositionné autour d’une signature limpide – In Your Nature – qui résume une promesse recentrée sur des séjours familiaux au cœur de la nature. « Notre positionnement était recentré sur les espaces aquatiques, mais nous voulions attirer plus de personnes vers plus d’endroits. Nous avons donc créé de nouvelles expériences outdoor et indoor », poursuit-il.
Pierre & Vacances, de son côté, opère un virage tout aussi profond. Devenue trop hétérogène, la marque réduit drastiquement son parc d’appartements : « On est passé de 15 000 à 11 000 logements. On a été très sélectifs. » La logique immobilière laisse place à une stratégie centrée sur la qualité et la promesse client. Résultat : vingt points de satisfaction en plus et une marge multipliée par 2,5.
Pour Franck Gervais, la réinvention passe aussi par un retour à la communication. Nouveau logo, nouvelles campagnes publicitaires… Et nouveau ton : Pierre & Vacances revendique désormais l’autodérision : « Nous disons par exemple que nos résidences changent plus vite que notre image… ». Une stratégie assumée qui permet de rebâtir une relation plus vraie avec les clients.
De nouvelles ambitions pour 2030
Après la phase « Réinvention » s’ouvre désormais une projection jusqu’en 2030 qui s’appuie sur la forte dynamique du tourisme domestique. « Le tourisme en Europe est un marché hyper résilient, qui croît de 5 à 7 % par an. » Le groupe veut y capter une croissance durable en misant sur des expériences immersives situées hors des zones saturées. « On n’ira pas se développer là où il y a déjà trop de touristes. Notre ambition, c’est de faire découvrir des endroits privilégiés, proches des clients. » Et pour cela, d’importants investissements sont nécessaires. « Nous sommes en pleine réflexion pour avoir des actionnaires plus long terme, capables de nous accompagner 5, 7, ou 10 ans. »
Au terme de son intervention, une idée domine : la stratégie portée par Franck Gervais n’est pas seulement une opération de sauvetage. C’est une vision du tourisme ancrée dans le lien social, la nature et la proximité. « Réinventer le tourisme, recréer du lien dans une société qui en manque beaucoup », synthétise-t-il.