Dans un petit atelier à Alger, Amina aligne des pots de savons artisanaux dans des cartons. À côté d’elle, l’imprimante vrombit en sortant les étiquettes une à une. La commande est presque prête à partir vers d’autres villes du pays et même à l’étranger grâce à l’entreprise logistique avec laquelle elle travaille. « Avant, je vendais seulement dans mon quartier », explique-t-elle. « Aujourd’hui, mes produits voyagent à travers l’Algérie et même au-delà. Je n’aurais jamais pensé que c’était possible.»
Pour des femmes comme Amina, le passage au numérique a ouvert des perspectives qui semblaient inaccessibles. Beaucoup d’artisanes en Algérie ont longtemps été confrontées à des difficultés pour promouvoir leurs produits, trouver de nouveaux clients ou rivaliser avec les importations. Le projet E-commerce pour les entrepreneures dans la région MENA, financé par l’initiative Women Entrepreneurs Finance Initiative (We-Fi) et mis en œuvre par la Banque mondiale, vise à donner aux femmes les outils, les réseaux et la confiance nécessaires pour réussir en ligne.
Dès le lancement, l’initiative s’est appuyée sur les institutions nationales. L’Algérie a créé un comité de pilotage composé de huit ministères afin d’orienter le programme, d’assurer son alignement avec les réglementations et les réalités existantes, des formalités autour des produits aux systèmes de paiement en ligne. Cette étape a doté l’initiative d’une base institutionnelle solide et a créé les conditions pour passer à l’échelle.
« L’Algérie a posé les bases d’un écosystème favorable à la numérisation et à la croissance des entrepreneures », affirme Cemile Hacıbeyoglu Ceren, représentante résidente du Groupe de la Banque mondiale en Algérie. « Cette initiative montre ce qu’il est possible d’accomplir lorsque les institutions, le financement et la formation avancent ensemble. C’est un effort collectif dont nous sommes fiers d’être partenaires. »
Les partenaires institutionnels tels que la CNAM et l’ANGEM ont joué un rôle majeur dans l’élargissement de la portée du projet. La CNAM a fourni une plateforme nationale pour connecter les artisanes à travers l’Algérie, tandis que l’ANGEM intègre aujourd’hui la formation digitale dans ses programmes de microcrédit. Avec l’appui du secteur privé, ils ont formé 51 coachs en marketing digital et en e-commerce. Ces coachs certifiés, dont des agentes de la CNAM et de l’ANGEM, transmettent désormais leurs connaissances à des centaines d’entrepreneures. À ce stade, 119 femmes ont suivi la formation, et plus de 74 % ont intégré de nouvelles plateformes en ligne dans leur activité. Le programme vise à toucher 300 entrepreneures à court terme.
L’ANGEM déploie également une formation en cascade à large échelle. Dès le début de l’année 2025, 25 formatrices principales (une dans chacune des 25 wilayas ciblées) recevront une formation avancée en e-commerce. Chaque formatrice principale formera ensuite 12 formatrices locales, constituant un vivier de 300 formatrices. À leur tour, ces formatrices accompagneront environ 92 nouvelles entrepreneures, pour atteindre 27 500 promotrices d’ici fin 2025. Cette approche pyramidale vise à diffuser les compétences numériques bien au-delà du groupe initial de participantes We-Fi.
Pour Amina, productrice de savons naturels, la formation a rendu son entreprise plus solide : « J’ai acquis les connaissances dont j’avais besoin en marketing et en communication. Mon entreprise est plus visible, et je peux la gérer avec davantage d’assurance. »
Pour Ismahane, artisane parfumeuse, les résultats ont été rapides : « Ce programme m’a appris à organiser mes procédures et à utiliser les bons outils pour optimiser les ventes. Mes clientes comprennent mieux mes offres et ma communauté sur les réseaux sociaux est passée de 7 000 à 22 000 abonnés en quelques mois. »
Les bénéfices dépassent les seules artisanes. Les agentes publiques qui ont évolué vers un rôle de coach ont élargi leurs responsabilités, passant de tâches administratives à des missions de conseil. Les consultantes privées ont également développé leur expertise en entrepreneuriat digital. Comme le souligne l’une des coachs : « Nous apprenons aussi. Accompagner les entrepreneures nous a permis de faire évoluer notre métier en développant des compétences en marketing digital, en comprenant mieux l’entrepreneuriat et en passant d’un rôle administratif à une fonction de conseil stratégique. »
À Oran, Alger ou Annaba, les récits convergent. Certaines femmes ont débuté avec de petites ventes locales, d’autres n’avaient qu’une idée. Toutes ont avancé à leur rythme et acquis les outils nécessaires pour progresser.
La collaboration entre l’Algérie et la Banque mondiale à travers We-Fi montre que l’autonomisation économique ne repose pas uniquement sur le financement. Il s’agit de construire un écosystème où institutions, compétences et entrepreneuriat progressent ensemble. Lorsque Amina remet son colis au livreur, elle sourit : « Ce n’est pas seulement un produit qui quitte mon atelier. C’est un avenir que j’ai construit. »