Avec son architecture haussmannienne et ses monuments mondialement connus, Paris reste une valeur sûre pour les acheteurs de biens de prestige. Un patrimoine inimitable qu’aucune intelligence artificielle générative ne pourrait surpasser, et pourtant les LLM, les grands modèles de langage comme Chat GPT, mettent un pied dans la porte des agences immobilières de luxe. « L’IA permet de corriger un ciel nuageux sur une photo, ou de réaliser un home staging virtuel pour montrer le potentiel d’un bien avant travaux, souligne Anne Kuperfis, directrice de l’image du groupe Junot (le home staging est un aménagement destiné à mettre en valeur un intérieur). En marketing, on peut s’aider de l’IA pour générer des titres ou créer des contenus print. Elle permet par exemple d’aller plus vite dans la rédaction d’annonces à partir de mots clés. »
Zacharie Maille, responsable des réseaux sociaux chez Barnes, cite le cas « d’un penthouse de 1500 m2 à Dubaï entièrement vide, où l’on a pu proposer différents aménagements grâce à l’IA ». Comme dans tous les métiers, la technologie s’est imposée dans la transaction immobilière comme outil de génération d’idées, de traduction automatique ou de visualisation de décors, sans inventer de fausses images. « L’IA renforce notre relation client, ajoute Thibault de Saint Vincent, président de Barnes. Elle va analyser les réseaux sociaux d’un nouveau client et repérer s’il est amateur de golf ou d’art contemporain, s’il fréquente Saint-Tropez ou Miami. Cela nous permet de mieux cibler les approches, d’autant que nous opérons dans 22 pays et sur plusieurs activités, l’immobilier mais aussi le yachting, les voitures de collection, l’art… »
Entre SEO et GEO
L’IA intervient plus en amont encore. Engel & Völkers, réseau en plein essor en France, a renforcé ses investissements dans le marketing digital pour accélérer son développement. « Les clients utilisent de plus en plus souvent les moteurs génératifs pour faire des recherches, puis Google pour consulter les sites, explique Delphine Vié, directrice communication et marketing. On a donc une approche SEO (search engine optimization), toujours essentielle pour optimiser les résultats dans les moteurs de recherche traditionnels, mais aussi GEO (generative engine optimization) qui fournit des réponses plus personnalisées et contextuelles. » Le SEO, payant ou organique, identifie les mots clés qui renvoient à la marque, tandis que le GEO réagit à un contexte sémantique. Cela suppose de retravailler son contenu et ses attributs de marque pour émerger dans les recherches en ligne.
« L’IA est un enjeu très fort dans nos métiers, confirme Olivia Calcagno, directrice communication et marketing d’Espaces Atypiques. Nous investissons dans l’innovation pour améliorer l’expérience client. Par exemple, nous testons un chat bot baptisé ARI, comme agent de recherche immobilière, qui guide le client de manière intuitive dans sa recherche, avec du langage naturel. L’année prochaine, il ira encore plus loin avec de la commande vocale et des explications supplémentaires autour des annonces. » Le réseau a opéré une montée en gamme depuis trois ans, avec l’arrivée dans son portefeuille de propriétés hors normes comme une villa à 47 millions d’euros à Villefranche-sur-Mer sur la Côte d’Azur.
Chez Daniel Féau, agence familiale qui fête ses 80 ans cette année, « Chat GPT est entré dans le top 10 des origines du trafic sur notre site internet, confie-t-on à la communication. On doit donc être encore plus performants pour être indexés par les IA génératives. » Cependant, dans un secteur qui revendique des notions de service, de confidentialité et de sur mesure, Chat GPT ne pourra pas remplacer un conseil humain. « Un robot agit comme une personne cartésienne, alors que l’immobilier de luxe est un marché qui fonctionne beaucoup sur l’irrationnel, poursuit le porte-parole. Nous avons eu un client qui cherchait absolument dans le 6e arrondissement de Paris et qui a fini par acheter au Vésinet (en banlieue ouest). Seul un agent humain saura que c’est possible. »
Instagram, nouvelle vitrine
Outre l’IA, les réseaux sociaux se sont imposés comme un outil d’image et de génération de leads (contacts qualifiés). Chez Sotheby’s Realty, Instagram est la deuxième porte d’entrée vers les biens, après les sites de l’agence et les portails spécialisés comme Leading Real Estate, Luxury Portfolio ou Propriétés Le Figaro. Alexander Kraft, son CEO, compte à lui seul 480 000 abonnés sur son compte qui documente ses voyages, ses collaborations avec Ralph Lauren et Tod’s, sa marque de vêtements et son propre hôtel-restaurant en Provence. « Grâce à Instagram, je sais que mes followers sont à 70% des hommes, entre 25 et 50 ans, basés à Londres, New York, Paris, Dubaï, souligne-t-il. Après la mode des reels, désormais ce sont les carrousels qui fonctionnent, ces formats qui permettent de faire défiler 20 photos en montrant les détails du bien et sa région. Pour une première prise de contact, c’est un outil très performant. » Plus que la recherche d’un toit, l’immobilier de luxe s’inscrit de plain-pied dans l’art de vivre.