Créée en aout 2024, Emergent labs s’impose comme l’une des startups les plus avancés dans l’automatisation de la production logicielle. Mukund Jha et Madhav Jha développent une plateforme où des agents IA spécialisés conçoivent, planifient, écrivent, testent et déploient des applications complètes à partir d’instructions en langage naturel. Une proposition de valeur qui dépasse le simple no-code et interroge la manière dont les organisations structurent leur ingénierie.
L’entreprise vient de rejoindre le fonds AI Futures de Google, lancé pour soutenir des startups capables d’exploiter les modèles d’IA les plus avancés. Le fonds combine capital, accès anticipé aux modèles Gemini et accompagnement technique direct. « Le partenariat nous apporte trois ressources essentielles : du capital pour accélérer notre croissance, un accès précoce au modèle Gemini 3 de Google et un support technique opérationnel de l’équipe IA de Google. Ces éléments réunis distinguent clairement le AI Futures Fund des investissements traditionnels », confie à FW.Media, Mukund Jha, cofondateur et CEO d’Emergent.
Du côté du fonds, l’objectif est de soutenir les plateformes IA les plus prometteuses : « Emergent permet aux entreprises de concrétiser leurs idées, de lever les obstacles et de démocratiser l’accès aux outils nécessaires à la construction de leur infrastructure technologique », souligne Jonathan Silber, directeur du fonds AI Futures de Google.
Cette alliance intervient dans une phase d’hypercroissance de la startup. En moins de cinq mois, Emergent revendique 2,5 millions d’utilisateurs et un revenu annuel récurrent supérieur à 25 millions de dollars. « Nous servons déjà 2,5 millions d’utilisateurs dans le monde et avons atteint 25 millions de dollars d’ARR en moins de cinq mois. Ce partenariat nous donne les ressources et la base technologique pour passer à des dizaines de millions d’utilisateurs d’ici l’an prochain », précise Mukund Jha. Une trajectoire qui n’a pas manqué de convaincre LightSpeed Ventures d’investir 23 millions de dollars, dans la foulée d’un tour d’amorçage de 7 millions de dollars auprès together fund et YCombinator
La plateforme repose sur une architecture multi-agents qui opère comme une équipe d’ingénierie complète. Chaque agent explore le code, navigue dans l’arborescence, identifie les dépendances, exécute les tests et corrige les erreurs. Pour garantir cette autonomie, Emergent a construit sa propre pile technique : environnement d’exécution, pipeline de déploiement, base de données, sécurité, orchestration Kubernetes, une différence importante face aux plateformes no-code qui se limitent à la composition visuelle.
Cette approche reconfigure le cycle logiciel avec moins de tâches répétitives, une accélération du time-to-market, une productivité revue à la hausse et un impact direct sur la structuration des équipes techniques. L’accès à Gemini 3 ouvre à Emergent un champ d’expérimentation supplémentaire. « L’accès à Gemini 3 est déterminant pour notre développement produit. Il nous permet d’explorer les limites de l’IA agentique et d’accroître la sophistication des applications que nos utilisateurs peuvent construire. Avec le support direct des experts IA de Google, nous pouvons intégrer plus rapidement ces capacités », observe Mukund Jha.
La plateforme a déjà permis de créer des applications variées comme des outils de gestion de CV au Royaume-Uni, une application d’audit marketing en Allemagne ou encore répertoire de cas d’usage de l’IA pour aider à l’adoption opérationnelle des technologies émergentes. « Le partenariat avec le AI Futures Fund s’aligne parfaitement avec notre mission : démocratiser la création logicielle pour que chacun puisse transformer une idée en application fonctionnelle, sans compétence technique préalable », conclut son fondateur.
Pour autant, plusieurs fragilités restent à surveiller. D’abord, la soutenabilité d’un ARR construit très vite sur une base large d’utilisateurs “touristes” qui dépendra de la capacité à faire croître durablement la part de revenus issue des power users réellement engagés. Ensuite, derrière le discours sur le “world-class agent”, Emergent reste structurellement dépendante de modèles tiers pour la génération de code, avec des enjeux de coûts, de performance et de licensing que l’infrastructure maison ne résout pas. L’entreprise évolue par ailleurs dans un environnement déjà très encombré avec des solutions comme Replit, V0, les plateformes no-code historiques, ce qui l’oblige à maintenir un différentiel produit tangible, à la fois sur la qualité des apps produites et sur la mécanique de distribution via les influenceurs. Enfin, le choix d’opérer sa propre couche d’infrastructure (VM, back-end, bases) offre un contrôle fin et de meilleurs feedback loops, mais au prix d’une complexité opérationnelle élevée en matière de fiabilité, de sécurité et de scalabilité, qui restera un chantier permanent à ce niveau de croissance.