Figure discrète mais essentielle, Leïla Rosso pilote tout le storytelling digital de Melitta France, cette marque qui a transformé une intuition domestique en empire du filtre. Interview entre traditions du café, innovations techniques et modèle familial.
En tant que responsable du marketing digital pour la marque Melitta, la fonction de social media manager recouvre de nombreuses missions : en quoi consiste concrètement ce rôle aujourd’hui ?
Leïla Rosso : Je m’occupe de tout ce qui sort en digital : les réseaux sociaux, les campagnes, les partenariats avec les créateurs, les vidéos, les stories, les contenus pédagogiques, dans le respect de la stratégie définie par l’équipe Marketing européenne. Je dois comprendre nos produits dans les détails pour pouvoir les expliquer simplement, sans dénaturer quoi que ce soit. Mon rôle, c’est d’être la passerelle entre la technique et le public, et d’assurer une cohérence dans tout ce que la marque raconte. C’est un travail où je dois jongler entre communication, pédagogie et compréhension produit.
La marque repose sur une invention née en 1908 dans la cuisine de Melitta Bentz : comment cette histoire fondatrice est-elle racontée aujourd’hui ?
J’adore raconter cette histoire parce qu’elle est très humaine. Melitta aimait le café, mais détestait le marc qui restait au fond de la tasse. Elle a donc improvisé : un buvard pris dans le cahier de son fils, une boîte en laiton percée, et elle a filtré son café comme ça. Le résultat était clair, propre, agréable. Elle l’a fait goûter à ses amies, elles ont trouvé ça incroyable. Elle a alors commencé à fabriquer ses filtres à la main dans sa cuisine. Et ce qui est encore plus fou, c’est que son capital de départ représentait l’équivalent de quatre ou cinq euros aujourd’hui, donc elle est vraiment partie de rien.
La production est restée artisanale pendant de nombreuses années : comment l’entreprise est-elle passée à une fabrication plus large dans les années 1920 ?
Au début, Melitta fabriquait tout elle-même et n’arrivait plus à suivre. Puis, à partir des années 1920, elle a investi dans des machines de découpe pour augmenter la production, mais toujours depuis sa maison. Elle est passée d’un geste artisanal à une production nationale sans quitter son foyer. C’était un vrai modèle familial. Et au fil de l’expansion, l’entreprise a fini par déménager à Minden en 1929, où se trouve encore le siège aujourd’hui.

Responsable marketing digital de la marque Melitta, Leïla Rosso incarne la nouvelle génération des buveurs de café, entre retour au slow coffee et extractions innovantes.
Le rouge et le vert sont devenus des couleurs emblématiques de la marque : comment ce choix s’est-il imposé à l’époque ?
À l’époque, tous les produits étaient emballés dans du papier kraft marron. Elle, elle voulait que son produit se voie dans le rayon. Donc elle a choisi le rouge et le vert, ce qui était un choix très audacieux pour l’époque. Et ça a fonctionné : les gens reconnaissaient tout de suite sa marque. Ces couleurs sont devenues un repère mondial. Et même quand la marque a évolué, le packaging et ses couleurs ont suivi la marque jusqu’à son installation à Minden, ce qui a renforcé l’identité visuelle.
Les filtres Melitta sont désormais très techniques et différenciés : à quoi correspondent précisément les types intense, gourmet ou standard ?
Les filtres sont beaucoup plus techniques que ce qu’on croit. Chaque modèle a une perforation différente, ce qui influe sur la vitesse d’écoulement et donc sur le goût final. Un filtre intense ralentit l’eau, ce qui donne un café plus puissant. Un filtre classique laisse passer l’eau plus vite, donc le café est plus léger, plus aromatique et harmonieux. À l’inverse, nos filtres intense disposent de performations particulières pour ralentir l’eau et extraire toute la force et l’intensité du café. Quelques secondes d’infusion changent complètement le résultat en tasse. C’est pour ça qu’il existe plusieurs types.
Le mouvement slow coffee, relancé notamment par des marques japonaises, a remis le café filtre au centre : en quoi cette tendance a-t-elle influencé Melitta ?
Le slow coffee a remis au goût du jour un geste que Melitta avait inventé en 1908. Les baristas utilisent toujours du papier, parce qu’un filtre en métal donne aussi un goût à cause de l’acier. Ce retour aux méthodes plus lentes et plus précises a permis à plein de gens de redécouvrir le café filtre autrement que comme quelque chose de « vieillot ». Ça a vraiment reconnecté une nouvelle génération à ce type d’extraction.
La boîte rouge et verte, iconique depuis des décennies, a été modernisée cette année : comment faire évoluer un symbole sans le dénaturer ?
C’était un sujet sensible. Le rouge et le vert sont intouchables, c’est l’identité de la marque. On a donc modernisé uniquement certains éléments : des touches de jaune, une grille plus contemporaine, un équilibre visuel plus actuel. L’idée était de rajeunir sans dénaturer. Et en interne, changer un packaging aussi iconique a été vécu comme un énorme événement, parce que tout le monde y est très attaché.
Melitta fabrique des cafetières filtre depuis 60 ans et s’est lancée dans l’expresso dès les années 80 : pourquoi cette diversification est-elle arrivée aussi tôt ?
Parce que pour la marque, c’était logique. Une fois que Melitta avait inventé le filtre, elle a voulu créer la machine qui allait avec. D’où les cafetières filtre dans les années 60. Puis dans les années 80, comme l’expresso à domicile devenait une vraie tendance, le groupe Melitta s’est lancée dans les machines expresso. L’idée, c’était de pouvoir proposer toutes les étapes du café : du filtre à la machine, puis du grain à la tasse.
L’entreprise appartient toujours à la famille Bentz : qu’est-ce que cette structure familiale change dans la façon de gérer la marque aujourd’hui ?
Ça change énormément. Une entreprise familiale fonctionne avec une vision à long terme. Les décisions sont cohérentes, réfléchies, et tournées vers la stabilité. Ça se ressent dans les machines, dans le rythme des innovations, dans la manière de communiquer. C’est un modèle beaucoup plus posé, où la marque prime sur le court-termisme.
Les machines Melitta sont reconnues pour leur qualité d’extraction : qu’est-ce qui distingue leur fonctionnement des autres appareils ?
La pré-infusion, c’est vraiment ce qui change tout. C’est le moment où la mouture est humidifiée avant l’extraction, ce qui permet aux arômes de se libérer. Même si ça ne dure que quelques secondes, ça joue énormément sur la qualité. La tasse est plus équilibrée, plus aromatique. C’est un geste barista intégré dans une machine domestique. Et c’est exactement ça qui fait la différence.
Melitta propose une gamme grand public mais aussi une gamme professionnelle : quelles différences majeures existent entre ces deux univers ?
La gamme grand public est pensée pour être simple et intuitive : vous déballez, vous branchez, et vous faites votre café. La gamme professionnelle est pour les cafés, les hôtels, les restaurants, donc il faut plus de robustesse, plus de fonctionnalités, et un service technique spécifique. C’est la même marque, mais pas du tout les mêmes usages ni les mêmes besoins.
Le café étant composé à 98 % d’eau, le rôle des cartouches filtrantes est essentiel : dans quelles conditions suffisent-elles réellement ?
L’eau représente la quasi-totalité de la composition d’une tasse de café. Sa qualité influence donc directement le goût, les arômes et la longévité de la machine à café. Les cartouches filtrantes sont conçues pour améliorer cette qualité en réduisant la teneur en calcaire, en chlore, en métaux lourds et autres impuretés susceptibles d’altérer le résultat en tasse. Elles améliorent le goût du café, protègent la machine et assurent une extraction optimale des arômes.
Certaines machines intègrent un nettoyage automatique du circuit lait : pourquoi cet élément technique est-il devenu important ?
Parce que le lait, ça peut devenir un nid à bactéries en quelques heures si le circuit n’est pas bien nettoyé. Pour les gens qui boivent cappuccino, latte, macchiato, c’est essentiel. Le nettoyage automatique simplifie tout et évite les résidus, les dépôts, les mauvaises odeurs. C’est un détail technique, mais un détail qui compte énormément. C’est pour ça que la partie lait a toujours été un axe très important du développement des machines.
« UNE BONNE MACHINE NE COMPENSE JAMAIS UN MAUVAIS CAFÉ. »
Les machines acceptent aussi bien le grain que le moulu : dans quelle mesure la qualité du café utilisé peut-elle influencer le fonctionnement ?
La seule limite, c’est le café lui-même. Certains cafés sont trop humides, trop secs ou trop gras et peuvent encrasser les machines. Un café bien torréfié et de bonne qualité, lui, passera sans problème. Donc ce n’est pas la machine qui limite : c’est le choix du grain. Une bonne machine ne compense jamais un mauvais café.
Inclure un paquet de café avec une machine pourrait sembler logique pour guider les utilisateurs : pourquoi ce n’est pas systématique ?
On a choisi de respecter les préférences de chaque consommateur et consommatrices en matière de café. L’inclusion systématique d’un paquet de café limiterait cette liberté de choix. On a décidé de laisser chaque personne découvrir et sélectionner le café qui lui correspond le mieux. La priorité, c’est d’offrir une expérience personnalisée et adaptée aux attentes de nos clients.
L’AromaFresh Pro combine moulin intégré et extraction filtre : dans quelle mesure cette approche s’inscrit-elle dans la logique du slow coffee moderne ?
Pour moi, c’est un entre-deux pratique : un café fraîchement moulu, sans avoir besoin d’un moulin séparé. Ça donne un café beaucoup plus aromatique avec la simplicité du filtre. Le vrai slow coffee, on l’a avec les appareils qui ont la douchette rotative à 360°, qui reproduit le geste barista, comme la Melitta epour et la Melitta EPOS. Donc ce n’est pas exactement du slow coffee, mais c’est une façon moderne et pratique d’obtenir quelque chose de très qualitatif.
Entretien Serge Adam
Photos Axel Vanhessche